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Les habitués du bar doivent me croire assis sur un ressort à boudin !

La nouvelle idée qui atterrit dans mon caberlot est tellement importante qu’il me semble impossible que Rowland ne l’ait pas eue :

3°) Qui a délivré le permis d’inhumer de Paste ?

Car enfin, je veux bien qu’on ait substitué à un faux cadavre celui de la morte du caveau, mais il a bien fallu au départ qu’un toubib délivrât un permis, non ?

La pointe de mon crayon casse au moment où j’allais pointer ma pensée numéro 4.

Vite je l’affûte et, d’une écriture noble et appuyée comme un coup de poing de mon collègue Bérurier, je note :

4°) Radiographier le poignet d’Elia Filesco.

Celui-ci, j’en suis content car il est subtil.

Ma parole j’ai l’impression de faire des rébus, vous savez dans le genre de : Qu’est-ce qui a une patte, deux pattes, trois pattes, une plume dans le der et un abonnement au Figaro ?

C’est Rowland qui va en faire une bouille lorsque je vais lui aligner mes brèmes !

Je me prends le menton dans la main gauche pour soutenir ma pauvre tête où une équipe de football paraît se démener.

Latrouille passe la balle à Ouistiti, qui descend, qui descend… Qui shoote ! Et la balle passe par-dessus la barre transversale. J’ai failli me flanquer par terre. Décidément, ça ne fonctionne pas très bien du côté des commandes et le steak ne m’a pas beaucoup colmaté.

Je bois un coup… Et puis j’écris d’une paluche lamentable.

5°) A-t-on signalé un sous-marin dans la nuit où

Je laisse choir le crayon. Ma tête dodeline sans que je parvienne à la refoutre d’aplomb.

Mon lutin portable se poire comme un petit salingue.

« C’est bien fait pour ta gueule ! dit-il, sardonique, t’as voulu jouer au crack ! Tu t’es pris pour un robot, eh bien !… »

La suite, je la pige pas bien…

Je me dis qu’il ne faut pas abuser de sa carcasse, surtout lorsqu’on n’en a qu’une à sa disposition !

Je glisse une fois encore dans de la vase tiède. Décidément, je ne fais plus que ça depuis quelque temps !

CHAPITRE XVII

Quelques réponses…

Depuis mon escapade, la vioque aux chailles de bourrin malade ne m’adresse positivement plus la parole.

Elle est vexée que je l’aie larguée pendant qu’elle en écrasait. J’ai idée qu’elle a dû se faire ramoner l’amour-propre par la direction. Ils lui ont passé une savonnanche Cadum, les diros. Et ça, elle ne me le pardonnera jamais. Ça lui est resté sur la tomate avec sa virginité et le tout aigrit aimablement sous sa blouse blanche.

Ça fait trois jours que je suis de retour au pucier ; on m’y a ramené pendant mon évanouissement. Lorsque je suis revenu à moi, j’étais dans les toiles, pas fiérot pour une thune, vous pouvez me croire. J’osais pas bigler la vioque dont la mauvaise humeur était aussi apparente qu’un porte-jarretelles sur le dos d’une vache. Aussi je me suis carré le naze dans l’oreiller et j’ai fait mine de pioncer, ce qui était la tactique d’urgence à adopter, n’est-il pas vrai ?

Faut savoir mettre les pouces quelquefois. Je suis pas de ceux qui s’obstinent à vouloir faire rimer citrouille avec peau de lézard. Les acrobaties sont baths lorsqu’on les réussit, quand elles fiardent, on n’a plus qu’à acheter les dernières nouvelles et à les étaler devant sa vitrine pour s’isoler.

Trois jours donc sont passés, et comme la vie n’est qu’un éternel recommencement, la lourde de ma piaule s’ouvre devant le chef inspecteur Rowland.

Cette fois, y a quelque chose de changé dans le Royaume-Uni. Figurez-vous que mon collègue d’outre-Manche, comme disent les journalistes qui ont tous le sens des images, a troqué son bada à petit bord contre un autre à bord roulé. Cette fois il ne ressemble plus à un clown en civil, mais à un notaire de province.

