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— Qui ça ?

— Comme si tu ne connaissais pas Ludovic Crémier…

Ben non, logiquement je ne connais que son prénom, si je n’avais pas ramassé son portefeuille je ne saurais pas son blase à l’abruti. Alors, ne crois surtout pas me baiser comme ça commissaire chéri…

— Si je te dis que je ne connais pas de Crémier ! Un fromager, peut-être, mais pas un crémier.

— Arrête, je ne suis pas d’humeur à rire à tes vannes à deux balles. Crémier c’est l’assistant du légiste, celui qu’il appelait le grand con.

— Et en quoi la mort de ce grand con me concerne-t-elle ? Je l’ai croisé au cours d’une autopsie, je ne le connais pas ce guignol.

— On l’a retrouvé à quelques kilomètres de l’IML, il s’est fracassé contre la rambarde de sécurité.

— Et le rapport avec ma gueule si cet abruti ne savait pas piloter sa moto ? Je n’étais pas croché derrière lui que je sache.

— Non, enfin je n’en sais rien. Quand les secours sont arrivés, prévenus par un routier qui passait par là, ils n’ont pu que constater son décès, il était déjà mort depuis quelques heures. Pas de papier, pas d’immatriculation sur la moto, mes collègues ont donc réquisitionné les croque-morts pour l’emmener à l’IML.

Je trempe mes lèvres dans la mousse crémeuse pour me donner une contenance, je suis étonné que Régis fasse le rapprochement entre la mort de Crémier et mézigue, je l’écoute attentivement et le laisse parler.

— La bécane a été tapée par l’arrière, certainement une voiture puissante pour lui tirer la bourre, tiens, dans le genre de la tienne ça pourrait le faire. Ce n’est pas un accident, en plus celui qui a fait ça l’a défiguré, certainement pour que l’on ne l’identifie pas trop rapidement.

Il laisse un blanc, il attend que j’enclenche, ce qui ne me dérange pas car il y a un truc que je n’entrave pas dans son laïus.

— Attends, pas de papier, pas d’immatriculation, la tronche démontée et tu sais que c’est lui, comment tu peux être aussi catégorique ?

— Celui qui l’a tué ignorait qu’il était tatoué. Des motifs peu courants que le toubib a reconnus aussitôt. Ajoute à ça la marque de la moto, le casque et la corpulence… pas besoin de sortir de Saint-Cyr.

Un bon point pour la maison poulaga. Il est vrai que je n’ai pas pensé à ce genre de signes particuliers, mais bon, je n’allais pas non plus le foutre à poil sur le macadam et exposer son bout de Zan à tous les passants.

— Bon, jusque-là, je suis d’accord, mais moi, je viens foutre quoi dans ton histoire Régis ?

— Ben le doc’ a vu son crétin d’assistant partir en trombe juste après l’autopsie. Il collait au train d’une Mustang. Un coupé de 1967, comme dans Bullit, c’est bien ta voiture ?

— J’ai ce genre de caisse, c’est vrai, mais rappelle-moi, il n’y a bien qu’une seule issue à l’IML ? Qu’est-ce qui prouve qu’il me suivait ? Qu’est-ce qui te dit que c’est un homicide ? Il n’a peut-être pas eu de bol, un chauffard, le type a paniqué, pété un câble…

— Il y a ça aussi Estéban…

Il pose un sachet de plastique transparent sur la table, juste à côté des noix de cajou, juste entre nous et ne me quitte pas des yeux. Moi là je me dis que je suis un peu con sur les bords de ne pas y avoir pensé, tu y aurais pensé toi ?

Allez tourne la page, y a trop de suspense, faut faire baisser la tension d’un poil de cul, on entame un nouveau chapitre le temps que je reprenne mon souffle.

19

Chapitre où le curé va à confesse…

J’hésite encore. Que dire et que faire exactement ? J’ai mis les pieds dans un drôle de bourbier. Régis est certes un pote, mais c’est aussi un poulet, et un poulet d’élite. S’il apprend que j’ai dessoudé le grand con, il ne passera pas l’éponge. Va falloir jouer serré. Une fois de plus.

