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Là, je regrette de ne pas m’être muni d’un flacon de raide. Ça s’imposait pourtant, non ?

Enfin on ne peut pas penser à tout.

Vaillant comme un tonnelier, je tabasse dans le cercueil. Enfin je sens que le ciseau se fait une place dans le bois et qu’il s’y engage. Lorsque j’en ai entré la moitié, j’exerce une violente pesée dessus et un craquement lugubre retentit dans la tombe.

En ce moment je maudis le chef qui m’a foutu dans ce bain ! Merde, est-ce qu’on n’a pas assez de turbin chez nous sans venir tripoter les macchabées des voisins ! Qu’est-ce qu’il en avait à foutre, Paste, de San-Antonio ? Je vous le demande.

La partie inférieure du couvercle cède. Alors c’est la vache bourrasque fétide, c’est la mort distillée qui se rue dans mon tarin, qui plonge jusqu’à mon estomac où elle file un ramdam du tonnerre.

Ce que je reniflais jusqu’à présent c’était le parfum Bourjois avec un J comme dans Jules ! Ô mes aïeux ! Après ça : voir Naples et mourir ! À moi le parfum des îles Borromées !

Faut être louf pour s’amuser à déballer les messieurs-dames lorsqu’ils se sont retirés des affaires !

Rageur, j’arrache le couvercle du cercueil ! Faites monter la bière !

Je me dis :

« Mon petit San-Antonio, c’est le moment, c’est l’instant. Prends ta loupiote et bigle dans le cercueil. Ce que vous ne voyez pas à l’étalage vous le trouverez à l’intérieur. Dans trois secondes tu vas savoir si tu es une crêpe ou bien si tu demeures l’homme qui remplace la choucroute garnie ! »

Je braque le faisceau sur l’intérieur du cercueil. Of course, il y a un drap, de même qu’il y a un papier entre le camembert et sa boîte.

J’arrache ce drap et je regarde.

Alors au lieu de pousser un cri ou un soupir quelconque comme il serait cependant normal que je le fasse, je reste debout, plus ahuri qu’un représentant de commerce qui trouverait sa femme couchée avec un kangourou en rentrant at home.

J’avais raison, ça n’est pas l’homme en beige qui dort ici de son dernier sommeil, et il était facile d’avoir raison, il suffisait de ne pas croire aux fantômes. Ce ne pouvait être lui puisque je l’avais vu la veille.

Non, Paste n’est pas mort, en tout cas pas le mois dernier. Le cadavre qui est dans la boîte n’est pas un cadavre d’homme ; il s’agit d’une femme.

Et d’une femme qui a dû être très belle. Malgré l’état de décomposition dans lequel elle commence à se trouver, on peut constater le fait.

Elle était blonde, entre deux âges…

Et elle ressemblait d’une façon extraordinaire à feue Elia Filesco.

Comme une frangine !

Quand une frangine ressemble à sa sœur, évidemment !

CHAPITRE XIII

Un petit trou pas cher (fin)

Cette fois l’affaire se perd dans de vaches ramifications. Voilà qu’en moins de douze plombes je découvre mon troisième cadavre de femme, avouez que c’est déjà de la performance. Dans certaines régions de chez nous, on dresse des cochons pour la recherche des truffes. Eh bien ! moi, je peux m’engager comme chercheur de mousmés ratatinées, j’ai des dispositions tout ce qu’il y a d’homologué !

La troisième, mais pas la dernière dans l’ordre chronologique des décès, car celle-ci n’est pas fraîche du tout !

Domptant mon envie de foutre le camp, j’examine le visage de la morte. Il a une drôle de gueule, l’ancien commandant Paste !

Comment qu’on les fait, les coloniaux, cette année !

Plus je regarde les restes de cette femme, plus je suis envahi par la certitude qu’elle ressemble bigrement à Elia. C’est au point que je pense qu’elles étaient sisters. Là, ça serait crevant.

