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— Qu’est-ce que c’est que ce livre…? demande Louis d’un air d’incompréhension.

— Qu’est-ce que c’est que ce type ? répond Camille en reprenant sa lecture.

Je plonge une main dans le ventre d’un des cadavres et, d’un doigt ensanglanté, griffonne JE SUIS RENTRÉ, en lettres dégoulinantes, au-dessus du panneau de faux cuir de vache, dans le salon.

6

— Je ne dirai qu’un mot : bravo.

— Te fous pas de moi…

— Non, Camille, assura Le Guen, moi, je n’y croyais pas à ton histoire. Bon, je reconnais… Mais d’abord, Camille, juste une chose.

— Vas-y, répondit Camille en activant, de sa main libre, le chargement de sa boîte e-mail.

— Rassure-moi : tu n’as pas lancé une requête au fichier européen sans l’autorisation du juge Deschamps ?

Camille se pinça les lèvres.

— Je vais régulariser…

— Camille… répondit Le Guen d’un ton las. On n’a pas assez d’emmerdements comme ça ? Je viens de l’avoir au téléphone. Elle est furieuse. Le coup de la télévision dès le premier jour, ta publicité personnelle dans le journal du lendemain et maintenant, ça…! Tu les collectionnes ! Je ne peux rien faire pour toi, Camille, là, je ne peux rien faire.

— Je vais me débrouiller avec elle. Lui expliquer…

— Au ton sur lequel elle m’a parlé, tu vas avoir du mal. De toute manière, c’est moi qu’elle tient pour responsable de tes conneries. Réunion de crise demain matin chez elle. Première heure.

Et comme Camille ne répondait pas :

— Camille ? Tu m’as entendu ? Première heure ! Camille, tu es là ?

— J’ai votre fax, commandant Verhœven.

Camille releva d’emblée le ton sec, cassant du juge Deschamps. En d’autres temps il se serait préparé à courber l’échiné. Il se contenta cette fois de faire le tour de son bureau, l’imprimante étant trop loin de lui pour qu’il atteigne la feuille qu’elle venait de sortir.

— Je viens de lire l’extrait du roman que vous m’avez adressé. Il semble que votre hypothèse soit la bonne. Je vais devoir rencontrer le procureur, vous l’imaginez bien. Et, pour tout vous dire, ce n’est pas la seule chose dont j’ai l’intention de lui parler.

— J’imagine, oui, le divisionnaire vient de m’appeler. Écoutez, madame le juge…

— Madame LA juge, si vous permettez ! coupa-t-elle.

— Excusez-moi, je manque de style.

— De style administratif en tout cas. Je viens d’avoir confirmation du fait que vous vous êtes recommandé de mon autorisation pour lancer une requête au niveau européen. Vous n’êtes pas sans savoir que c’est une faute…

— Lourde ?

— Grave, commandant. Et je n’aime pas ça.

— Écoutez, madame la juge, je vais régulariser…

— Mais, commandant ! C’est moi qui dois régulariser ! C’est moi qui ai le pouvoir de vous autoriser, vous semblez l’oublier…

— Je n’oublie rien. Mais voyez-vous, madame la juge, même si j’ai administrativement tort, j’ai techniquement raison. Et je crois même que vous seriez bien avisée de procéder à la régularisation sans tarder.

Le juge laissa peser entre eux un silence menaçant.

— Commandant Verhœven, dit-elle enfin, je pense que je vais demander au procureur de vous relever de cette enquête.

— Vous en avez le pouvoir. Lorsque vous lui demanderez de me relever, ajouta Camille en relisant la feuille qu’il tenait en main, dites-lui également que nous avons un troisième crime sur les bras.

— Pardon ?

— À votre requête européenne, l’enquêteur… (il prit une seconde pour retrouver le nom de l’expéditeur, en haut du mail) Timothy Gallagher, de la Police criminelle de Glasgow, vient de répondre. Ils ont un crime non élucidé, commis le 10 juillet 2001, une jeune fille. Sur laquelle a été apposée la fausse empreinte que nous leur avons communiquée. Si vous voulez mon avis, mon successeur devrait l’appeler rapidement… Lorsqu’il eut raccroché, il reprit sa liste : Tremblay = Dahlia noir = Ellroy Courbevoie = American Psycho = Ellis et ajouta : Glasgow = ? = ??

7

L’enquêteur étant absent, on passa à Louis son supérieur, le super-intendant Smollett, Ecossais pur souche à en juger par son accent. À la demande de Louis, le super-intendant expliqua que l’Écosse avait fait partie de la dernière vague des pays ayant rejoint le système européen d’échange d’informations entre polices de l’Union, ce qui expliquait qu’ils n’avaient pas eu connaissance de la première requête concernant l’empreinte laissée par le meurtrier lors de l’affaire de Tremblay.

— Demande-lui quels sont les autres pays de la dernière vague.

— La Grèce, énuméra Louis sous la dictée du super-intendant, et le Portugal.

Camille nota d’effectuer la requête auprès des polices de ces deux pays. Sur ses instructions, Louis demanda à recevoir copie des principaux éléments du dossier et la promesse que Gallagher rappellerait rapidement.

— Demande-lui si Gallagher parle un peu de français !

Bouchant le récepteur de sa main gauche, Louis traduisit pour Camille, avec un sourire respectueux et mêlé d’ironie :

— Vous avez de la chance : sa mère est française…

Avant de raccrocher, Louis échangea quelques propos avec son interlocuteur et se mit à rire.

Devant l’œil interrogateur de Camille :

— Je lui demandais si McGregor était remis de sa blessure, expliqua Louis.

— McGregor…

— Leur demi de mêlée. Il a été blessé contre l’Irlande il y a quinze jours. S’il ne joue pas samedi, l’Écosse perd quasiment toutes ses chances contre le Pays de Galles.

— Et…?

— Il est remis, annonça Louis avec un sourire de satisfaction.

— Tu t’intéresses au rugby, toi ? demanda Camille.

— Pas réellement, répondit Louis. Mais si nous avons besoin des Ecossais, mieux vaut parler leur langage.

8

Camille rentra chez lui vers 19 h 30. Soucieux. Il habitait une rue tranquille dans un quartier animé. Il repensa vaguement à la proposition de son père. Changer de vie n’était peut-être pas une mauvaise hygiène. Son téléphone sonna. Il consulta l’écran. Louis.

— Pensez aux fleurs… dit Louis sobrement.

— Merci, Louis, tu es irremplaçable.

— J’espère bien.

Camille en était là : demander à son collaborateur de lui rappeler de penser à sa femme. Il fît rageusement demi-tour, puisqu’il avait dépassé le fleuriste sans même le voir et cogna littéralement du front contre le thorax d’un homme.

— Excusez-moi…

— Je vous en prie, commandant, il n’y a pas de mal.

Avant même de relever la tête, il avait reconnu sa voix.

— Vous me suivez maintenant ? demanda-t-il d’un ton exaspéré.

— J’essayais de vous rattraper.

Sans un mot, Camille poursuivit sa route. Buisson lui emboîta évidemment le pas sans difficulté.

— Vous ne trouvez pas cette scène un peu répétitive ? demanda Camille en s’arrêtant brusquement.

— On a le temps de boire quelque chose ? demanda Buisson en désignant un café avec un air engageant, comme s’ils étaient tous deux ravis de se retrouver par hasard.

— Vous peut-être, moi pas.

— Ça aussi, c’est répétitif. Ecoutez, commandant, je vous adresse mes excuses pour cet article. J’ai été piqué au vif, comme on dit.