Выбрать главу

Desjani, elle, s’esclaffa et se tourna vers Charban pour lui sourire. Elle ne l’aimait pas, n’avait eu que mépris pour sa réticence à recourir à la force quand elle-même l’avait jugée manifestement nécessaire, mais elle appréciait qu’on fût capable de plaisanter dans l’adversité.

Des nuées de navettes de débarquement jaillirent des transports d’assaut, s’alignèrent et piquèrent vers le supercuirassé comme autant d’aigles fondant sur une proie.

Çà et là, des tirs de rayons de particules et de lasers partirent soudain du bâtiment ennemi, provenant d’armes qui avaient cessé de s’activer avant d’être détruites, ou bien étaient restées jusque-là au repos, pour tenter de décimer les rangées de navettes en approche.

Quelques-unes vacillèrent sous les coups, mais les cuirassés étaient restés à l’affût et les batteries de lances de l’enfer entrèrent de nouveau en action, réduisant en quelques secondes ce tir défensif à l’impuissance sous une avalanche de contre-feux.

Huit navettes avaient essuyé des frappes, dont deux sérieusement endommagées, et leur formation était légèrement disloquée. Geary entendit des ordres lancés par les coordinateurs de l’assaut : « Navettes 1210 et 4236, avortez votre course et regagnez la base. Les autres, continuez !

— Répétez, répondit le pilote de la 12x0 d’une voix intriguée. Je n’ai pas capté.

— Avortez la course. Regagnez la base.

— Désolé. Je ne capte pas, répéta le pilote. Je continue.

— Ici le pilote de la 4236, intervint une autre voix. Je garde le contrôle. Demande l’autorisation de poursuivre. C’est plus sûr que de tenter un repli. »

Tout le monde avait entendu la 1210 et la 4236, et les autres navettes reprirent la formation, s’interdisant de la rompre alors que leurs camarades plus gravement endommagés se cramponnaient.

Bien que les tirs ennemis eussent de nouveau cessé, les principales unités de propulsion de l’Intrépide s’allumèrent un bref instant, rapprochant le cuirassé du bâtiment ennemi.

Geary activa un circuit spécial qui lui permettait de communiquer en privé avec tout commandant de vaisseau. « Capitaine Jane Geary, ici l’amiral Geary. Vous n’avez plus rien à prouver depuis vos hauts faits de la dernière bataille. Regagnez la position qui vous a été affectée avec vos camarades. »

Il n’attendit pas la réponse, coupa la communication et se radossa.

Desjani lui coula un regard en biais. Le recours au canal privé avait automatiquement déclenché l’activation d’un champ d’intimité autour de lui, interdisant aux autres d’entendre ses paroles, et Tanya devait se demander ce qu’il avait dit à sa petite-nièce.

Les propulseurs de proue de l’Intrépide s’allumèrent, freinant le cuirassé dans son élan et lui permettant de regagner sa position.

« Très bien, fit Desjani. Je craque. Que lui avez-vous dit ?

— Qu’elle n’avait plus besoin de prouver à personne qu’elle était une Geary.

— Espérons qu’elle vous écoutera. Je peux surveiller la situation à l’extérieur du supercuirassé, amiral, si vous tenez à vous concentrer sur l’abordage.

— Je ne devrais pas…» En règle générale, il ne devait pas concentrer toute son attention sur une zone particulière en négligeant les autres aspects du tableau. Et, surtout, il lui fallait éviter d’entrer dans les détails d’une opération des fusiliers en perdant de vue, ce faisant, les événements qui se déroulaient autour de ses vaisseaux. Mais aucune bataille n’était en cours par ailleurs, aucune autre force hostile ne hantait ce système stellaire. Tout ce qui émergerait d’un point de saut se trouverait encore à une distance de plusieurs heures-lumière, et les Lousaraignes étaient assez éloignés pour que même eux ne pussent lancer une attaque surprise, dans l’éventualité où ils deviendraient soudainement et inexplicablement hostiles.

