Je tente 0000, 1234, que dalle. Il me reste encore une chance dans les codes à la con, je chope sa carte d’identité, vérifie la date de naissance, tape 1977 et bingo, c’est encore un curé qui gagne le filet garni avec une Vierge qui fait tomber de la neige quand on lui soulève la tunique.
Je fouine dans le répertoire, le type n’était pas aussi ringard qu’il en avait l’air, pas de nom, des codes à la con, et le journal d’appel est vide, c’était nettoyé au fur et à mesure, il reste juste une conversation SMS — avec un ou une dénommé Bonny — qu’il n’a pas eu le temps d’effacer.
— JE DOIS AIDÉ POUR AUTOPSIÉ NOTRE STAR.
— SANS RIRE ? MERDE TU AS MOYEN DE FILMER ?
— TROP 2 DANGÉ PAS POSSIBLE MEME CI IL ME PREND POUR UN CON JE DOI FAIRE ATTENTION, SURTOUT INVITÉ SURPRISE.
— INVITÉ SURPRISE ?
— OUI LE CURÉ…
— PUTAIN DE FOUILLE-MERDE… QU’EST-CE QU’IL FOUT LÀ LUI ? FAIS GAFFE.
— NE VOUS INQUIÉTÉ PAS, JE CÉ ETRE DISCRÉ.
— TU AS TON CALIBRE ?
— OUI DANS VESTIERE.
— ALORS DÈS QUE TU PEUX TU L’ÉLIMINES !
— BIEN MADAME, JE VOUS DI QUAND CÉ FAIT.
— RETROUVE-MOI AU CLUB J’Y SERAI EN FIN DE JOURNÉE.
— OK
Trois choses importantes : la première c’est que comme je le pensais déjà, ils savent qui je suis, la seconde c’est que le commanditaire est une gonzesse. Toi je ne sais pas, mais moi, j’ai toujours du mal quand les femmes sont des monstres. J’ai toujours l’impression que c’est l’homme le salaud, j’ai dû trop écouter Miss Maggie de Renaud, Palestiniens et Arméniens, témoignent du fond de leurs tombeaux, qu’un génocide c’est masculin comme un S S, un torero. Ben là je crois que j’ai touché une fieffée garce mon pote…
Tu te demandes la troisième chose que j’ai apprise, c’est comme la une, je ne l’ai pas vraiment apprise, c’est plus une affirmation, le Ludovic en plus d’être con, était une vraie brêle en orthographe, juste à lire ses SMS, j’ai les yeux qui saignent.
En bonus, elle cause d’un club, cela peut être une boîte de nuit, voire à partouzes, dans le genre de celle où tu es allé une fois avec ton beau-frère en Belgique. Mais ça peut aussi être ce fameux Beauty-Body, ça vaut le coup d’être creusé.
Aucune boîte mail reliée au téléphone, un minimum d’information. Juste quelques photos dans la mémoire, idem, ce sont celles qu’il n’a pas dû avoir le temps de vider, pas grand-chose. De l’horreur, du gore. Je suppose que tu as compris que c’est la môme Martine sur les clichés. On vient de la fixer au mur, ses yeux sont emplis d’effroi. Sur un autre, un type pose devant le lit, sur lequel repose toute une armada d’instruments de torture, et d’objets détournés de leurs fonctions premières dans un seul but : faire souffrir ma protégée. Des pinces, un scalpel, des godemichets, un fer à souder, et quelques objets dont je n’arrive même pas à imaginer le mode d’emploi. De vrais sadiques.
Il y a un type sur une des photos. Le mec, tu sais déjà qui c’est, ton esprit de déduction n’est plus à démontrer ? Tu es un véritable San-Antonio, un Colombo, Starsky sans son Hutch, un Hercule sans son Poirot, un Sherlock des plus brillants… non tu n’as pas trouvé ?
Tu me déçois là… la poutre de Bamako, le poney humain, triple jambe. Bon il est vrai que je ne t’ai pas dit qu’il exhibait son engin dressé en même temps que le matos. Sur cette photo-là, le regard de la petite n’est déjà plus le même on sent que la peur l’a envahie.
Je peux donc déduire qu’ils étaient trois, le grand con, la poutre de Bamako et la patronne. J’en ai plus que deux à trouver. Ma seule véritable piste est la salle de fitness, c’est là que mon macchabée a dû croiser Martine.
