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— Vous l’avez rencontré, commandant, je ne vous apprends rien : mon mari est un homme étonnamment vulgaire. Remarquez, dans les milieux qu’il fréquente, ce doit être perçu comme une qualité.

Mme Cottet avait instruit une demande en divorce un an et demi plus tôt. L’imbroglio financier et les assauts des avocats avaient eu pour résultat que le divorce, à ce jour, n’était toujours pas prononcé. Fait intéressant : Cottet avait eu maille à partir avec la police en 2001. Il avait été arrêté le 4 octobre, à 2 heures et demie du matin, dans le bois de Boulogne, alors qu’ayant frappé au ventre et au visage une prostituée avec qui il s’était éloigné de la route, il avait été rattrapé par l’équipe de gros bras de son souteneur et n’avait dû son salut qu’à l’intervention providentielle d’une patrouille de l’arrondissement. Après deux jours d’hôpital, il avait été condamné à deux mois de prison avec sursis pour violence et attentat à la pudeur et n’avait plus, depuis cette date, fait l’objet d’aucune arrestation. Camille regarda les dates. Le premier crime connu remontait au 10 juillet 2001. Cottet avait-il, après cette arrestation, trouvé sa véritable voie ? Les incessantes références de son épouse aux « putes ». Elles relevaient peut-être davantage de la haine qu’elle lui portait et de son visible enthousiasme à le voir dans de sales draps.

Camille ressortit les premières conclusions du Dr Crest qui, jusqu’à présent, pouvaient se trouver confirmées par cette ébauche de profil.

2

La première synthèse se tint à 12 h 45.

— Le labo a terminé ses relevés en tout début de matinée, annonça Camille.

Il faudrait sans doute deux à trois jours pour que leur parviennent les analyses des échantillons prélevés dans la maison (vêtements de Cottet, chaussures, fibres de tissus, cheveux, etc.). De toute manière, tant qu’ils n’auraient pas retrouvé Cottet, ces résultats, même positifs, ne seraient pas exploitables.

— Ce Cottet, je ne sais pas ce qu’il a dans la tête, lâcha Armand lorsque Camille lui donna la parole mais sa femme a raison, il aime les filles, ce type-là. Sur son ordinateur, des palanquées de photos, des favoris sur des tas de sites d’escort-girls… Ça devait lui prendre du temps, parce qu’il y en a… Et ça devait aussi lui coûter pas mal d’argent, ne put-il s’empêcher de conclure.

Tout le monde sourit.

— Dans la liste de ses contacts, je n’ai pas trouvé de prostituées. Il doit prendre ses contacts sur l’Internet. Pour le reste, des contacts professionnels en pagaille, il va falloir du temps pour trier ce qui peut nous intéresser. En tout cas, rien qui recouperait un indice dont nous disposons.

— Ça se confirme avec ses comptes, enchaîna Louis. Aucune trace de règlement pour un objet ayant un rapport, de près ou de loin, avec nos indices, pas d’achat de pistolet cloueur, de valise Ralph Lauren ou de canapé japonais. En revanche, plus intéressant, de gros retraits en espèces. Depuis plus de trois ans. C’est irrégulier. Les recoupements montrent qu’il y en a eu dans des périodes précédant les crimes dont nous disposons mais aussi à d’autres moments. Il faudra l’interroger de près pour tirer les choses au clair. Pour son calendrier, c’est un peu la même chose. À l’époque du crime de Glasgow, Cottet est en Espagne.

— Reste à savoir s’il y était réellement, dit Camille.

— On fait les recherches, on ne le saura qu’en début de semaine prochaine. En novembre dernier, il est à Paris. Tremblay est dans la proche banlieue, ce qui ne signifie ni qu’il y était, ni qu’il n’y était pas ; même chose pour Courbevoie. Là encore, tant qu’on ne le tient pas…

Le signalement de Cottet étant passé à toutes les gendarmeries et polices depuis la veille au soir, on décida de se quitter jusqu’au lundi, Louis restant d’astreinte téléphonique. Volontaire. Il était convenu, sans qu’il soit nécessaire de le préciser, qu’il devait déranger Camille à n’importe quelle heure pendant le week-end s’il y avait du nouveau.

