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— Vous y avez déjà fait allusion.

— Vraiment ? Mais je viens seulement de songer à ceci : les Bofs n’ont peut-être jamais perdu de vaisseaux dans un système qui leur était hostile. Soit ils ont livré toutes leurs batailles dans leur système natal, soit ils ont réussi à ramener chez eux tous ceux de leurs vaisseaux qui n’avaient pas été anéantis. Et, parce que ça ne s’est jamais produit, peut-être ne disposent-ils même pas de procédures et de plans permettant de les saborder. Allons, regardez-moi ce machin. » Elle montra de la main l’image du supercuirassé. « Vous attendriez-vous vraiment à le trouver piégé et impuissant ?

— Pas précisément impuissant. Ses armes et ses boucliers sont encore opérationnels. Et comment expliquer l’appareil de sauvetage ?

— Effectivement. Les chefs qui étaient à son bord devaient avoir de bonnes raisons de croire qu’il leur faudrait pouvoir s’en échapper. Ce supercuirassé aurait-il été le vaisseau amiral de leur armada ?

— Pas impossible. » Le commandant d’une flotte devait pouvoir disposer d’un moyen de quitter un bâtiment endommagé lors d’un combat pour le poursuivre depuis un autre vaisseau amiral. « Mais, même si vous avez raison, ça ne veut pas dire que l’équipage resté à bord aurait été incapable de bricoler un dispositif d’autodestruction. On n’en sait tout bonnement rien. »

Desjani désigna son écran d’un coup de menton. « Leurs rescapés continuent de fuir vers le point de saut. Quarante et un vaisseaux. Je me félicite que les Lousaraignes se chargent de les pourchasser parce que, même moi, je ne m’en sens pas pour le moment. Mais, si le dernier Bof quitte ce système stellaire alors que le supercuirassé est encore intact, nous devrons décider s’il faut courir le risque de l’arraisonner.

— Je vais devoir en décider », rectifia Geary.

L’image du général Carabali montra d’un geste l’écran de la cabine de Geary. « Il s’agit de ce bâtiment ?

— Oui, général. » Geary grossit la représentation du supercuirassé. « Vos fusiliers peuvent-ils l’investir ?

— Si nous en sommes capables ? Oui, amiral, j’en ai la certitude. Ce dont je suis moins sûre, c’est du prix que ça risque de nous coûter. »

C’était la question principale. « Je comprends. Dans ces conditions, j’aurais besoin de votre expertise : selon vous, devrions-nous tenter de l’arraisonner ? »

Carabali s’accorda un temps de réflexion. « Les inconnues sont nombreuses. Nous n’avons qu’une idée assez générale, fondée en grande partie sur les vidéos que nous avons interceptées, des aptitudes au combat réelles des Bofs pris individuellement. Mais vous savez à quel point les films peuvent s’écarter de la réalité, et nous ne savons même pas si nous avons visionné des fictions ou des documentaires. Nous ignorons également combien il en reste à bord de ce bâtiment. Je n’évaluerais pas leur nombre à moins d’un millier, mais ils pourraient être beaucoup plus. Un vaisseau de cette taille pourrait abriter dix mille individus s’ils en décidaient ainsi.

— Dix mille ? s’exclama Geary, stupéfait. C’est votre évaluation ?

— Non, amiral. C’est le maximum que nous admettons. Cinq ou six mille serait plus plausible. Ça fait beaucoup de Bofs. » Carabali s’interrompit pour renouer le fil de ses pensées. « Nous ne savons rien de la configuration du vaisseau. Durant une opération d’abordage normale, mes fusiliers gagneraient directement certains secteurs critiques pour s’assurer du contrôle du réacteur et d’autres systèmes vitaux. Nous ignorons où ils se trouvent sur ce bâtiment, tout comme la forme que prennent leurs commandes.

— Nous ne savons même pas s’ils conçoivent ces compartiments comme nous, admit Geary.

