Выбрать главу

Une peau blanche qu’il touchait avec ses yeux goûtait avec son nez, une nudité aux courbes soulignées par la tunique ouverte de velours noir jambes nues écartées sans pudeur sur la fourrure orange du couvre-lit, battant à retardement la mesure de sa tête blonde, agitant une Acapulco Gold à moitié fumée (encore la cendre sur le tapis, merde !) tandis que les éclairs bigarrés de l’orgue chromatique ricochaient sur les facettes du dôme caressant sa chair de mille doigts obscènes de lumière scintillante et que sur son visage s’étalait un sourire innocent sourire d’enfant de bébés déchirés limaces molles distillant leur jus sous les gros mamelons marron de plaisir hurlements de visages noirs mourant… Mollo, Jack, mollo !

Image parfaite sur l’écran moniteur de son esprit, elle était là les seins toujours fermes et massifs, peau tendre et douce des nuits de Berkeley Acapulco Los Angeles chevelure libre flottante, là dans sa chambre dans sa réalité contrôlée rêve humide de Californie de l’esprit, resterait toujours là jeune tendre et éternelle, éternelle Sara… Et sous la douce et lisse nudité, limaces molles et verdâtres distillant le sang usurpé d’enfants noirs goutte à goutte goutte à goutte goutte à goutte…

— Jack ! Tu es trempé !

Elle se leva d’un bond, les seins flottant gracieusement comme deux museaux de chiots effrontés sous l’étoffe sensuelle. Pieds nus, elle traversa vers lui la moquette à longues enjambées tandis qu’il avançait sans ciller, se débarrassant l’une après l’autre de ses pantoufles mouillées (merde pour la moquette !) et faisant glisser la sportjac. De ses doigts agiles elle ôta la chemise trempée tandis qu’il laissait fonctionnellement tomber son pantalon qu’il repoussait du pied. Puis ils se tinrent ainsi un long instant, se touchant à peine, elle en tunique lui en caleçon.

Yeux dans les yeux, yeux sans fond de Berkeley-passé-présent-New York non encore mêlé dans l’éternité, yeux vainqueurs triomphant de l’avoir ramené dans la ligne de Berkeley d’avoir gagné l’immortalité comme une sucette gratuite à lécher toute l’éternité, rien qu’à elle, sans pots cassés à payer, yeux de femme brillant d’avoir exaucé tous les rêves de la petite fille – et tout était mensonge.

Du bidon, et demain soir elle le saura, apprendra quel genre de héros je suis quand je commencerai à descendre en flammes les concurrents de Bennie au lieu de lui porter le coup de couteau qu’elle attend. Impossible de lui épargner ça, mais au moins elle n’aura jamais besoin de savoir pour les limaces molles distillant dans sa chair du sang de bébés noirs usurpé…

Il baissa les yeux devant le regard innocent qui l’accusait, fixa son attention sur le centre tactile de son corps-réalité, sur les seins flottants libres sous l’étoffe entrouverte sur le ventre lisse avec son grain de beauté décentré comme un second nombril guidant son regard vers le triangle bouclé au milieu des cuisses lisses et pleines, hyper-réelles comme la réalité sculptée d’un Michel-Ange, statue de marbre plus vivante, plus réelle que la réalité et, s’il acceptait de jouer le jeu de Bennie, tout aussi éternelle.

— Jack…

Elle sourit, soupira, se méprenant sur son regard, et laissa glisser la tunique de velours noir sur ses épaules d’un mouvement ondulant des bras qui fit tressauter ses seins. Puis elle se pencha en avant, écrasant sa poitrine contre le torse dur, image-contraste interface homme-femme, l’entourant de ses bras féminins et musclés, jeunes et tendres et vigoureux comme… un animal doté de la vie éternelle.

Elle se frotta en riant contre son torse, crocheta ses jambes de sa jambe nue et le fit basculer en arrière de tout son poids. Il se laissa faire en l’entraînant gentiment mais irrésistiblement sur lui, sentant sous ses doigts les muscles féminins de son épaule sous la douceur satinée de la peau, sentant son ventre se presser contre son ventre.

