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La page se figea enfin sur un tableau. 37 lignes.

— Si l’on enlève les crimes à caractère spontané, commenta Cob en cliquant avec sa souris, les crimes sans préméditation manifeste, il en reste 25. Je t’en ai fait la liste. Sur ces 25, 7 correspondent à des affaires mettant en jeu plusieurs meurtriers présumés. C’est la seconde liste. Sur les 18 restants, 9 présentent des mobiles manifestement économiques, des victimes très âgées, des femmes notoirement sadomasochistes, etc. Il en reste 9.

— Bien.

— C’est cette liste, là, en dessous.

— Intéressant ?

— Si on veut…

Il jeta un œil.

— Comment ça, si on veut ?

— Sur aucune de ces affaires, on ne trouve d’indice vraiment discordant. Au sens où tu l’entends, je veux dire. Il y a des inconnues, bien sûr, mais pas de lieu totalement incohérent, pas d’objet inattendu, pas de date inhabituelle, pas d’utilisation d’arme originale, rien qui corresponde vraiment à ce qu’on cherche.

— À voir…

Camille se retourna et leva les yeux vers Élisabeth.

— Votre avis ?

— On sort tout ça des archives, on passe la nuit dessus et on fait le point aux premières lueurs de l’aube…

— OK, allez-y, dit Camille en attrapant la liste qui venait de sortir de l’imprimante et la lui remettant.

Élisabeth consulta sa montre à son tour et lui répondit avec un regard interrogatif. Camille se massa les paupières un instant.

— Demain matin, Élisabeth. A l’aurore aux doigts de rose.

Avant de partir à son tour Camille adressa un mail au Dr Crest lui proposant un texte pour l’annonce suivante : « Et vos autres œuvres…? C.V. »

Mardi 22 avril

1

Vers 8 heures, Élisabeth arriva dans la salle où tout le monde était déjà réuni, tirant un chariot à roulettes sur lequel elle avait entassé les dossiers remontés des archives. Onze dossiers volumineux qu’elle tria en s’aidant des listes de Cob, neuf d’un côté, cinq de l’autre.

— On en est où, pour Lesage ?

— Le juge vient de donner son feu vert, répondit Louis. Dans un premier temps, selon elle, « insuffisance d’éléments » pour une garde à vue mais la Brigade financière vient de donner toutes les clés à Cob pour visiter les comptes en banque de la famille Lesage, ses avoirs, hypothèques, etc. Ça dépend de lui maintenant.

Cob était déjà affairé et concentré.

Depuis quand était-il là ? Il avait fait main basse sur le poste informatique de Fernand — qui, de toute manière, n’y distinguait plus l’écran du clavier à partir de midi — et l’avait relié au sien. Sa silhouette disparaissait maintenant presque entièrement derrière le volume des deux larges écrans et on devinait ses mains courant sur les deux claviers qu’il avait disposés devant lui, l’un au-dessus de l’autre, comme un organiste.

Camille regarda pensivement les piles de dossiers puis les membres de son équipe. Pour dépouiller tout cela, il fallait avoir l’œil et travailler rapidement. Mehdi manquait d’expérience pour un tel travail. Quant à Maleval, il était arrivé avec la tête des grands jours, celle des nuits qui viennent à peine de s’achever. Manque de vigilance. L’aide de Fernand, Camille n’osait même pas l’envisager. Son haleine exhalait déjà des relents de sauvignon mentholé.

— Bon. Élisabeth, Armand, Louis… avec moi.

Tous quatre s’installèrent devant la grande table où s’alignaient maintenant les boîtes d’archives.

— Ces dossiers correspondent à des affaires non résolues. Elles contiennent toutes des éléments aberrants, ou relativement aberrants, des éléments qui ne correspondent pas avec le contexte de la victime et qui pourraient donc être là par fidélité au texte d’un livre. C’est une hypothèse un peu tirée par les cheveux, j’en conviens. Aussi, inutile d’y passer trop de temps. L’objectif : rédiger un résumé clair de l’affaire. Deux pages, à peu près… Elles sont destinées au professeur Ballanger et à quelques-uns de ses étudiants. Ils devraient pouvoir nous dire si ces affaires sont ou non liées à des livres qu’ils connaissent. Ils attendent nos résumés en fin de matinée.

Camille s’arrêta un instant pour réfléchir.

— Louis, tu faxeras le document aussi à Jérôme Lesage. Nous verrons bien sa réaction. Si nous résumons ces affaires, disons, pour midi, ils les ont en main en début d’après-midi et peuvent les lire tout de suite.

Il frappa dans ses mains, comme un affamé qui va enfin se mettre à table.

— Allez au boulot. Il faut avoir terminé ça avant midi.

2

À l’attention du Pr Ballanger

Neuf affaires criminelles, non résolues à ce jour, pourraient être inspirées de romans policiers français ou étrangers. Elles concernent 6 femmes, 2 hommes et 1 enfant et remontent toutes à moins de dix ans. La Brigade criminelle cherche à recouper, avec le plus de précision possible, les éléments disponibles de l’enquête avec le texte de romans qui auraient pu servir de modèles.

Affaire 1 — 13 octobre 1995 — Paris — Une femme noire de 36 ans retrouvée dépecée dans sa baignoire.

Indice inexpliqué :

— Après son dépeçage, le corps de la victime a été rhabillé avec des vêtements d’homme.

Affaire 2 — 16 mai 1996 — Fontainebleau — Un représentant de commerce de 38 ans est tué d’une balle dans la tête en forêt de Fontainebleau.

Indices inexpliqués :

1) Rareté de l’arme utilisée, un Colt Woodsman .22.

2) Les habits de la victime ne lui appartenaient pas.

Affaire 3 — 24 mars 1998 — Paris — Une femme enceinte de 35 ans éventrée dans un entrepôt.

Indice inexpliqué :

— Au pied de la victime, orpheline élevée sous tutelle de la DDASS, est retrouvée une couronne funéraire marquée : « À mes chers parents ».

Affaire 4 — 27 septembre 1998 — Maisons-Alfort — Un homme de 48 ans, décédé d’une crise cardiaque, retrouvé dans la fosse à vidange d’un garage.

Indices inexpliqués :

1) La victime, préparateur en pharmacie à Douai, a été vue, sur son lieu de travail, par trois témoins indépendants au jour et à l’heure approximative de sa mort.

2) Sa mort précédait de trois jours son transport jusqu’au garage où le corps a été retrouvé.

Affaire 5 — 24 décembre 1999 — Castelnau (65) — Une fillette de 9 ans est retrouvée pendue à un cerisier dans un verger éloigné de 30 kilomètres de son domicile.

Indice inexpliqué :

— Le nombril de la jeune victime a été découpé au cutter avant la pendaison.

Affaire 6 — 4 février 2000 — Lille — Décès, par hypothermie, d’une femme de 47 ans sans domicile.

Indice inexpliqué :

— Son corps est retrouvé dans l’armoire frigorifique en marche d’une boucherie désaffectée, l’alimentation électrique étant tirée du réverbère de la rue.

Affaire 7 — 24 août 2000 — Paris — Le corps nu d’une jeune femme étranglée, retiré de la benne d’un engin de dragage au bord du canal de l’Ourcq.

Indices inexpliqués :

1) La victime portait une fausse tache de naissance (face interne de la cuisse gauche) réalisée à l’aide d’une encre indélébile.