Выбрать главу

Santantonio se relève et bondit.

D’autant qu’il perçoit un brouhaha en direction de la portelle. Y a une détonation. Un pet de princesse suédoise à côté du badaboum que je viens d’effacer. Une exclamation rageuse la ponctue, lancée par mon copain prêtre.

— Sans charre ! il vocifère, l’abbillon. En voilà des façons ! Tu vas voir ta gueule, espèce de cul !

On les a changés depuis Bossuet, hein ?

Un coup sourd succède.

Puis un nouveau cri.

Et le fracas d’une dégringolade.

Qui n’en finit pas…

J’arrive pour trouver l’abbé qui se tient le bras. Sa soutane est déchirée, du sang coule sur son surplis immaculé.

— Vite, il est dans l’escalier ! me dit-il. Je lui ai flanqué un coup de pompe dans les roustons.

Je déferle dans cette cage entonnoir à la vitesse grand « V ».

La cascade humaine, l’avalanche viandeuse se poursuit. J’ai idée que le dynamiteur aura des bosses, des bleus et des ecchymoses gervaises à l’arrivée. Tu parles d’un toboggan pernicieux.

Je vole aussi vite que je peux, en prenant appui contre les murs circulaires pour conserver mon équilibre.

Sacré bon diable (je suis dans une église, ne l’oublie pas) il n’en finit pas cet escadrin de tes deux !

Si.

Terminus.

Ce que je découvre au pied des marches n’est pas comestible, même pour un anthropophage sous-alimenté.

Il a le crâne fendu comme d’un coup de cognée, Pietro Formi. Il est pas formi formidable, cet ahuri.

Le petit Jésus lui a fait payer chérot le coup de goumi dont il m’a composté la théière, chez Lipp. Je voudrais pas te couper l’appétit, mais sa cervelle gît sur l’avant-dernière marche. Est-il besoin de t’ajouter, ce détail une fois fourni, qu’il est puissamment mort ?

— Vous avez pu le récupérer ? questionne le brave abbé qui surgit au tournant de l’escalier.

— Oui, fais-je, mais je vous en fais cadeau. Vous en aurez davantage l’usage que moi.

Je lui désigne le cadavre.

— Seigneur, fait le pauvre garçon, c’est moi qui…

— Quelle idée, père : c’est lui ! Il nous grenade, nous révolvérise et vous feriez un complexe de culpabilité pour un malheureux croc-en-jambe ! A Dieu ne plaise ! Savez-vous que cet infâme type, qui a du sang aux mains jusqu’aux coudes, comme dit un de mes collaborateurs, en voulait à la vie du Saint-Père ?

Je vide les poches du défunt.

Rien d’intéressant. Pas un faf : des armes…

Sa trousse de travail, quoi !

— Planquons ce cadavre dans l’escalier pour une heure, décidé-je, car le véritable pape ne va pas tarder à arriver incognito, et il serait désobligeant de troubler son recueillement.

— Le véritable… pape ?

Je lui explique en quelques mots.

— Allez vous faire panser, mon cher père et ami. Je suis bien aise de vous avoir connu ; sans votre aide, des choses néfastes auraient pu se produire.

« Voilà ma carte ! dites aux autorités que je vais établir un rapport à propos de cet attentat. Quant à moi, je dois filer, le temps presse. »

Tout est paisible dans l’église, le carillon des cloches ayant couvert le bruit de l’explosion.

Je suis presque à la porte latérale quand il me vient une idée.

— Ohé, l’abbé, vous pourriez me prêter une soutane ?

Toujours homme d’action, il m’entraîne au vestiaire.

CHAPITRE « I »

Maintenant, comme exceptés ton voisin de gauche et ton voisin de droite, il n’y a pas plus borné que toi, tu te demandes, vieux nœud, pourquoi je me travestis en curé ?

Ayant toutes les patiences, puisque j’ai entrepris de m’adresser à toi, je te vas expliquer le pourquoi du comment du chose.