Je me torture la cervelle pour essayer de comprendre quelles relations existaient entre Paste et sa fille Gloria d’une part, Elia Filesco d’autre part, et cette inconnue enterrée sous le nom de Paste. Drôle de méli-mélo…

En tout cas, une chose plus pressante que l’affaire elle-même me préoccupe : il va falloir que j’affranchisse Rowland sur ma dernière découverte, alors là, ça devient puissamment délicat, hein ? Je ne sais pas de quelle façon il va avaler ce bris de sépulture… Enfin, il doit avoir les moyens d’étouffer la chose, seulement il faut le mettre au parfum rapidos car si quelqu’un découvre les traces de ma visite nocturne, j’ai idée que ça fera un drôle de cri dans le public.

Et des traces, il n’y a pas moyen de ne pas en laisser car il m’est impossible de resceller la dalle, maintenant…

J’abandonne mon marteau et mon ciseau à froid dans le caveau, car il est inutile de m’encombrer de cet outillage et je m’approche de l’ouverture.

Au moment où j’avance les mains pour prendre appui afin de sauter hors de l’excavation, je perçois un bruit de gravier, très léger. Mon épine dorsale est parcourue d’un léger frisson, j’ai pas honte de le dire. Je commence à bicher les chocottes dans ce trou, en compagnie d’un cadavre en plein boulot. À ces heures, c’est pas des fréquentations, une femme cannée depuis plus d’un mois !

Je ne bronche pas. Tout mon être est aussi tendu que la peau de cet animal qui, pour fermer un œil, était obliger d’ouvrir le trohu du chavose…

Je sais qu’il existe des nécrophiles, c’est-à-dire des gars un peu dérangés du caberlot qui, la nuit, vont déterrer des morts pour se la faire régaler. Notez que ça a sûrement son charme, mais moi je préfère encore le football de table.

Je réfléchis à tout berzingue, comme toujours. Ma pensée va aussi vite que la lumière du soleil et, parfois, elle est aussi éblouissante.

Je me dis qu’à moins d’un nécrophile il s’agit d’un chat en vadrouille. Je prête l’oreille. Oui, ça doit être bien un greffier car le silence est revenu, presque total si l’on excepte le lancinant crépitement de la flotte sur les tombes.

J’attends encore un moment pour être bien certain que la voie est libre, car j’ai l’impression que si un quidam de la noble Angleterre me voyait sortir d’ici, il voudrait crier au petit pois, malgré son self-control. J’exécute un gentil rétablissement et je me trouve à demi engagé hors du caveau, le buste allongé sur les graviers de l’allée, les jambes raclant la paroi de ciment du tombeau. Je rampe un peu, histoire de me soustraire aux lois de la pesanteur qui m’attirent vers le fond, je m’apprête à prendre appui lorsque je perçois un bruissement derrière moi, j’essaie de me retourner afin de faire face au moins à ce bruit qui ne peut qu’être une menace, mais je n’en ai pas le temps. Mon petit lutin qui a aussi le trouillomètre à zéro a juste le temps de me chuchoter qu’il y a un homme accroupi sur la pierre tombale, derrière moi, que cet homme me guettait et qu’il est en train de sauter ! Je le reçois dans les reins et ça me coupe le souffle. Je commence à m’ébrouer, mais un choc froid me cloue au sol.

C’est une telle douleur que j’en perds la notion des choses, je ne perçois plus que le halètement de l’homme sur moi. Une sorte de langueur s’infiltre dans mes membres, dans ma tête. Je ne peux plus bouger, plus réagir, même mentalement. Je sais qu’il vient de se produire quelque chose de très grave pour moi. Une douleur sourde s’irradie dans ma viande. Et alors, très confusément je comprends que mon agresseur m’a planté un couteau dans le dos. Et c’est cette lame aiguë qui a tranché net ma volonté, mes forces et le fil de mes pensées.

Un ronronnement s’installe dans mes oreilles. Un goût de sang emplit ma bouche ; des choses rouges et dorées crépitent dans ma vue.