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Voilà que dorénavant l’on vient me chercher dans mon église, comme un sauveur. Un sauveur ? Mais non, messie.

Sur le coup j’ai eu envie de l’envoyer bouler, qu’elle aille voir les condés, ils sont là pour ça, ils ont tout ce qu’il faut pour traquer les pervers sur la toile. Mais je me suis dit qu’en ce moment c’était assez calme, pas envie de faire du lard, un peu d’action ne devrait pas me faire de mal.

— Tu as répondu quoi au malade ?

— Rien, j’ai eu peur, j’ai lu le message, c’est tout. Je l’ai reçu hier, je n’ai pas dormi de la nuit, je ne pouvais pas rester sans rien faire, et pas envie d’aller voir les flics.

— Tu l’as déjà dit môme, et donc tu comptes sur moi. Bon ben on va aller voir ça, je vais venir avec toi.

— Merci mon père, merci…

Elle est bien gentille à me remercier comme ça, mais j’ai encore rien fait, je vais juste aller lire un message sur son écran, dans son petit studio…

— Tu n’as qu’à m’attendre dans le coin, je vais retirer mon bleu de travail et mettre une tenue plus adéquate.

— Votre bleu de travail ?

— Mon aube, ma soutane si tu préfères.

— Ah ok, j’attends alors.

J’ai eu un instant comme l’envie de lui dire que je la porte à l’écossaise ma tenue, un peu comme un kilt, mais j’ai préféré me rabattre la menteuse et rien avouer. Que je déconne un peu, le Vieux me laisse faire, mais si je faisais ça au bureau, je risquerais gros.

Parce que la Martine, et là je ne te cause pas du poète chantre du romantisme qui se morfond de ses amours perdues au pied d’un lac, non je te cause d’une femme qui n’a pas froid aux yeux, non elle, elle a plutôt bien chaud ailleurs. Genre un brasero dans le string. Vu que j’ai déjà visionné certaines de ses œuvres, comme précisé pour raisons professionnelles, j’ai pu apercevoir ses prouesses techniques. Du grand art. Pas du ramonage papa-maman, non c’est pour des mecs entraînés. Je pense qu’elle équivaut à un semi-marathon la petite, faut tenir le rythme.

C’est du Technicolor mon pote ce qu’elle te fait, la troussée olympique, la chevauchée qui t’astique, bref, je sais que je rentre de plein pied dans le siège de la tentation.

La preuve, quand elle marche comme ça devant moi, que je regarde son cul onduler sous sa petite jupe de cuir qui luit au soleil, ben je vois mon avenir… et il est radieux.

3

Bienvenue chez les dingues

En fait Martine ne crèche pas si loin que ça de mon église, une dizaine de minutes à pinces. Ça va faire jaser dans le bled, les mégères nous ont vus passer ensemble, discuter. Même si j’ai enfilé une tenue un peu plus discrète que ma soutane, un jean, un tee-shirt, mon Perfecto et des Doc, je suis connu dans mon quartier, et elle aussi. Non pas pour son talent de comédienne, mais pour ses tenues provocantes. Puis une femme célibataire, jeune, sexy, avec le cureton, ça fait causer, ça donne à imaginer des choses. Et des choses pas forcément catholiques.

Alors quand j’ai franchi la porte de son appartement, ce fut l’apothéose des concierges, j’ai vu la mère Michalon piquer du nez en avant, les yeux exorbités, d’ici à ce qu’elle m’ait fait un AVC celle-là… la Michalon c’est de la grenouille de bénitier de compétition. Le genre qui se rince le cul à l’eau bénite histoire que le malin vienne pas s’y foutre au chaud.

Je ne sais pas si tu as déjà visité la galerie des glaces de Versailles ou le One-Two-Two, mais dans le genre miroirs aux murs et au plafond, tu ne peux pas faire mieux.

À peine ai-je passé la porte de l’antre de Martine que j’ai l’impression d’être une bande de jeunes à moi tout seul, je me vois en démultiplié. Requiem ad libitum. La môme voit mon étonnement.

— C’est pour les angles…

— Les angles ?

