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Eh bien tu vois mon grand cœur, en pleine ascension du mont de Vénus, je pense à toi. Toi tu fantasmes, moi je baise, elle est pas belle ma vie ?

Mais une fois les aérofreins lâchés, que le septième ciel est atteint, on redescend sur terre, là c’est une autre histoire. La chute est rude. La môme a eu un petit temps de décompression, un sourire de béatitude imprimé sur son joli minois, mais là, ça y est, elle a repris pied dans la réalité.

— Qu’est ce qu’on va faire Estéban ? S’ils savent qui je suis, il ne faut pas que tu te plantes, faut tous les mettre K.-O.

— Ce n’est pas si, c’est sûr qu’ils savent, ils t’ont livré ton acompte… et ne flippe pas, on va s’occuper d’eux ma belle.

S’il y en a un qui est bien inquiet, c’est moi.

Oui, ils savent où crèche Martine, ils viennent de le prouver. Moi, un, je ne sais pas où ils sont, et deux, je ne sais pas non plus combien ils sont.

Au moins deux, le poney et le photographe. Mais ils peuvent être plus.

Combien faut-il être pour kidnapper cinq gamins, les garder ?

Plus le client, celui qui est prêt à débourser une fortune pour cette infamie. Car quand même, quatre cent mille, faut les sortir, et en liquide en plus.

Je me décide à rentrer, malgré des laudes de toute beauté. Mais vu la séance que je viens de m’offrir, je vais devoir assurer deux offices dans la journée si je ne veux pas prendre trop de courant d’air sur mon lumbago. Si la Bardoure revient, elle risque de ne pas supporter, va falloir que je fasse plus sobre.

En attendant je vais essayer de faire un tour du côté sombre de l’Internet, c’est là qu’ils lui donnent rendez-vous, peut-être est-ce là que je trouverai quelque chose ?

Puis j’ai aussi une inhumation. Oui exorciste, ce n’est pas à temps complet, quand je suis au village, je fais comme tout curé, voire un peu plus, je te le concède.

7

Chapitre avec de belles funérailles

Rien, je n’ai absolument rien trouvé côté pile ou côté face de la toile sur un dénommé Aigle-noir 157, le vide, le néant.

Alors j’ai décidé de faire autrement, si je ne peux pas trouver le chasseur, je vais me mettre à sa place et traquer sa proie. On ne sait jamais si je trouve, je prends le même chemin que lui pour aller jusqu’à la môme, j’aurai peut-être une chance de le croiser, de le dénicher.

J’y ai passé du temps. Même pas pris de déjeuner, absorbé par mon travail. Va falloir que je me magne, dans une demi-heure je composte un billet retour. Je célèbre des funérailles.

Eh bien malgré toutes ses heures passées derrière l’écran je ne sais rien. Quoique quand je te dis rien, ce n’est pas vrai… En fait lorsque l’on fait des recherches sur les aventures de Martine, on tombe bien évidemment sur l’œuvre de Delahaye, mais il suffit de taper quelques mots clés en supplément et l’on trouve enfin ce que l’on cherche.

J’en ai éclusé du site pour adultes, du site rose, du site échangiste, du site touristique — surtout si tu voyages du côté de l’Aisne —, du site coquin, bref du booster de libido. Certains sont plus glauques et auraient plutôt l’effet inverse. Mais bon, il en faut pour tous les goûts, suffit de voir ta gueule.

Martine y est presque à chaque fois. Soit c’est une annonce qu’elle a elle-même passée afin que tu télécharges ses films, soit c’est un gus qui a chroniqué un opus de sa filmographie.

Oui, comme pour les bouquins et le cinéma classique nous avons des critiques amateurs très mateurs. Là ils ne te décernent pas un César, une étoile, un Molière, ou autre prix Médicis, non, ils ont leurs petits trucs à eux. Il y en a des chouettes : la Biroute d’or ; le Sopalin du mois ; le Boulard de cristal ; le Chibre d’argent etc. Ma nouvelle copine est souvent récompensée, fréquemment imitée, jamais égalée comme disent certains.