Il me sourit puis, d’un geste mutin, me menace de son index.

— Je voulais vous rendre visite plus tôt, murmure-t-il de sa voix précise comme un barême des taxes progressives, mais j’ai eu fort à faire.

Qu’est-ce qui lui arrive à Rowland ? Il a levé une mousmé qui réussit la Corde-à-violon ou bien il a hérité de son grand-oncle pour avoir cet air enjoué ? Il me considère avec de la bienveillance et, presque, de la sympathie.

Il tire une chaise près de mon lit.

— Commissaire, je m’incline devant votre perspicacité, dit-il…

Oh là ! Qu’est-ce à dire !

Je le regarde, histoire de voir s’il se paie une livre et demie de ma physionomie. Mais non, malgré cet enjouement, il conserve toute sa dignité.

D’un geste mesuré, il tire de sa poche le morceau de nappe en papier sur lequel j’avais noté mes fameuses pensées.

— Lorsque vous vous êtes évanoui dans ce café, dit-il, vous teniez ceci dans la main, serré très fort. Le médecin-chef de la clinique a jugé bon de me l’adresser et il a fort bien fait…

Il cligne de l’œil. Ça fait trois générations qu’il ne s’est pas senti aussi mutin, Rowland. Ses yeux brillent. Ma parole, il ressemble à autre chose qu’à un masque de cire ! Voilà le musée Grévin qui s’anime !

— Je prends vos suggestions dans l’ordre, dit-il…

Il se masse la gorge.

— Primo : diffuser la photo de Filesco. Je l’ai fait et ça a donné de curieux résultats. J’ai appris que la femme qui vous a engagé n’était pas Elia Filesco, mais une actrice allemande qui avait été la maîtresse de Himmler et qui avait disparu depuis la fin de la guerre. En revanche, la morte découverte dans le caveau est Elia Filesco, la vraie. Il est étrange, n’est-ce pas, que chaque héros de cette histoire soit tiré en double exemplaires : deux Paste, deux Filesco ! Voilà qui fait penser à un roman fantastique traduit de l’américain, vous ne trouvez pas ?

— Et comment !

— Cette actrice, Hildegarde Kurt, offrait une grande ressemblance avec Elia. Par exemple elle était brune et non blonde. Les cheveux de la femme assassinée au cottage étaient teints… Par ailleurs, son nez avait subi une opération. Légèrement retroussé à l’origine, on l’avait rendu aquilin afin qu’il ressemblât à celui de la véritable Elia Filesco.

« Il est aisé de comprendre ce qui s’est passé. Elia, la vraie, était au service d’un groupe secret. Un jour, elle a dû commencer à se montrer réticente. On a alors décidé de la “remplacer” au sens rigoureux du terme. Elle a été empoisonnée (strychnine d’après l’autopsie), la chose était possible, car Elia menait une existence peu extérieure et ne fréquentait personne.

« On l’a enterrée sous le nom de Paste car Paste avait besoin de disparaître ; c’était faire d’une pierre deux coups, vous me suivez ?

Je hausse les épaules.

— Je vous suis d’autant mieux que je vous ai précédé, cher Rowland.

Il accuse le coup et son sourire se fait la paire.

— Hum oui, murmure-t-il…

Mais il passe outre son coup d’humeur.

— Qui était ce faux Paste ? Pourquoi a-t-il pris cette identité ? Pourquoi a-t-il eu brusquement besoin de disparaître, c’est une série de questions auxquelles je ne puis répondre que partiellement. Le faux Paste est Allemand, il se nomme Otto Kurt, et il était le père de deux charmantes filles dont l’une s’appelait Hildegarde, et l’autre Gloria…

Là il me coiffe.

Alors le type en beige était le daron de la fausse Elia et de sa bonniche, laquelle était la sœur de la patronne !

Ce que c’est compliqué ! Si vous n’arrivez pas à suivre on va vous faire un dessin…