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Certains vaisseaux de l’Alliance se dirigeaient déjà depuis une demi-heure vers une interception du supercuirassé quand une nouvelle alerte clignota. Geary, qui s’attendait toujours à une tentative massive d’autodestruction de la part des Vachours piégés dans ce bâtiment, sursauta comme si on l’avait mordu.

Mais aucune icône ne signalait un nuage de débris en expansion là où s’était tenu le supercuirassé. Il était toujours sur place mais avait étrangement changé. « Quoi encore ? »

Une partie de sa coque avait été arrachée et saillait à l’extérieur. L’espace d’un instant, Geary crut à une explosion interne, trop faible pour le détruire mais assez violente pour l’éventrer. Mais il lui apparut très vite que la section qui s’en désolidarisait et avait adopté la forme d’un des petits vaisseaux vachours était autonome. À la place qu’elle occupait auparavant, en grande partie nichée dans le supercuirassé, on distinguait à présent une dépression correspondant à sa silhouette.

« Appareil de sauvetage, rapporta le lieutenant Castries. Accélérant vers le point de saut. »

On avait enfin trouvé un module de survie sur un vaisseau vachours. Mais un seulement ? Et conçu pour de telles vélocité et endurance ? « Il ne peut certainement pas abriter tout l’équipage, fit-il remarquer.

— Non, répondit Desjani. Impossible. »

Les vaisseaux humains étaient encore trop loin du supercuirassé pour intercepter ce canot de sauvetage, mais ceux des Lousaraignes pivotaient déjà ou bondissaient sur leur nouvelle proie.

« Voulez-vous qu’on leur demande de ne pas s’en prendre à cette unité ? s’enquit Desjani.

— Je ne suis pas certain que nous en ayons le temps », répondit Geary. Le message n’atteindrait les Lousaraignes qu’après que les premiers d’entre eux auraient intercepté le supercuirassé.

Desjani hocha la tête, les lèvres serrées. « J’imagine qu’ils vont faire sauter l’épave, maintenant.

— Peut-être. » Geary fixa son écran en fronçant les sourcils. « Cet appareil est sans doute très volumineux pour un module de survie, mais il ne fait jamais que la moitié d’un destroyer.

— Un tiers environ de sa masse et sa longueur, précisa Desjani. Lieutenant Castries, peut-on évaluer le nombre des Bofs qui sont à son bord ? »

La réponse lui parvint au bout d’un moment. « Nos systèmes estiment qu’il n’a été conçu que pour abriter au maximum une centaine d’individus de la taille de ces Vachours, rapporta Castries. À condition qu’ils s’y entassent et que leur équipement occupe sensiblement la même place que le nôtre à l’intérieur. Une vingtaine selon l’évaluation la plus basse.

— Entre vingt et cent. » Desjani fit la grimace. « L’équipage de ce supercuirassé pouvait s’élever à plusieurs milliers d’individus.

— Peut-être est-il très automatisé, suggéra Geary. Non. Certaines des vidéos que nous avons visionnées se passent sur leurs vaisseaux et montrent que d’innombrables Bofs y fourmillent. » La réponse lui vint alors à l’esprit. « Les officiers ! Le commandant en chef, son état-major et peut-être leur famille si c’est la coutume chez eux. Les chefs de cette partie du troupeau, l’abandonnant derrière eux tandis qu’ils filent se mettre à l’abri.

— Je préfère “chefs du troupeau” à officiers, s’insurgea sèchement Desjani. Des officiers n’abandonneraient pas leur équipage, et rien ne prouve que cet énorme vaisseau disposait d’autres appareils de sauvetage.

— Certains Vachours sont plus égaux que d’autres, lâcha Geary. Ça ne devrait pas nous surprendre. Nous savions qu’ils se donnaient des chefs, et les chefs peuvent facilement former une caste élitiste.

— Comme chez les Syndics.

