Stanislas Petrosky
Je m’appelle Requiem et je t’…
PRÉFACE
Je m’appelle Nadine Monfils et je t’emmerde.
T’imagines que j’enfile les premières perlouzes d’un roman comme ça ? T’oserais toi ? Ben y’en a qui n’ont pas les couilles dans le saloir et qui punaisent leur gouaille sous les soutanes des corbeaux, sans un poil de honte. Ça clache sec, ça t’envoie des mots enrobés de balles dum-dum, même pas peur ! Çui-là, il a pas sa langue dans le bénitier ! Et ça te campe un cureton qui enfile des godes à la place des hosties, paraît que ça chasse les démons… C’est pas parce qu’on kiffe Jésus qu’on doit appliquer ses codes barres. Le baladin des oraisons funèbres est plutôt partisan de l’œil pour œil et j’te fais gicler ton dentier. Tendre la paluche, c’est pas son style. Ce Don Camillo à la sauce Rambo qui cause comme un Tonton flingueur n’est pas de bois, ou alors celui dont on fait les pipes. Il aime les meufs, quel mal à ça ? Ce sont des créatures de Dieu. Mais si on les saucissonne dans un snuff movie, le cave se rebiffe. L’envoyé de Dieu a sa morale — un peu celle de Carmen Cru — on ne se débarrasse pas si facilement des merdes qu’on nous colle aux semelles à l’âge où on lit Martine à l’école. N’empêche que la chair est faible, surtout la sienne et qu’il y a un certain plaisir pervers à confesser ses péchés, donne-moi la fessée pour mériter le paradis. Un curé qui préfère le Jack Daniel’s au vin de messe peut pas être mauvais. Et si on sait en plus qu’il a du mal à capter que l’on puisse s’entretuer pour des conneries telles que c’est mon Dieu qui est le bon et pas le tien, on est pile dans le nœud de la guerre des cons. Entre mamie Pruneaux et Pervers Pépère en passant par le bar du PMU, le sonneur des matines nous ferait presque sortir notre crèche de Noël, juste pour croire à l’étoile de Bethléem ou de Barbès, on s’en fout, puisque le ciel est le même pour tout le monde. Not’curé chez les nudistes serait bien du genre à faire aimer la Chimay à saint Pierre et à relooker saint Joseph en mode Guy Gilbert (le sauveur des loubards) avec Perfecto et Doc Martens. Confronté au tas de fumiers qui parfume la planète, l’astiqueur de ciboires n’en a pas moins toujours foi en l’homme. Pas possible que ces créatures célestes trucident leurs frangins et frangines sans avoir un restant de guimauve dans le blaze. Pour ça qu’il est devenu exorciste. Donc, voilà un bouquin optimiste sur l’humanité qui part en sucette et qui t’enfile le bâtonnet bien profond dans l’cul, mais si t’as pas la foi dans celui qui fait tourner le manège, essaie au moins de sauver ceux qui sont dans les nacelles. Tu lis ça, t’as la patate, parce que c’est très drôle et en plus, ça te laisse des questions dans le ciboulot. Après, t’as plus qu’à croquer dans une pomme d’Amour en écoutant Birkin avec sa voix de poupée.
Amen.
MISE EN GARDE
Les personnages constituant ce magnifique ouvrage, même s’ils sont d’une criante vérité, sont le fruit de mon imagination perverse. Toute personne qui prétendrait se reconnaître au fil de ces pages se fourrerait le doigt dans l’œil à s’en décrocher le cervelet.
L’existence est un entrelacs de rencontres.
Des gens viennent et repartent.
Le temps qu’on les estime indispensables et voilà qu’il faut s’en dispenser.
Ils vous meurent devant ou vont se planter ailleurs, dans d’autres terres ou d’autres culs.
1
Présentations et préliminaires
— Je m’appelle Requiem et je t’emmerde.
— Requiem ce n’est pas un nom, alors tu vas me dire qui tu es et ce que tu fous à me surveiller.
— Crève charogne !