Seulement jamais, non jamais on n’y trouve son patronyme ou une indication sur sa localisation, rien, que nibe. Même dans ses tournages en extérieur, rien ne peut orienter vers un lieu précis, aucun indice. Elle le sait qu’elle évolue dans un milieu dangereux où se cachent grand nombre de malades, de pervers et de dangereux.

Deux solutions s’offrent donc à moi : elle connaît le type, il est dans le porno. C’est assez peu probable. Martine bosse avec le moins de monde possible. Voire souvent seule, avec des sex toy’s comme l’on dit maintenant. Elle a pigé que c’est moins dangereux, plus lucratif et que cela excite plus le mâle en rut. Et on n’a jamais vu non plus un godemichet obligé de suivre une trithérapie. Une fois le lieu trouvé elle plante trois ou quatre caméras, règle l’exposition et tout le toutim, met en marche, et fait ce qu’elle a à faire. Ensuite c’est avec les séquences qu’elle a tournées qu’elle fera le montage. C’est sa passion le montage vidéo. C’est pour ça que ses films marchent autant, la fille est canon, elle n’est pas farouche et les images sont chiadées, mon pote, c’est aussi léché que du Resnais, aussi palpitant que du Chabrol, aussi spectaculaire que du Spielberg. Ça vaut le coup d’œil, c’est sûr. Après il y a les acteurs avec qui elle tourne quand elle ne joue pas en solo. Là c’est pareil, vu ce qu’elle m’a expliqué, elle a débuté seule, et quand ça a commencé à marcher, qu’elle rentrait de l’artiche, elle a payé. Madame n’a tourné qu’avec les vedettes mâles du X, cela lui évitait d’une part de tomber sur un dégénéré en mal de sensation se faisant passer pour un hardeur amateur, et d’une autre d’avoir affaire à un bande-mou.

Oui un bande-mou, tu sais le genre de gars qui n’arrive pas à maintenir les couleurs. Tu te dis qu’il faut qu’il soit vraiment con le type ? Parce que la môme Martine elle ferait bander un saint ?

Un saint je ne sais pas, mais un curé c’est certain. Seulement entre goder dans l’intimité, voire à cinq ou six lors d’une partie fine, et devant quatre objectifs de caméra, il y a un pas à franchir, voire un fossé pour les timides du dard.

Pas facile de maintenir la forme quand tu sais que l’on t’observe, et surtout que ce on pourrait être ton patron, ton voisin, ton vieux, ta femme ou ton fils… c’est un métier paraît-il acteur de film X. Et donc Martine ne prend pas de risque, que des types connus et reconnus, bien dans leur tête, et montés avec du calibre de compétition. Peu de chance qu’ils jouent à ce genre de jeu malsain.

Il me reste donc le régional de l’équipe. Le malsain qui mate du porno classique mais qui cherche plus de perversité, de l’interdit, qui bande pour l’illicite comme le chante Higelin.

Un dans ce genre-là qui lors d’un visionnage classique se fout en pâmoison sur la plastique de Martine, et qui par hasard tombe sur elle en allant chercher sa baguette. Celui qui va l’observer en douce afin de savoir si c’est bien elle, ou juste une vague ressemblance, un sosie. Mais non, au bout de quelque temps il réalise que c’est bien son actrice fétiche, il habite dans la même ville qu’elle. Elle n’est pas loin, à portée de main, juste là, alors le monstre fait mûrir une idée en lui, le fantasme absolu. Possible…

Je suis toujours en pleine réflexion lorsque les croque-morts font leur entrée dans l’église, le dos courbé par le poids de la caisse qu’ils ont juchée sur les épaules. Faut dire aussi que la mère Alanis pèse plus du quintal.

Les porteurs me toisent, cela va du regard de cocker, à celui du tueur. Je leur fais signe d’avancer. Ils posent leur fardeau à mes pieds telle une obole, soulagés, mais tristes, dans trois petits quarts d’heure faudra la ressortir Suzette.