— Peut-être. Peu ou prou. » Mais même les Syndics avaient mis des capsules de survie sur leurs vaisseaux. Cela dit, ils ne disposaient pas d’au moins trente milliards de travailleurs de rechange, entassés quasiment joue contre joue. « Ces chefs de troupeau fuient peut-être, mais ils ne s’en tireront pas. »

Desjani sourit puis laissa échapper un rire bref. « Trop de Lousaraignes pour leur bloquer le passage. » C’était effectivement le cas : les vaisseaux de leurs « alliés » fondaient bel et bien sur l’appareil de sauvetage, en un complexe tourbillon de trajectoires incurvées évoquant une résille qui se refermait très vite sur le « canot de sauvetage » du commandant vachours.

En dépit de sa taille relativement modeste, celui-ci présentait des boucliers impressionnants. Mais il ne pouvait pas être à la fois lourdement blindé et rester rapide et agile ; en outre, il ne disposait que d’un armement réduit et mitraillait désespérément les vaisseaux ennemis, lesquels convergeaient sur lui et s’en rapprochaient déjà pour effectuer leurs passes de tirs.

Une vingtaine de bâtiments lousaraignes le prirent pour cible : leurs assauts répétés firent bientôt s’effondrer ses boucliers, percèrent sa coque puis finirent sans doute par déclencher une surcharge de son réacteur. Alors que ses assaillants s’en éloignaient après leurs frappes, il n’en resta plus qu’un champ de débris en expansion.

« J’ai la vague impression que les Lousaraignes ne tenaient pas à faire de prisonniers, constata Desjani. Pourquoi ce commandant en chef a-t-il pris la fuite ? Il aurait été davantage en sécurité à bord de son supercuirassé.

— Ce bâtiment est condamné, fit remarquer Geary. Peut-être leur chef a-t-il paniqué et allons-nous voir maintenant le supercuirassé s’autodétruire. Le commandant ne tenait certainement pas à quitter le monde de cette manière.

— Il l’a quand même quitté de cette manière, déclara sèchement Desjani en désignant les fragments du véhicule de sauvetage. Hummm… ils seraient à présent très loin de ce bâtiment blessé, hors de portée de l’onde de choc. Dans le pire des cas, selon notre estimation, elle ne les aurait pas affectés. Alors pourquoi n’a-t-il pas explosé ?

— Un traquenard ? Comme l’a suggéré le capitaine Smyth à propos de l’Invulnérable ? Les Vachours auraient-ils programmé leurs supercuirassés pour exploser quand nous monterions à bord ?

— Ou si ça tournait mal pour eux, avança Desjani. Ou encore si les Bofs laissés-pour-compte refusaient d’être pulvérisés. À moins qu’ils n’aient jamais eu l’intention de déclencher une surcharge. Aucun de leurs autres vaisseaux ne s’est autodétruit. Les Lousaraignes ont anéanti tous ceux qui avaient été blessés mais restaient opérationnels.

— Quand donc avez-vous eu l’occasion de vous repasser les enregistrements de l’engagement ? s’étonna Geary en songeant à tout ce qu’il avait fait depuis la fin du combat.

— J’ai mis à profit mes nombreux moments de loisir. Une seconde par-ci, une seconde par-là… ça finit par cumuler. »

Geary serra les poings. « Il nous reste une petite chance d’arraisonner ce machin.

— Oui, convint Desjani. Mais ceux qui monteront à bord devront affronter l’éventualité qu’il pourrait exploser alors qu’ils sont encore dedans, en même temps que la perspective de combattre des milliers de Bofs, qui lutteront probablement jusqu’à la mort pour éviter d’être dévorés vivants, ce à quoi ils doivent s’attendre de la part des affreux prédateurs que nous sommes. Vous ai-je déjà dit pourquoi je ne m’étais pas engagée dans les fusiliers spatiaux ?

— Je sais que vous avez déjà conduit des abordages, affirma Geary en se souvenant de la médaille de Desjani, cette Croix de la flotte de l’Alliance dont elle ne parlait jamais qu’en termes très vagues.

— Quand j’étais encore jeune et évaporée. » Elle secoua la tête. « Toujours pas d’autodestruction. Hé, une idée me vient ! Les tactiques et les armes des Lousaraignes ne seraient jamais venues toutes seules à bout de cette armada, même s’ils doivent sûrement disposer d’un moyen de repousser les Bofs.