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Il s’efforçait d’y remédier. Lentement sans doute, et trop souvent péniblement, mais les réunions tendaient dorénavant à prendre un tour plus professionnel. « En premier lieu, j’aimerais vous exprimer ma satisfaction pour l’habileté avec laquelle la flotte a combattu lors de son dernier engagement. Bravo. »

Sans doute aurait-il eu le plus grand mal à faire cette déclaration si le capitaine Vente (commandant du vaisseau qui avait été le dernier Invulnérable en titre mais n’était plus désormais, après l’explosion contrôlée de son réacteur, qu’une boule de poussière en expansion rapide) avait été présent. Cela dit, n’étant plus commandant, Vente n’était plus habilité à assister à une réunion stratégique. Pour l’heure, il était assis dans une cabine du Tanuki, inconscient de la tenue de la conférence. « Nous avons essuyé aussi quelques pertes, poursuivit Geary. Puissent les ancêtres des défunts les accueillir honorablement, ainsi qu’ils le méritent. »

Le capitaine Badaya fronça les sourcils sans quitter des yeux le dessus de la table. « Nous vengerons l’Invulnérable. Peut-être l’Alliance se décidera-t-elle enfin à ne plus donner ce nom porte-malheur à un autre croiseur de combat.

— Ça ne devrait plus se produire, fit remarquer le commandant Vitali du Risque-tout. On a cessé d’en construire depuis la fin de la guerre. Il n’y aura pas de nouveaux croiseurs de combat qui pourraient être ainsi baptisés. »

Le regard de Geary croisa celui du capitaine Smyth, qui, sans aucun geste et le visage impassible, réussit malgré tout à lui faire savoir qu’il comprenait parfaitement le raisonnement de son amiral. Si ce que Smyth et son équipe avaient découvert était vrai, l’Alliance construisait bel et bien de nouveaux vaisseaux de guerre, mais Geary et sa flotte en étaient tenus dans l’ignorance. Pour quelle raison ? C’était précisément un des problèmes que Geary devait résoudre.

Pour l’heure, il valait mieux orienter le débat vers d’autres pistes. « J’aimerais tout particulièrement souligner la prestation de l’Orion lors du récent engagement. »

Le capitaine Shen hocha la tête d’un air bourru pour prendre acte de ces félicitations, tandis que les autres officiers approuvaient du geste et de la voix. La plupart, à tout le moins. Quelques-uns, sans doute parce qu’ils restaient fidèles au capitaine Numos tombé depuis en disgrâce, demeurèrent de marbre. Et Jane Geary, elle, chercha manifestement à réprimer son mécontentement devant cet éloge de Shen.

« Tout le mérite en revient à mon équipage », affirma celui-ci en affichant cette fois pleinement son insatisfaction habituelle. Shen n’était pas un diplomate et semblait hermétique au besoin de s’attirer les faveurs de ses supérieurs, mais l’Orion avait bien combattu récemment, pour la première fois depuis que Geary assumait le commandement de cette flotte. Peut-être Desjani avait-elle raison : en dépit de ses aspérités, Shen serait peut-être le commandant qui réussirait à remettre l’Orion dans le droit chemin.

« En second lieu, poursuivit Geary, il s’agit de savoir comment ces extraterrestres ont réussi à détourner le caillou que nous avons largué sur leur forteresse orbitale. Jusque-là, nous n’avons aucune réponse à cette question. Vous avez tous eu accès aux relevés des senseurs. J’aimerais connaître votre opinion. »

Le commandant Neeson de l’Implacable prit le premier la parole : « J’ai d’abord cru à un champ magnétique. Puissant et très concentré, projeté pour dévier tout ce qu’on tire sur la forteresse pourvu qu’il s’agisse du métal idoine. Mais nos senseurs l’auraient détecté. »

Hiyen, du Représailles, hocha la tête : « Pourtant le comportement du caillou correspondait à ce que nous aurions vu en pareil cas. Autrement dit, ce champ opérerait comme un champ magnétique. Peut-être serait-il aussi efficace contre ce qui ne contient pas de métal.

— Il s’agirait donc de… ? s’enquit le commandant Duellos de l’Inspiré.

— Je n’en ai aucune idée, répondit Hiyen. Tout ce que je peux avancer avec certitude, c’est que son activation doit exiger une énorme consommation d’énergie.

— J’en conviens, dit Neeson. Davantage que ne pourrait en produire un vaisseau. »

Le capitaine Tulev opina, la voix sombre : « Nous savons donc à présent pourquoi cette forteresse est si grosse. Elle doit contenir les générateurs d’énergie nécessaires à la production de ce mécanisme de défense. »

Depuis la mort du capitaine Cresida, Neeson et Hiyen restaient des meilleurs théoriciens scientifiques de tous les officiers de la flotte. Ayant entendu leur opinion, Geary se tourna vers Smyth. « Qu’en pensent vos ingénieurs ? »

Smyth montra ses paumes en signe d’ignorance. « Ils tombent unanimement d’accord pour dire que les extraterrestres ne pourraient pas y parvenir sans projeter un champ magnétique très puissant et localisé, comme l’a fait remarquer le capitaine Neeson. Ce qu’ils n’ont pas fait. Donc nous n’avons aucune idée réelle de leur manière de procéder. »

Le général Carabali, qui commandait l’infanterie embarquée avec la flotte, abattit brusquement le poing sur la table. « Quelle que soit la façon dont ils s’y prennent, la planète principale doit disposer de la même défense. » Tous les yeux la fixèrent puis Desjani hocha la tête.

« Assurément. Heureusement, nous n’avons pas gaspillé de projectiles cinétiques en bombardements de représailles. »

Le général Charban scrutait toujours Carabali. « Ce système de défense serait pour nous d’une valeur inestimable. Il rendrait nos planètes invulnérables aux bombardements depuis l’espace… »

Il n’avait pas besoin d’aller jusqu’au bout de sa pensée. Au cours de la guerre contre les Mondes syndiqués, d’innombrables civils avaient trouvé la mort et des planètes entières avaient été dévastées à l’occasion de ces bombardements.

« Comment nous le procurer ? demanda âprement Rione, rompant le silence qui avait suivi la déclaration de Charban. Je vous accorde qu’il nous serait très précieux. Mais comment l’obtenir ? Ils refusent même de communiquer. Nos messages n’ont reçu aucune réponse.

— Un raid ? suggéra Badaya avant de répondre lui-même à sa question : Même si, en nous approchant de la forteresse, nous n’avions pas à nous inquiéter de la voir larguer plusieurs centaines de ces appareils kamikazes, comment pourrions-nous détruire leurs défenses au sol s’ils sont capables de dévier nos projectiles ? Et comment faire atterrir des navettes si ce système de défense peut également les envoyer valser ? »

Carabali secoua la tête. « Tout groupe de navettes cherchant à se poser sur une de ces forteresses serait anéanti par les armes que nous pouvons distinguer à leur surface. Si la flotte ne parvient pas à les réduire au silence, nous ne pourrons jamais faire atterrir les fantassins. En vie, tout du moins.

— Et avec un matériel totalement furtif ? insista Badaya.

— Je ne dispose d’assez de matériel furtif pour équiper une force conséquente. Même si les fantassins arrivaient en un seul morceau, ça reviendrait à s’attaquer à une montagne avec un seau à sable. » Carabali s’interrompit en fonçant les sourcils.