Je ne l’ai pas vu venir la beigne, l’enculé. Je ne pensais pas qu’il allait cogner comme ça, c’est parti d’un coup. Ma tronche a fait un 180° et j’ai senti le raisin couler dans ma bouche. J’ai cru qu’il m’arrachait la tête, il a un de ces punch. Cet enfoiré ne m’a pas raté, il m’a éclaté la lèvre supérieure, il ne l’emportera pas au paradis, enfin au paradis, je déconne, il l’emportera en enfer, et je te jure que je vais lui payer le voyage à cette enflure. Un aller simple, direct, sans correspondance. Pour l’instant je suis ligoté sur cette chaise, mais dès que j’aurai les paluches libres, cette raclure de bidet va morfler et sévère, nom de Dieu !
Pardon Seigneur, excuse ton serviteur, mais il est des moments où le blasphème, c’est plus fort que moi, j’espère que tu ne m’en veux pas et que tu vas m’aider à me sortir de cette mélasse. Et si tu pouvais faire vite, parce que là, j’ai les joues qui chauffent, l’autre ordure me prend pour un punching-ball.
Mais lecteur, mon ami, tu arrives en plein milieu de l’action et nous n’avons pas été présentés, excuse-moi. À toi, ce n’est pas comme à l’autre mécréant au-dessus, je peux donner mon blaze, car intelligent comme tu es, tu te doutes bien que Requiem, c’est un pseudo, un nom de code, un surnom, bref ce n’est pas mon état civil. Non, mon véritable patronyme c’est Estéban Lehydeux. Je sais Estéban ça claque, ça fait exotique, ce n’est pas courant, ça plaît aux femmes. C’est le souvenir des Cités d’or[1] pour la quadra qui retrouve une seconde jeunesse. Surtout quand tu frises le mètre quatre-vingt-cinq, que tu es plutôt bien foutu, une belle crinière brune et une barbe de trois jours soigneusement entretenue, style baroudeur. Bref une belle gueule avec des yeux bleus à faire crever tous les huskys de jalousie. Par contre Lehydeux, hein, ce n’est pas ce qu’il y a de plus glamour. Et Père Lehydeux, c’est encore pire, d’où Requiem, ça sonne bien. Et pis un type qu’on surnomme Requiem, tu as tendance à t’en méfier, pas vrai ? Berceuse ça fait câlin, Requiem ça craint.
Père Lehydeux ! eh ouais, je suis curé… enfin prêtre, et d’un genre particulier, un peu comme un agent secret du bon Dieu si tu veux, un homme de main, un bodyguard of God.
Je suis un exorciste, je chasse les démons, les monstres, les incubes, les succubes et toutes sortes de merdes du même acabit.
Je te l’accorde, on ne peut pas dire que cela soit un métier facile, ça non, je peux te dire que j’en vois des belles, des vertes, des pas mûres et même des trop mûres. D’ailleurs avant d’être saucissonné sur cette chaise, j’ai vu pas mal d’horreurs, j’expliquerai après.
Bref je suis un émissaire du Christ, bon ok, un peu particulier. Je dois avouer que je me souviens plus trop de mes vœux. Moi si tu veux, par rapport à Jésus, qui quand il prenait une châtaigne sur la joue gauche tendait la droite, j’aurais plus tendance à foutre un grand coup de genou dans les orphelines de mon agresseur, histoire de lui apprendre la génuflexion et le respect.
C’est pareil pour le vin de messe, souvent on te file un pinard dégueulasse que si tu en fais tomber sur tes pompes, le cuir est mort, tu imagines l’état de mon estomac si je buvais une telle vinasse ? Non, moi, j’fais la communion au Talisker, de préférence un rocher escarpé de 12 ans d’âge minimum, mais comme dans le turbin je chasse aussi le pédophile, j’essaie toujours de m’envoyer du 18 ans d’âge, histoire d’être réglo avec moi-même.
1
Les Mystérieuses Cités d’Or, Série animée de 1984, dont le Personnage principal se nomme Esteban.