— Les angles de vue mon père, dans mon… art, faut faire très attention au cadrage, les glaces me servent à bien visualiser, parfois je filme même un des miroirs, ça donne un effet.

Le seul endroit non réfléchissant de la pièce[3], c’est un bureau sur lequel trône le dernier Mac avec l’écran aussi grand que la téloche de ton salon. Des enceintes, des caméras et des micros, sa piaule est un véritable studio de cinéma. L’Universal du X.

— Ça a dû te coûter un bras ton installation ?

— Ce n’est rien de le dire, entre l’ordi, la vidéo, la déco… puis y a aussi la collection de dessous et de gadgets, vous n’avez pas tout vu !

Patron, va falloir me pardonner par avance. Des tickets pour absoudre, en carnet de 12, vous avez ça chef ? Parce que là, je ne voudrais pas dire, mais filez-moi une soutane en bronze, et je vous sonne l’Angélus juste en lui regardant les miches à la môme.

— Je ne suis pas venu pour cela Martine, mais pour voir le message…

— Pardon monsieur le curé, pardon, parfois, quand je vous vois, ben j’en oublie vos habits sacerdotaux.

— Ça ne sert pas que d’auto, t’inquiète, moi aussi je les oublie souvent, et cesse de me donner du curé et mon père, mon blaze c’est Estéban.

— Va pour Estéban, curé. Je vous montre.

Elle bouge la souris, un fond d’écran représentant Candy apparaît… elle te fait des galipettes non recensées par le Kama-soutra, elle s’exhibe sans complexe, elle est ceinture noire 12e dan de la bête à deux dos, experte du point G, mais elle garde une âme d’enfant, j’en ai les larmes aux yeux. J’aurais vu la vierge sur le 15 pouces que je n’en aurais pas été plus ému. Elle entre son mot de passe, re-mot de passe pour accéder au site, re-re-mot de passe pour la messagerie privée, la petite est méfiante, j’ai pas eu le temps de les lire, mais jamais ses doigts n’ont dansé sur les même touches du clavier, un bon point pour elle. Le message apparaît sur l’écran :

SI VOUS DÉSIREZ CONTINUER LA SÉRIE, SACHEZ QUE NOUS SERIONS PRENEURS POUR UN ÉPISODE, PRIVÉ : MARTINE À L’ÉCOLE. REGARDEZ LES PIÈCES JOINTES, ILS SERONT LES AUTRES ACTEURS ET FIGURANTS. SI VOUS ÊTES INTÉRESSÉE, RÉPONDEZ JUSTE À CE MESSAGE.

Je clique sur le petit trombone, tu vois, je suis prêtre, ok, je suis un peu, comment dire, intéressé par la chose, je ne reste pas de bois[4], j’ai déjà testé des trucs, des trucs dont tu ne soupçonnes même pas l’existence, mais là… bordel, sur les photos, trois petites filles, deux petits garçons, et sur une autre un mec qui porte une cagoule type catcheur mexicain, la carrure est assortie. Il a dû être croisé avec un poney vu la taille de sa queue.

Comment peut-on oser proposer de tels trucs sur un site ?

J’en ai déjà vu des pervers, des bizarres, des tarés, mais là, franchement, c’est le pompon de l’ignominie, du salopard de compétition, de l’ordure. Elle a eu raison Martine, je vais m’occuper de leur cas, tout du moins je vais essayer, pis si ça foire, on refilera le bébé à la maison Poulaga.

— Je peux me mettre au clavier ? Parce que si tu veux que j’essaie de faire quelque chose, va falloir les appâter, donc répondre, donc tu sers de chèvre, donc ça peut être dangereux. Nous, on ne sait pas qui ils sont mais eux savent qui tu es.

— Allez-y Estéban, faites ce qu’il faut, je suis prête à pas mal de trucs avec mon corps, vous voyez par exemple…

— STOP, non, pas besoin que tu m’expliques, hein, pis tu peux me dire tu aussi tant que l’on y est.

Elle ne dit rien, juste opine du chef, ce qui suffit à me donner deux, trois idées bien salaces. Je me ressaisis et clique sur répondre.

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3

À part toi bien sûr, ami lecteur.

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4

Ou alors celui dont on fait les pipes…