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— C’est bien, fait Rowland… C’est très bien, d’arriver à reconstituer l’affaire sous son vrai jour avec des données aussi confuses…

— Vous avez des nouvelles de… Kurt-Paste ?

— Aucune…

— Comment a-t-il pris le décès prématuré de ses deux filles ?

— Très mal, je m’en doute…

— Pas de cadavres à l’horizon ?

— Non…

— Ça commence à me manquer…

Je pense à une chose. Et je l’exprime tout haut.

— Pourquoi Gloria a-t-elle prétendu être congédiée par sa pseudo-patronne ?

— Pour vous donner le change sans doute. Voyons, on venait d’apprendre qui vous étiez et on voulait vous supprimer d’urgence. Pour cela vous deviez aller au cottage où cette opération devenait plus aisée. Mais avant votre départ vous pouviez éventuellement communiquer avec l’extérieur. Le renvoi de Gloria, ses larmes, vous laissaient penser qu’elle n’était qu’une soubrette dans tout cela…

Je puise dans le paquet de cigarettes que Rowland a déposé sur mon couvre-lit.

— Dites-moi, Rowland, et Katty ?

Il fait la moue.

— Celle-ci, dit-il, je l’ai à l’œil, car il est évident qu’elle a trempé dans l’histoire. Il est inconcevable qu’elle ait assisté à la substitution de sa maîtresse sans manifester la moindre surprise…

— Pour être de connivence, elle l’est, dis-je. Elle a alerté le gars qui m’a suriné, car elle seule savait le lendemain du drame de la plage que je n’étais pas mort !

« Que maquille-t-elle ?

— Elle vit à la campagne, chez son frère, je vous l’ai dit… Non loin d’ici… Je pourrais l’interroger mais je préfère la mettre en observation.

Il se lève pour partir.

— Vous sortez quand, d’une façon définitive ?

— Demain matin, le toubib permet !

— Au revoir…

— Donnez-moi l’adresse de Katty, si des fois j’ai envie de lui envoyer des cartes postales…

— Son frère est fermier à Stone, banlieue d’Uxbridge. Il s’appelle Merriwel.

— O.K… Goodbye… Je passerai vous dire au revoir à votre bureau avant de rentrer dans mon patelin !

Il se coiffe de son bitos neuf avec la même conviction que mit le gars Napo à se coiffer de la couronne d’empereur.

Un geste de la main, et le voilà parti.

CHAPITRE XVIII

Cette chère Katty

Stone est un petit patelin grand comme un jouet de môme représentant un paysage de verdure avec des petites maisons et des vaches en carton.

Le premier peigne-cul que je rencontre me désigne la maison du sieur Merriwel et, en passant le seuil de cette carrée, la première personne que je rencontre, c’est la môme Katty soi-même, la trogne plus colorée que jamais…

Elle est drapée dans un châle noir et ses cheveux gris-roux ou roux-gris, au choix, lui pendent lamentablement devant la bougie.

Elle ouvre grand la bouche en m’apercevant, et fait un pas en arrière, exactement comme les traîtres de comédie lorsqu’ils voient rappliquer la pure jeune fille qu’ils ont jetée dans un cul de basse fosse…

— Allons, Katty, dis-je, remettez-vous, ma chérie…

Elle a le visage couleur aubergine et pourtant elle devrait être un peu pâle, la vioque.

— Tu vois, mon trésor, je ne suis pas mort ! fais-je… Il y a des gars qui ressortent du tombeau depuis que Jésus-Christ a donné l’exemple.

Je me réjouis de ce que Rowland n’ait pas parlé de moi dans les canards. Ainsi, Katty me croyait canné et ma réapparition lui file les flubes.

Autour de nous les poules caquettent dans la lumière blonde que, ce matin, le soleil dispense largement sur le monde. Il fait bon revivre.

Je pousse Katty à l’intérieur de la maison.

— Qu’est-ce que voulez à moi ? balbutie-t-elle.

— Te raconter une histoire, ma pauvre vieille… Une histoire dans laquelle personne n’est soi-même… Tu crois parler à une armoire et tu découvres qu’en réalité c’est un moulin à café… Tu dis bonjour à Elia Filesco et tu t’aperçois que c’est Hildegarde Kurt que tu as saluée… Tu embrasses la bonne et c’est la sœur de la patronne. Tu entres dans une masure et c’est un palace… Tu vas chez un mort, et il te suit dans la rue… Tu ouvres le tombeau d’un ancien officier et tu déniches une souris… Tu te places comme chauffeur dans la casbah et tu te rends compte que tu es flic… Tu as en face de toi cette bonne grosse vache de Katty, la cuisinière et…

Je file un marron à la pointe du menton de Katty pour lui apprendre à ôter sa main de la poche de son tablier qui paraît contenir un objet lourd.

— Laissez ça, mon cœur… Vous n’allez pas passer votre temps à me tuer ; ça n’est plus une vie pour moi…

Vivement, je pique le soufflant qui alourdit sa poche.

C’est un joujou allemand, un walter 7,65…

Katty recule jusque derrière la table.

Elle en saisit le bord et fait basculer la vaisselle qui l’encombre.

Ça fait un tintamarre du diable. Moi je saute par-dessus la table et je la calme avec un second taquet plus généreux que le précédent. Du coup, elle s’effondre…

Alors je m’empare d’une serviette, je la trempe dans la flaque d’eau résultant d’une cruche brisée et je la passe sur la gueule de Katty… Bientôt celle-ci devient nette, blême et grise, alors que le linge est maculé de traînées pourpres et noires. D’un geste plus rapide encore je saisis ses tifs et je tire. La perruque me reste dans les mains.

— Salut, Kurt, fais-je en rigolant, t’as pas trop chaud là-dedans…

Je saisis le corsage noir et je l’arrache. Je tire les petits sacs de son qui lui tiennent lieu de poitrine et de ventre.

— Y a pas, dans cette famille, vous êtes doués pour le grimage. Il est vrai que vous êtes une famille de comédiens et que vous n’avez pas peur des hannetons !

Tout en jactant, je l’assaisonne à coups de tavasson. Je lui constitue un nouveau maquillage beaucoup plus solide que le précédent.

Il n’a bientôt plus figure humaine.

Je m’arrête lorsque je suis fatigué. À ce moment-là, ma douleur dans le dos se manifeste, et elle se manifeste parce que quelqu’un appuie dessus le canon d’une carabine.

Katty-Paste-Kurt (vous parlez d’un cumulard !) dit quelque chose en allemand.

Puis, s’adressant à moi tout en essuyant le sang qui lui coule du pif :

— L’homme qui tient l’autre bout de la carabine voudrait que vous leviez les mains, dit-il…

Un mauvais sourire tord le visage de celui qu’intérieurement je continue d’appeler « l’homme en beige ».

— Vous avez l’air d’en savoir très long, observe-t-il.

— Très long, admets-je.

— Trop, fait-il… Racontez un peu, pour voir.

Il s’explique dans un bon français teinté d’accent germanique alors que le personnage de Katty qu’il interprétait jactait fort mal notre langue. Il se méfiait de moi dès le départ, ce brave Kurt, il craignait que je ne décèle cet accent teuton, alors il préférait parler petit-nègre.