— Ce n’est pas à moi ce truc…

— Non, mais il était non loin du corps, il a dû le perdre dans sa chute.

Bordel que je suis con ! Tu as deviné ? Le 357… J’ai oublié que ce grand con de Crémier m’a tiré dessus avec un Magnum 357… J’ai pensé aux papiers, à l’immatriculation, à sa gueule de bad boy de pacotille, mais je n’ai plus pensé à l’arme. Je ne m’en servirais pas tant, je me boufferais les couilles ! Un débutant sur ce coup-là le Requiem.

— Je vais te dire Estéban, je me fous de savoir si tu es pour quelque chose dans sa mort, au cas où, compte pas sur moi pour te sortir le cul des ronces. Je ne m’occupe pas de l’enquête, donc je te foutrai la paix, en échange tu vas m’en dire un peu plus, parce que rien qu’à ton changement de gueule, je vois que tu n’es pas tranquille.

Vu qu’il soliloque pire qu’un évêque en plein prêche, j’ai eu le temps de préparer ce que j’allais dire ou pas. Je vais lui donner du grain à picorer à mon poulet pour qu’il me foute la paix.

— Je ne t’ai pas tout dit Régis, le fan de Martine dont je t’ai parlé… Il est pas tout seul… Ils voulaient lui faire tourner un drôle de film, un truc bien dégueulasse…

— Dégueulasse comment ?

— Ce qu’il y a de pire, elle a reçu une offre pour tourner dans un film avec des gamins, un porno avec des mioches…

— Putain, mais tu es con ou tu le fais exprès ? Tu tombes sur un réseau pédophile et tu veux te la jouer justicier ?

— Un réseau, tout de suite les grands mots, une bande d’illuminés. Je ne les croyais pas vraiment méchants.

— Non, bien sûr, une actrice porno agrafée au mur comme un hanneton sur une plaque de liège, c’est sûr que les mecs sont gentils, de vrais Bisounours tu me prends vraiment pour le dernier des caves.

— Tu voulais que je te dise quoi ? Je n’ai rien, tu m’entends ? Que dalle, nada, nib, peau d’zob… des messages envoyés via le Darknet, impossible à tracer, une photo bidon de cinq gamins, alors qu’aucune disparition n’est déclarée, voilà tout ce qu’on a. Et j’ai eu la preuve que c’était des méchants comme tu dis seulement lorsque j’ai vu cette pauvre môme défuntée…

— Le monstre de la salle de jeu, ça te dit quelque chose Estéban ?

— Non, rien, ça devrait ?

— Pas forcément, il y a deux ans un type contacte la police via l’interface d’un site du ministère. Un lien qui existe pour signaler les sites pédophiles[12]. En surfant sur la toile il avait découvert un salopard, flouté, qui abusait de mômes au beau milieu d’un tas de jouets…

— Le rapport avec mon affaire ?

— 80 % des photos étaient des montages…

— Ce qui sous-entend que les 20 % étaient de vraies photos ?

— On le pense…

— Vous avez serré le type ?

— Non, jamais, le site a disparu. Mais il a dû réapparaître du côté obscur d’Internet. Une véritable plaie ce Darknet…

Et là, je commets une boulette, un truc tout con, je ne sais pas si tu t’es déjà rasé le crâne, ou même les joyeuses, c’est plus fort que toi, faut que tu caresses, que tu passes la pogne sur ta peau imberbe afin d’en apprécier la douceur. C’est ce que je viens de faire, et ça ne passe pas inaperçu. D’un coup il redevient obnubilé par mon nouveau look.

— Et l’autopsie t’a fait flipper à ce point pour que tu changes de tronche ?

— Non, Martine m’avait filé ses identifiants pour que je surveille ses boîtes mails. En rentrant de notre petite séance de charcuterie, j’ai regardé, il y avait un message : Game over pétasse, on avait demandé le silence… tu as hurlé… que Dieu et son serviteur aient ton âme.

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12

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