3

L’après-midi, en rentrant, Camille posa les paquets dans la petite pièce que, depuis qu’elle s’était arrêtée de travailler, sa femme aménageait pour la venue du bébé. Dans les premiers temps, Camille l’avait aidée puis son travail l’avait avalé. Cette pièce, qui n’avait été jusqu’alors qu’une sorte de débarras dans lequel ils entreposaient tout ce dont ils n’avaient pas besoin dans l’année. Irène avait procédé à un nettoyage par le vide, avait fait poser un papier peint sobre mais gai et le petit lieu, dont une porte donnait sur leur chambre à coucher, prenait maintenant l’allure d’une maison de poupée. Tout à fait à ma dimension, se dit Camille. Depuis un mois, Irène avait acheté du mobilier de bébé. Tout était encore dans des cartons et Camille ressentit comme une sueur froide. Irène était dans les dernières longueurs avant son accouchement et il était largement temps de s’y mettre.

Il sursauta en entendant son portable sonner. Louis.

— Non, rien de neuf. Je vous appelle parce que hier vous avez laissé le dossier de Tremblay sur votre bureau. Vous ne l’emportez pas à Glasgow ?

— Je l’ai oublié…

— Je l’ai pris. Vous voulez que je vous l’apporte ?

Camille réfléchit un quart de seconde, regarda les cartons à déballer et entendit Irène qui chantonnait sous la douche.

— Non, tu es gentil, je peux passer dans le week-end ?

— Sans problème. Je suis d’astreinte donc je reste ici.

Quelques minutes plus tard, Camille et Irène se mirent à déballer les cartons et dans la foulée, Camille se lança dans une grande opération de montage du lit, de la commode (prendre les vis A et les placer dans les trous E puis placer le contrefort F dans les traverses D, bordel de merde, c’est quoi les traverses, il y a huit vis A et quatre B, ne pas serrer à fond avant d’avoir logé les taquets B dans les espaces indiqués en E, Irène, viens voir. Mon pauvre amour, je crois que tu l’as monté à l’envers, etc…).

Une bonne journée.

Ils dînèrent le soir au restaurant et Irène, faisant ses calculs de calendrier, décida que ne voulant pas rester seule pendant le séjour de Camille en Écosse, elle se rendrait quelques jours chez ses parents qui avaient pris leur retraite en Bourgogne.

— Je vais demander à Louis de t’emmener à la gare, proposa Camille. Ou à Maleval.

— Je vais prendre un taxi. Louis a autre chose à faire. Et puis, si tu demandes à quelqu’un, je préférerais que ce soit Armand.

Camille sourit. Irène avait une grande affection pour Armand. Une affection de mère, en quelque sorte. Elle le trouvait délicieusement maladroit et sa névrose la touchait.

— Comment va-t-il ?

— L’échelle de Richter de la pingrerie n’est plus adaptée, mon amour. Armand est passé de l’autre côté.

— Ça ne peut pas être pire qu’avant.

— Si, avec Armand, ça peut. C’est pathétique.

Maleval appela vers 22 h 30.

— Du côté de Lambert, on a ramassé tout le monde. Il n’en manque qu’un seul…

— C’est emmerdant ça.

— Non. C’est le petit Mourad. Il a été tué hier soir à coups de couteau, on a retrouvé son corps dans une cave de Clichy vers midi. Avec ces mecs-là, on n’est jamais certain d’avoir une liste à jour.

— Vous avez besoin de moi ?

Pensant à Irène, Camille pria brièvement le ciel que personne ne le déloge de chez lui avant son départ pour Glasgow.

— Non, je ne crois pas, on les a isolés les uns des autres. Louis a décidé de rester avec nous. Avec Armand, ça fait trois… On vous appelle dès qu’il y a du nouveau.