15
Chapitre à considérer comme un entracte
Il y a des choses que j’ai du mal à comprendre, à assimiler… comment peut-on jouir dans la torture, comment peut-on prendre son pied en infligeant la douleur.
Je sais ce que tu vas me dire, ce n’est pas d’aujourd’hui, relis le marquis de Sade, il était tout aussi taré que ton trio pervers. C’est exact, mais il n’empêche que je ne pige pas.
Une claque sur les fesses pendant une levrette je veux bien, je sais même que certains considèrent la levrette sans fessée comme une raclette sans fromage. Là je veux bien, ce n’est pas méchant, une petite marque rouge sur le cul et on n’en cause plus.
Mais là, merde, découper l’aréole des seins au scalpel… des brûlures au fer à souder sur et dans son sexe. Je ne te ferai pas la liste de ce qu’ils lui ont enfoncé, tu serais capable de rendre ton dîner sur ce livre, un si beau papier, du quatre-vingts grammes.
Comment l’homme peut-il être aussi vil, aussi sadique, aussi déshumanisé ?
Parce ce que n’oublie pas que là ils se sont fait un trip genre snuff movie où la petite a rendu l’âme à l’écran, mais ces fumiers voulaient des gosses, des petites têtes blondes dans leurs saloperies.
On est dans la maladie de haut vol, celle que l’on soigne directement au gros calibre, avec une ordonnance délivrée au 6,35 en pleine tronche. Tu ne peux pas faire autrement…
Tu vois j’ai du mal à croire à ça, pourtant je l’ai vue clouée au mur tel un papillon, je l’ai vue allongée sur la table d’inox, la lumière blafarde de la lampe Scialytique irradiant ses plaies. J’ai vu les images dans le portable, dans les mails, j’ai vu tout cela. Et malgré cela je ne peux pas y croire, je ne veux pas. Ça doit être mon côté curé, ou humaniste va savoir, mais je ne peux pas imaginer que des hommes, des femmes soient capables de telles choses.
C’est un peu comme les nazis, ce qui s’est passé dans les camps de concentration, d’extermination, je n’y crois pas. Ne te méprends pas hein, je ne suis pas négationniste, en aucun cas je ne remets en doute ces infamies-là, non, ce que je veux juste te dire, c’est que je sais que cela a eu lieu, je sais, mais je ne peux croire que cela soit la main de l’homme qui en soit la cause.
Non, depuis que je suis gamin, que je suis en âge de comprendre ce genre de truc, que je sais ce qu’est la monstruosité, la barbarie, l’inhumanité, la torture et tutti quanti, je ne peux admettre au fond de moi que ce sont des hommes et des femmes qui les pratiquent, sur leurs frères et sœurs.
Tu vois, je pense que c’est le fait de ne pouvoir croire que l’homme est à ce point un enculé, qui explique que je sois devenu prêtre exorciste.
Eh oui, je le confesse à toi lecteur, mon ami, mon frère, je crois que ce qui m’a fait entrer dans les ordres, ce n’est pas seulement ma foi en Dieu, c’est aussi et surtout mon désir de combattre le diable.
Prends un type comme Andreï Tchikatilo, dit le boucher de Rostov, l’éventreur de Rostov ou encore l’ogre de Rostov. Cette enflure était instituteur, il avait deux mouflets. Il a assassiné plus de 50 femmes et enfants. Il était impuissant et ne pouvait jouir qu’en torturant et en assassinant des gosses. Il les mutilait puis les bouffait, s’acharnant sur les seins et les organes sexuels. Tu crois que ce type-là est humain ? Ah viens pas me jouer la carte du cinglé, non faut arrêter avec ça. S’ils sont malades ces gus, pas besoin de payer un laboratoire pharmaceutique pour trouver le remède, Smith & Wesson ont les médocs. Non sans rire, tu crois que ce genre d’individus mérite la moindre considération ?
Moi pas, ce sont des monstres, des suppôts de Lucifer, de Belzébuth, du démon, du succube, d’Azazel, de Satan… appelle-le comme tu veux l’autre con, mais ils ne peuvent être faits comme toi et moi. Non, on n’est pas comme ça nous. Nous ne sommes que paix et amour. Ok, de temps à autre je m’égare, je me laisse aller à la violence, je disperse, je ventile mais c’est pour faire régner la bonté et la joie du Père tout puissant.