En sa grande cervelle à deux places, San-Antonio se tient l’arraisonnement suivant, deux-points-pas-la peine-d’ouvrir-les-guillemets-c’est-pour-consommer-sur-place : pour tenter un coup de main pareil, Formi n’est pas venu seul. Fatalement, t’entends ? Je dis bien fa-ta-le-ment, un complice l’attend dans une rue agaçante, au volant d’une tire prête à déhoter. Tu imagines les choses autrement, toi ? Non ? Le contraire m’eût donc étonné.

Donc, le jeu pour moi consiste à retapisser d’urgence la bagnole en stationnement près de l’église. Certes, ce ne sont pas les guindes qui manquent, mais il ne doit pas y en avoir des fagots avec un chauffeur au volant (et aux aguets). Au flair étonnant du commissaire de jouer, donc, pour retapisser the car et the man in question. La soutane ?

Innocente ruse pour circuler autour de l’église sans mobiliser l’attention du driveur attentif. Avant tout, je pense qu’il convient d’utiliser la petite lourde latérale, car Pietro Formi ne devait pas prévoir d’emprunter la sortie principale, avec tapis rouge, son forfait accompli.

Me v’là out.

Il fait grand jour. Le ciel est maussade, bien parisien, mais avec des déchirures prometteuses. La porte annexe donne sur une ruelle au sol bosselé, puant le poisscaille, car l’arrière d’une grande poissonnerie du quartier y déverse des poubelles emplies de tronçons marins. Une tête de thon couronnant une pyramide de déchets malodorants, me regarde venir de ses grands yeux hagards. C’est Jules Renard qui a écrit qu’un poisson gâté déshonorait toute la mer. Comme il disait Jules, le cher juste (ou inversement). Rien de plus déprimant que la marée attardée. Bien qu’il soit originaire des océans, la véritable nourriture de l’homme reste la pomme de terre.

Un petit garçon sale joue à la marelle avec une petite fille cradingue. Des chats repus visitent les poubelles qui leur sont proposées en prenant des allures circonspectes. La vie quotidienne est là, paisible, pleine de bruits familiers, d’odeurs maussades et d’habitudes mûres.

La ruelle est à sens unique (en son genre). Une camionnette frigorifique appartenant au poissonnier l’obstrue complètement. Le supposé complice ne saurait poireauter là car, en cas de pépin, il s’y trouverait coincé comme dans une nasse.

Je remonte cette voie qui, pour être contiguë, n’en est pas moins exiguë, jusqu’à l’artère longeant l’arrière de l’église. A cause du service d’ordre, Formi et son pote n’ont pu stationner rue Marcelle-Ségal. Donc, ils se sont rabattus sur l’autre accès, bien que ce dernier soit le plus éloigné. Cela dit, que risquaient-ils, ces méchants ? Qui donc pouvait détecter le mystérieux rayon ? Et au fait, il consiste en quoi ?

Je débouche sur une rue commerçante, populeuse, encombrée de voitures des quatre-saisons. Le stationnement y est interdit. Me v’là bien. Les étais des primeurs, ceux des bouchers, alternent. Y a un remue-ménage de tous les diables dans ce secteur.

— Nom de Dieu, me dis-je poliment (je viens de quitter l’église et il m’en reste quelque chose), il est impossible qu’une automobile demeure immobile plus de douze secondes dans ce tohu-bohu sans voir débouler la maréchaussée, carnets au vent.

Perplexe, je rebrousse chemin. Mon battant cigogne à m’en craquer les cerceaux. Je frénétise, comprends-tu ? Me sens en état second. Mon antenne est développée sur toute sa longueur. Elle fouette le vent. Pompe des avertissements dans l’air malodorant. Je suis une pile trop chargée. Y a mes accumulateurs qui veulent transvaser. Faut que je m’ébroue de la coiffe. Que j’agisse. Découvre. Ça sent la chaude piste, nonobstant le poisson et la légume en digue-digue. Tout près, tout là-à-côté, quelqu’un attend le retour de Pietro Formi. C’est automatique. Auto matique… Auto…

Il t’est déjà arrivé de pousser une beuglante intérieure, dis, vessie poreuse ? De hurler à la lune au-dedans de ton âme ?