Chair contre chair, rondeur des formes rampant sur lui selon un rythme lent, il entoura de ses deux mains les fesses douces et actives, les jambes fermes qui l’enserraient se contractaient s’ouvraient à lui, l’excitaient toison contre toison tandis qu’elle remontait ses lèvres le long de son torse, laissant une coulée de vif-argent, mordillant son cou son menton, lui faisant entrevoir l’éclat de petites dents perlées le bout rosé de sa langue au moment où il ferma les yeux, ses hanches se mettant au diapason de son rythme pelvien, sa bouche rencontrant sa bouche.

Leurs haleines mêlées, il sentit les cavernes de son âme ouvertes sur sa bouche et comme une éruption de chair massive et souple la langue tiède de Sara s’engouffra en lui l’écrasant dans un renversement de plaisir masculin-féminin, l’emplissant d’une envahissante présence liquide, créature amorphe et autoguidée, organisme tremblant et aveugle issu des profondeurs intimes de son corps comme une glande-témoin des jus secrets de la vie distillés goutte à goutte distillés dans sa bouche et emplissant ses joues de liquides poisseux de sirops sécrétés goutte à goutte limace molle glande visqueuse et verte distillant sécrétant distillant sécrétant des fluides usurpés dans sa bouche gonflant ses joues du sang des bébés cancéreux, l’étouffant, le noyant dans des fluides de vie usurpés, nectar poisseux de l’immortalité volée aux bébés noirs endormis sur la longue pente de l’Éternité, sondes cathéters tuyaux de glucose convergeant obscènement en un tuyau central de mort descendant dans sa gorge, le fouillant, l’étouffant, monstrueuse langue autoguidée l’étouffant, l’étouffant, l’étouffant, faisant monter en lui d’irrépressibles réflexes de vomissement, haut-le-cœur de bébés disloqués limaces molles langue aveugle et poisseuse emplissant sa bouche de fluides usurpés selon un atroce rythme pelvien…

Dans un spasme-réflexe affolé, il repoussa la bouche de Sara, secoué par l’horreur de ce qu’il venait d’éprouver, et elle resta sur lui inerte, le regard confus et meurtri, tandis qu’il la regardait comme un animal pantelant pris au piège.

— Jack… ? Qu’est-ce qu… Tu…

Il sentit l’intérieur de ses joues se durcir et se contracter, sa langue gonfler et se dessécher comme une masse de cuir bouilli. Non, se dit-il. Je ne peux pas vivre avec une femme si chaque fois que je la touche elle a le goût de glandes vertes limaces molles distillant des fluides de vie usurpés. Il faut que je lui dise, car sinon nous serons l’un pour l’autre des morceaux de viande malpropre, séparés pour l’éternité, nous mentant pour l’éternité. Il faut que je lui dise, quoi qu’il arrive.

— Entre nous… la vérité, Sara, murmura-t-il. Je… j’ai quelque chose à te dire.

Elle s’étendit contre lui, lui prit les joues dans ses mains moites.

— Que se passe-t-il ? Je ne t’ai jamais vu ainsi… Quand je t’ai embrassé c’était comme si j’embrassais un… (Il sentit son corps frémir contre lui.) Et ça t’a donné… la nausée, n’est-ce pas ? Je l’ai senti.

— Pas toi, Sara. Je te jure que ce n’était pas toi. C’est moi, c’est ce foutu monde de merde, c’est Benedict Howards…

— Benedict Howards ? Qu’est-ce que le fait de faire l’amour avec moi a à voir avec Benedict Howards ?

Barron fit une grimace. Comment lui expliquer : C’est comme ça, tu comprends, tu es une meurtrière, tu as des glandes dans ton corps qui ont été volées à des bébés, qui te souillent tellement que je les sens quand je t’embrasse ?

— Sara… Bordel ! gémit-il, éprouvant un spasme de futilité. Je ne sais pas comment te dire ça. Nous sommes des meurtriers, des meurtriers. Nous avons l’immortalité dans nos corps… mais sais-tu à quoi ça ressemble ? Ça ressemble à des glandes molles – tu as déjà vu des glandes ? – vertes et moites et distillant une horrible substance qui te maintient en vie, qui nous maintient en vie pour l’éternité. Juste une question de glandes, c’est tout ce à quoi tient notre immortalité. Mais ce ne sont pas les nôtres, Sara, nous les avons volées. Volées à des enfants, des bébés morts et disloqués…