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2) De la vase fraîche, extraite du Canal, recouvrait partiellement le corps de la victime alors que l’engin n’avait pas servi récemment.

Affaire 8 — 4 mai 2001 — Clermont-Ferrand — Une femme de 71 ans, veuve, sans enfants, tuée de deux balles dans le cœur.

Indice inexpliqué :

— Le meurtre est commis et le corps retrouvé dans une voiture de marque Renault de 1987, déclarée détruite depuis 6 ans.

Affaire 9 — 8 novembre 2002 — La Baule — Une femme de 24 ans, étranglée.

Indice inexpliqué :

— Le corps de la victime est retrouvé, habillé en tenue de ville sur la plage et recouvert de la neige carbonique provenant d’un extincteur industriel.

3

En début d’après-midi l’équipe se mit au travail sur la première liste de Cob. Louis fiit chargé d’étudier l’affaire de Perrigny, Élisabeth celle de Toulouse, Maleval celle du policier abattu à Paris, Armand l’affaire de Corbeil et Camille le suicide du policier parisien.

Les bonnes nouvelles ne tardèrent pas à tomber. Aucune affaire ne présentait, avec le synopsis des romans proposés par le professeur Ballanger, de ressemblances suffisantes. Le meurtrier, on le savait maintenant avec certitude, était scrupuleux jusque dans les moindres détails et chaque affaire révélait des écarts importants avec le texte dont il aurait pu être tiré. Louis, le premier, rendit son dossier moins de trois quarts d’heure plus tard (« Impossible… », lâcha-t-il sobrement), bientôt suivi d’Élisabeth, puis de Maleval. Camille ajouta son dossier à la pile avec un rien de soulagement.

— Tournée de café pour tout le monde ?

— Pas pour toi… répondit Armand en entrant dans le bureau avec un beau regard navré.

Camille joignit les mains, se massa lentement les paupières dans un silence de cathédrale.

Tous les yeux étaient fixés sur la pâle silhouette d’Armand.

— Je crois que tu vas devoir appeler le divisionnaire. Et le juge Deschamps…

— C’est quoi ? demanda enfin Camille.

— Le truc s’appelle Le Crime d’Orvical.

— Orcival, corrigea gentiment Louis.

— Orvical ou Orcival, tu le prononces comme tu veux, reprit Armand, mais pour moi, c’est l’affaire de Corbeil. Trait pour trait.

Le professeur Ballanger choisit ce moment pour appeler Camille.

De sa main libre, Camille recommença à se masser les paupières. De l’endroit où il se trouvait, il apercevait le grand panneau de liège sur lequel avaient été épinglées des photos du double crime de Courbevoie (des doigts découpés de fille disposés en corolle), de Tremblay (une photo d’ensemble du corps de Manuela sectionné à la taille), de Glasgow (le corps de la petite Grâce Hobson dans son abandon pathétique). Il sentit que sa respiration devenait lourde.

— Des nouvelles ? demanda-t-il prudemment.

— Rien ne correspond totalement à quelque chose que nous connaissons, reprit Ballanger d’une voix professorale. Un de mes étudiants a cru reconnaître votre affaire de mars 1998, l’histoire de cette femme éventrée dans un entrepôt. C’est un livre que je ne connais pas. Ça s’appelle… Le Tueur de l’ombre. L’auteur serait un certain Philip Chub, ou Hub. Inconnu au bataillon. J’ai jeté un œil sur l’Internet, je ne l’ai pas trouvé. Le livre doit être très ancien, il est épuisé. Cela dit, Commandant, pour l’autre affaire, ce représentant de commerce de la forêt de Fontainebleau… je vous avoue que j’ai quand même un petit doute. Il y a des éléments qui ne collent pas mais enfin, ça ressemble tout de même beaucoup aux Energumènes de John Dann MacDonald, vous savez…

4

Louis apporta à Camille l’accusé de réception de la nouvelle annonce que Cob avait transmise et qui serait en ligne au plus tard le lendemain matin. Au moment où le jeune homme allait repartir, Camille l’arrêta un instant.

— Louis ! J’aimerais bien savoir ce qui se passe entre toi et Maleval.

Le visage de son adjoint se referma aussitôt. Camille sut instantanément qu’il ne saurait rien.

— Une affaire d’hommes…? lança-t-il néanmoins pour tenter de le faire réagir.

— Ce n’est pas une affaire. C’est… un petit différend, rien de plus.

Camille se leva et s’approcha. Dans ces cas-là, Louis avait toujours le même réflexe. Il semblait se tasser un peu sur lui-même comme s’il avait voulu abolir leur différence de taille ou manifester une sorte d’allégeance qui, tout à la fois, flattait et agaçait Camille.

— Je vais te le dire simplement, Louis, et je ne veux pas avoir à te le répéter. Si vos affaires concernent notre travail…

Il n’avait pas seulement terminé sa phrase que Louis l’interrompait :

— Aucunement !

Camille le considéra un instant, hésitant sur la jurisprudence à adopter.

— Je n’aime pas cela, Louis.

— C’est personnel.

— Intime ?

— Personnel.

— Le Guen m’attend, il faut que j’y aille, conclut Camille en retournant vers son bureau.

Louis repartit aussitôt. Camille guetta la main qui remonterait la mèche mais ne se souvenait plus du code de décryptage. Il resta songeur quelques instants encore, appela Cob sur la ligne intérieure puis se décida enfin à partir.

En fin de journée, Le Guen finissait de lire les deux mémos que Camille avait tapés à la hâte. Largement vautré dans son nouveau fauteuil, il tenait le document à deux mains, calées sur son ventre. Pendant cette lecture, Camille repassait dans sa tête le film des deux affaires qui venaient d’apparaître, telles du moins qu’il était parvenu à les reconstituer.

Le premier mémo concernait les « ressemblances certes distantes » décelées par Ballanger entre un roman américain de 1950 intitulé Les Energumènes et l’affaire de Fontainebleau.

Le 16 mai 1996, en fin de matinée, Jean-Claude Boniface et Nadège Vermontel tombèrent en forêt de Fontainebleau sur le corps d’un homme avec une balle dans la tête.

L’homme fut rapidement identifié comme Roland Souchier, représentant de commerce en sanitaires et plomberie. La balle provenait d’un automatique .22, arme peu fréquente dans nos contrées. L’arme n’était pas connue du fichier. Le portefeuille, l’argent et les cartes de crédit avaient disparu. La thèse d’un crime crapuleux ayant le vol pour objet était d’autant plus convaincante qu’un débit manuel de carte bleue fut relevé le jour même dans une petite station-service située à trente kilomètres en direction du sud et que le fuyard utilisait la voiture de Souchier.

Deux éléments particuliers avaient retenu l’attention des enquêteurs. Le premier était cet automatique .22, assez peu commun. La balistique avait déterminé qu’il s’agissait d’un Colt Woodsman, arme américaine de compétition et de loisir dont la fabrication avait été arrêtée dans les années 60. Seules quelques unités avaient été répertoriées en France.

Le second fait curieux tenait aux vêtements de la victime. Il portait ce jour-là une chemise de sport bleu clair et des mocassins blancs. Sa femme releva le fait dès la reconnaissance du corps. Elle était formelle à ce sujet : son mari n’avait jamais possédé ces vêtements. Sa déposition mentionnait même que jamais « elle ne lui aurait permis de porter des vêtements pareils ».

— Elle ne tient pas, cette histoire… lâcha Le Guen.

— Je ne crois pas non plus.