— La disposition interne…» Carabali haussa les épaules. « Les Bofs sont beaucoup plus petits que nous. Leurs coursives risquent d’être très étroites pour un fantassin en cuirasse de combat. Même si nous avions l’avantage en matière de puissance de feu individuelle, il nous serait peut-être difficile de l’employer. Tout cela en fait une opération très problématique, évoquant davantage l’assaut d’un fort que l’abordage d’un vaisseau. »

Le tableau qu’en donnait le général de l’infanterie n’était certes guère brillant, mais elle n’avait pas dit non plus que ce n’était pas jouable. Les bénéfices qu’on tirerait de l’arraisonnement de ce vaisseau valaient-ils d’en prendre le risque ? C’était la question pendante. Le capitaine Smyth et les experts civils avaient d’ores et déjà voté pour. La perspective d’explorer cette prise de guerre pour recueillir des informations sur les Bofs et leur technologie les exaltait.

Certes, on devait trouver à bord de ce bâtiment des indices permettant de découvrir comment fabriquer ce dispositif de défense contre les bombardements orbitaux. À lui seul, cet atout justifierait presque toutes les pertes. Tous les sacrifices. « Mais vous pouvez le faire. » C’était davantage un constat qu’une question.

« Oui, amiral. Du moins si les Bofs ne le font pas sauter avant. Préalablement au débarquement, il faudra que ses défenses extérieures soient réduites au silence et, ensuite, nous aurons besoin d’un soutien rapproché. Donc d’un nombre significatif de vaisseaux de la flotte en position près de cet énorme bâtiment, où eux aussi seraient donc en péril s’il devait s’autodétruire.

— Compris. » Il allait devoir affecter un bon nombre de ses moyens limités, tant en vaisseaux qu’en fusiliers, à cet assaut. Si les Bofs se contentaient d’attendre afin d’attirer les humains à l’intérieur, ils pourraient alors détruire tout ce que Geary aurait envoyé à son bord ou à proximité. Il avait donc de bonnes chances de souffrir de pertes considérables sans rien obtenir en échange.

Mais qui ne risque rien n’a rien. Ce serait laisser passer une occasion qui pourrait ne plus jamais se reproduire.

« Commencez à planifier cet assaut, ordonna-t-il. Partez du principe que vous disposerez de tous les atouts accessibles. De mon côté, je compte affecter autant de vaisseaux qu’il le faudra à la mise hors de combat des défenses extraterrestres avant l’intervention de vos fusiliers. Ce sera une sale besogne, mais je vous en sais capable. »

Carabali salua en affichant un sourire sardonique. « C’est précisément pour cela qu’on vous a fourni des fusiliers. Pour faire le sale boulot dont personne ne veut ou n’est capable. Quand voulez-vous avoir connaissance de mon plan, amiral ?

— Le plus tôt possible, mais prenez le temps nécessaire pour l’établir correctement. Nous n’irons nulle part avant d’avoir effectué d’innombrables réparations sur nos vaisseaux endommagés.

— Entendu, amiral. En l’occurrence, notre ignorance simplifiera notre planification. Il nous faudra considérablement improviser sur le tas à l’intérieur. Fort heureusement, les fusiliers sont très doués en ce domaine. »

Geary s’assit une fois l’image de Carabali disparue ; il se prit la tête entre les mains en songeant à tous les hommes et femmes qui avaient déjà trouvé la mort dans ce système stellaire, ainsi qu’à tous ceux qui allaient encore périr parce qu’il avait pris cette décision.

Le supercuirassé tournoyait lentement dans l’espace : le creux marquant dans son flanc l’ancien emplacement de l’appareil de sauvetage revenait en vue à intervalle régulier. Il ne présentait guère de dommages, hormis à la poupe, où les unités de propulsion principales avaient été déchiquetées par une violente explosion au moins, laquelle avait apparemment déclenché une sorte de réaction en chaîne. « Les principaux secteurs consacrés à l’ingénierie sont peut-être détruits aussi, avait suggéré le capitaine Smyth. Auquel cas ils ont peut-être été contraints de couper leur réacteur ou ce qui en tient lieu.