« Vous devez en apprendre davantage sur la manière d’opérer des fusiliers, lui fit remarquer Desjani. Vous êtes un amiral, maintenant. Et la meilleure façon d’apprendre est encore de les regarder faire.

— Vous avez raison, lui accorda-t-il.

— J’ai toujours raison, murmura-t-elle avant d’ajouter d’une voix plus sonore, de manière à se faire entendre des voisins de Geary : Je vais veiller au grain pendant que vous surveillerez l’intervention des fusiliers, amiral. »

Nul officier de la flotte n’y objecterait. Autant ils respectaient ces fantassins, autant ils ne se fiaient pas entièrement à eux quand ils se trouvaient à bord. Les fusiliers étaient différents. Ils suivaient un entraînement différent, vivaient des expériences différentes. Ils appuyaient parfois, sans trop savoir à quoi il servait, sur le bouton qu’il ne fallait pas. Tout le monde verrait d’un bon œil que l’amiral les surveillât.

Bon, bien sûr, les fusiliers éprouvaient exactement les mêmes sentiments à l’endroit des spatiaux, et ils auraient probablement apprécié que le général Carabali pût superviser les agissements des officiers de la flotte.

Geary afficha des fenêtres montrant des images retransmises par la cuirasse de combat des fusiliers et, au début, s’étonna de l’épaisseur des couches successives qui s’offraient à son regard. Mais il n’avait encore jamais assisté à une opération de cette ampleur, mobilisant tant de sections, de pelotons, de compagnies et de bataillons de fantassins. Il pouvait toucher l’image du commandant d’un bataillon et accéder ainsi, au-delà, à celle de commandants de compagnie, puis de chefs de peloton, de section et, enfin, à celles de chaque fusilier pris individuellement. Il pouvait également activer une grande fenêtre contenant des clichés en réduction de plusieurs centaines de fusiliers à la fois, lancés dans une activité étourdissante. Et, bien sûr, il pouvait s’adresser directement au général Carabali.

Il n’avait nullement l’intention de la distraire alors qu’elle avait avant tout besoin de diriger ses troupes. Ni même de prendre langue avec un de ses fusiliers. De sorte qu’il écarta prudemment la main de ses touches de contrôle afin d’éviter de le faire par inadvertance. Il devait absolument se tenir au courant de ce qui se passait et en apprendre plus long sur les opérations des fusiliers, mais en aucun cas tenter de régenter le comportement de gens qui connaissaient leur travail bien mieux qu’il ne le ferait jamais.

Une petite fenêtre ouverte sur un côté de l’écran l’intrigua un instant, puis il s’aperçut qu’elle offrait des vues depuis les navettes qui se rapprochaient très vite du supercuirassé. Il en toucha une et obtint une plus grande image de ce dernier bâtiment et de son blindage récemment piqueté de trous, qui s’élevait de part et d’autre comme si les navettes fondaient sur un mur massif et légèrement incurvé. Cette large écoutille était-elle scellée hermétiquement ? Elle ressemblait à celle d’une soute.

Une autre, bien plus petite et beaucoup moins haute que celles destinées aux humains, s’ouvrait juste à côté et semblait réservée à l’accès du personnel. Un fusilier en cuirasse de combat pour-rait-il se faufiler par une aussi étroite ouverture ?

La navette freina, ses propulseurs de proue crachant le feu, et s’arrêta juste avant le supercuirassé. Si près que Geary pouvait voir les balafres laissées par les frappes, repérer l’emplacement probable d’un générateur de boucliers avant qu’il n’eût été pulvérisé par les tirs de ses cuirassés.

Un silence profond régnait, comme si le vaisseau extraterrestre était tout autant privé de vie à l’intérieur qu’à l’extérieur : une épave n’abritant que des matelots morts.

Ce n’était pas exclu. Les tirs défensifs auxquels on avait assisté venaient peut-être d’armes automatiques contrôlées par des systèmes informatiques.