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— Quelle histoire, hein ? leur lance Bravissimo. On se demande l’ordure qui a pu faire une chose pareille. Vous devez avoir une drôle d’idée de la France ?

Ces messieurs ne répondent pas.

— N’insiste pas, préconise Mathias, tu vois bien que leur guinde est immatriculée à Berne. Si ça se trouve, ils ne connaissent pas une broque de français.

Sa remarque est ponctuée par un sifflement de l’impressionnant Béru. Inutile de le faire dire avec des fleurs ; nous avons déjà compris à la trogne du Gros qu’il vient de gagner le gros lot.

— C’t’une belle voiture, la Mercédès, hein ? fait le Béru en désignant l’intérieur du véhicule.

Un frémissement passe dans notre clan. Des éclats de cachet de cire jonchent le tapis de sol et il y a des particules de ce papier particulier sur la banquette.

Nous les tenons. Pour un coup de vase, c’est un coup de vase, mes agneaux.

Nous dépassons la Mercédès, mine de rien, afin de tenir conseil.

— Alors ? demande Mathias, toujours prêt à la castagne.

— On les saute ! décidé-je. Bravissimo, tu vas aller chercher la camionnette. Amène-la ici en marche arrière et ouvre les portes. Il faut les emballer en souplesse ; inutile de faire du spectacle, on n’est pas chez Coquatrix.

Aussitôt dit, aussitôt fait. Le brave Bravissimo bravache bravement les braves automobilistes stoppés et court chercher sa chignole.

Pendant sa courte absence nous ne perdons pas de vue les deux Helvètes. Ceux-ci parlent en suisse et nous n’entravons rien à leur conversation.

Lorsque la camionnette est là, nous opérons, mes camarades et moi-même, une chouette manœuvre d’encerclement. Le Gros et Mathias contournent la Mercédès tandis que, flanqué de Bravissimo, je m’annonce de front.

Je m’adresse au gnaf à lunettes d’or parce qu’il me paraît être l’intellectuel du tandem. Bien poliment je lui exhibe ma carte professionnelle.

— Monsieur s’il vous plaît, l’interpellé-je.

Il condescend à me vaporiser au travers de ses bésicles un regard maussade.

Ledit regard s’abaisse progressivement, grâce à un système de treuil, jusqu’au rectangle imprimé qui lui est proposé.

Son expression me prouve qu’il lit parfaitement le français car il cille drôlement.

— Qu’est-ce qu’il y a ? demande-t-il avec un accent bizarre.

— Vérification d’identité ! dis-je, voulez-vous monter dans notre voiture, je vous prie ?

Il a un mince sourire de l’espèce protectrice.

— Pas du tout. Je veux bien vous montrer nos passeports, mais je ne vois pas la nécessité de monter pour ce faire dans une auto.

Entre nous et le reste je suis un peu t’embêté car je n’ai pas le droit d’embarquer un citoyen, surtout étranger, sans mandat. Et je vous parie une course de chevaux contre un portrait de Fernandel que ce Monsieur le sait et entend user de ses droits.

Son pote lui pose une question dans un dialecte auquel je ne comprends rien. M’est avis que ça n’est pas du suisse allemand ainsi que je le pensais primitivement. C’est de l’europe centralien.

Le blond aux lunettes donne une ligne d’explications à son acolyte, lequel nous balance une œillade acérée.

— Je vous somme de monter dans cette voiture ! répété-je en enfouillant ma carte.

Cette fois assez plaisanté, les potes. J’en ai classe de me laisser manœuvrer par cette organisation fantôme. Pour une fois qu’elle est moins fantôme, il s’agit de trouver l’ouverture et de foncer. S’ils ne veulent pas monter de bon gré, ils monteront de mal gré.

— Et moi je vous prie de ne pas insister, riposte l’enfoiré. Si vous insistiez, Monsieur le commissaire, vous vous attireriez beaucoup de gros ennuis.

— Moins gros, certainement que ceux qui vous attendent ! Suivez-nous !

— Non !

C’est alors que, perdant patience, la tête et toute prudence, le fantasque Bérurier prend les choses en main, comme disait un médecin de mes relations, spécialiste des maladies vénitiennes.

