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— Ça n’est pas là-dedans, souligna Le Guen. Ça, ce sont les œuvres qu’il a réalisées. On n’en est plus là.

— Non, confirma Camille, on est à celle d’après, mais laquelle ?

Louis alla chercher la liste Ballanger, passa à la photocopie, agrandit chaque page au format A3 et punaisa le tout sur les murs.

— Ça fait beaucoup de livres… commenta Crest.

— Beaucoup trop, oui… dit Camille. Il doit pourtant y en avoir un, parmi ceux-là… ou pas… qui…

Camille resta un instant concentré sur cette idée.

— Dans lequel il est question d’une femme enceinte, Louis ?

— Il n’y en a pas, répondit Louis en reprenant la liste des résumés.

— Si, Louis, il y en a une !

— Je n’en vois pas…

— Si, merde ! dit Camille rageusement en lui prenant la liste des mains. Il y en a une.

Il consulta rapidement le document et le rendit à Louis.

— Pas dans cette liste-là, Louis, c’est dans l’autre.

Louis regarda Camille fixement.

— Je l’avais oublié, oui…

Il courut à sa table et exhuma la première liste de Cob. Louis, de sa belle écriture élégante, avait apposé plusieurs notes qu’il repassa rapidement du regard.

— C’est là, dit-il enfin en lui tendant la feuille.

En lisant les notes de Louis, Camille se souvint très clairement de sa conversation avec le professeur Ballanger : « Un de mes étudiants… votre affaire de mars 1998, l’histoire de cette femme éventrée dans un entrepôt… un livre que je ne connais pas… Le Tueur de l’ombre… Inconnu au bataillon. »

Pendant ce temps, Louis avait affiché le tableau sur lequel il avait consigné les affaires suspectes dont les éléments avaient été remis à Ballanger.

— Oui, je sais qu’il est tard, monsieur Ballanger…

Il se retourna discrètement et présenta la situation rapidement, à voix basse.

— Je vous le passe, oui… dit-il enfin en tendant le téléphone à Camille.

Camille, en quelques mots, lui remémora leur conversation.

— Oui, mais je vous l’ai dit, je ne connais pas ce livre. Lui-même, d’ailleurs, n’était pas certain, c’était une idée comme ça… Rien ne prouve…

— Monsieur Ballanger ! Il me faut ce livre. Tout de suite. Votre étudiant, il habite où ?

— Je n’en sais rien… Il faudrait que je consulte le fichier des étudiants, c’est à mon bureau.

— Maleval ! appela Camille sans même répondre à Ballanger. Tu prends une voiture, tu vas chercher M. Ballanger, tu le conduis à l’université, je vous rejoins là-bas.

Avant même que Camille ait repris le professeur au téléphone, Maleval courait vers la porte de sortie.

Cob avait déjà extrait une trentaine d’adresses pertinentes qu’Élisabeth et Armand situaient sur des cartes de la région parisienne. Chaque adresse, chaque lieu, avec les détails que Cob parvenait à obtenir sur chaque entrepôt étaient examinés avec soin. On fit deux listes. La première, prioritaire, des entrepôts les plus isolés, semblant inutilisés depuis le plus longtemps, la seconde, de ceux qui présentaient moins de caractéristiques intéressantes mais restaient pertinents par rapport à la recherche.

— Armand, Mehdi, vous reprenez le travail de Cob, décida Camille. Élisabeth, tu constitues des équipes, on visite immédiatement tous les lieux. Tu commences par les plus proches : Paris, d’abord, s’il y en a, ensuite la banlieue, par cercles concentriques. Cob, tu me cherches un bouquin. Hub, Chub, quelque chose comme ça. Le Tueur de l’ombre. Un bouquin ancien. Je n’ai rien d’autre. Je vais à l’université. Tu me joins sur mon portable. Allez, Louis, on y va.

17

— Cob. Je ne trouve rien…

— C’est impossible ! hurla Camille.

— Camille ! J’ai lancé une requête qui interroge 211 moteurs de recherche ! Tu es sûr de tes références ?

— Attends, je te passe Louis, tu restes en ligne.

Seuls deux réverbères sur cinq diffusaient sur la façade de l’université une lumière jaune et pâle qui échouait aux pieds du professeur Ballanger. Semblant lui-même sortir de la nuit, il venait de tendre à Camille un dossier universitaire d’un nommé Sylvain Guignard, son doigt posé sur la case où figurait son numéro de téléphone personnel. Camille attrapa le portable de Louis et composa le numéro. Une voix embrumée articula un « Allô » sourd.

— Sylvain Guignard ?

— Non, c’est son père… Dites donc, vous savez l’heure qu’il est ?

— Commandant Verhœven, Brigade criminelle. Vous me passez votre fils immédiatement.

— Qui ça…?

Camille répéta plus calmement et ajouta :

— Allez me chercher votre fils immédiatement, monsieur Guignard. Immédiatement !

— Bon, bah…

Camille distingua un bruit de pas, des chuchotements puis une voix plus jeune et plus claire.

— Vous êtes Sylvain ?

— Oui.

— Commandant Verhœven, Brigade criminelle. Je suis avec votre professeur, M. Ballanger. Vous avez participé à une recherche pour nous, vous vous souvenez…

— Oui… c’était à pr…

— Vous lui avez signalé un livre qu’il ne connaissait pas, qui vous semblait en rapport avec une affaire… Un nommé Hub, ou Chub, vous vous souvenez ?

— Oui, je m’en souviens.

Camille jeta un regard sur le dossier. Le garçon habitait Villeparisis. Même en allant vite… Il consulta sa montre.

— Vous avez ce livre ? demanda-t-il. Vous l’avez ?

— Non, c’est un vieux bouquin, j’ai seulement cru me rappeler…

— Vous rappeler quoi ?

— La situation… Je ne sais pas moi, ça m’a dit quelque chose…

— Écoutez-moi bien, Sylvain. Une femme enceinte a été enlevée. Cet après-midi. A Paris. Nous devons absolument la retrouver avant… Il est possible que cette femme soit… Je veux dire… C’est ma femme.

Avoir dit ces mots… Camille avala sa salive avec difficulté.

— Il me faut ce livre. Tout de suite.

Le jeune homme, au téléphone, laissa passer un court instant.

— Je ne l’ai pas, dit-il enfin d’une voix calme. C’est un livre que j’ai lu il y a au moins dix ans. Le titre, j’en suis certain : Le Tueur de l’ombre, l’auteur aussi. Philip Chub. L’éditeur, je ne sais pas. Je cherche… je ne me souviens pas. Je revois la couverture, c’est tout.

— Et qu’est-ce qu’il y a sur la couverture ?

— Vous savez, c’était le genre de livre avec des illustrations… grandiloquentes : des femmes apeurées en train de hurler… avec l’ombre d’un homme en chapeau au-dessus d’elle, ce genre de truc…

— La situation ?

— Un homme enlève une femme enceinte, ça j’en suis sûr. Ça m’avait frappé parce que ça tranchait avec ce que je lisais à l’époque. C’était assez horrible mais je ne me souviens pas des détails.