Il tapote l’épaule du blond. Ce dernier, surpris par cet attouchement qui se manifeste sur sa face nord, se retourne et mon Béru lui met une mandale que la fédération de boxe n’a jamais homologuée. Il s’agit d’un coup de poing, natürlich, mais d’un genre particulier.

Cela part de bas en haut en décrivant un mouvement en vrille. C’est accompagné d’une rotation de tout le corps, d’une pesée de tout l’individu et, comme le bicarbonate, c’est destiné à l’estomac.

Le doré à lunettes blondes pousse un cri d’indien sur la route Nationale de la Guerre. Quelque chose comme « Hug, mon frère au visage pâlot » et il tombe à genoux. Réaction du copain ?

Très curieuse. Le zig à la casquette sort un flingue à canon long commako. Du chouette bijou pour soirées mondaines. Et ça n’est pas un modèle d’exposition. Il s’en sert, le salingue. Faut le voir défourailler à toute vibure.

Zim-boum-boum, ça claque par trois fois. Bravissimo qui est prompt comme les clercs lui a heureusement mis une manchette sur le bras. Néanmoins une balle atteint notre pote Mathias qui vacille.

Ça fait un drôle de cri chez tous les empannés du secteur. Les dames hurlent ! Les gosses pleurent ! Les messieurs s’accroupissent derrière leurs tableaux de bord. Notre mitrailleur comprend qu’il n’aura pas le dessus et il s’élance à travers champs.

Mais Béru n’est pas une lavasse. Il a défouraillé dans l’intervalle et son composteur se met à fonctionner. Lui aussi crache trois valdas bien ajustées. L’homme à la casquette fait une cabriole de lapin et culbute dans les labours.

— Mets les poucettes à l’autre ! crié-je au Gros en courant vers sa victime.

Lorsque je me penche sur le mitrailleur, je ne puis que constater le décès. Il en a bloqué une avec le bulbe rachidien, ce qui est mauvais pour le calcul mental. Je le fouille. Dans ses poches je trouve un passeport délivré par la République de Pleurésie[3] au nommé Léleska Cétesky, 46 ans, natif de Morovak. Son portefeuille contient du fric français, du pognon suisse, de l’artiche américain et du pognon anglais. Ce monsieur pouvait changer de patelin sans être démuni.

Je rafle le blot. Puis je reviens à la Nationale qui prend des allures de kermesse.

Les rois du volant qui se morfondaient n’en reviennent pas de ce film de suspense. Ça jacasse ferme. Les dames glapissent que c’est horrible ; les enfants mugissent qu’ils ont les chocottes ; et leurs papas les rassurent en leur disant qu’ils sont là !

— Comment ça se passe ? demandé-je à Mathias.

Il est torse nu et Bravissimo examine sa blessure. Plus de sapeur que de mâle, comme disaient les Milanaises lorsque les troupes de Napoléon the first radinaient.

D’ailleurs le diagnostic de Béru est formel :

— La balle a traversé en acétone, explique-t-il. Elle lui a frôlé la glande tyrolienne de l’épaule sans toucher l’homme aux plates.

On désinfecte avec un flacon de cognac obligeamment prêté par une dame généreuse. Le Gros en profite pour se désinfecter les amygdales qu’il a encrassées.

Je cherche Bravissimo du regard. Je m’aperçois qu’il s’est occupé du blond à lunettes d’or.

— Barrons-nous ! soufflé-je aux portugaises de mes deux autres troupiers.

Afin de calmer les anxieux, je leur montre ma carte et j’explique que l’homme abattu est un malfaiteur international.

Une fois dans la camionnette je sonne les. gendarmes pour leur raconter le rodéo, et je leur demande de faire fissa.

— Je démarre ? demande Bravissimo.

— Vas-y. Roule jusqu’à notre autre bagnole, j’espère que les dépanneurs l’auront rechaussée.

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3

Cet État ne figure que sur mon Atlas personnel. Du moins sous ce nom. Il en a un autre qu’une légitime prudence me recommande de ne pas révéler.