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— Merci. Pour moi aussi c’est important que vous y soyez.

— Alors vous me croyez. Tout comme j’ai bien été forcé de le croire. C’est tellement énorme que j’ai cessé de m’en inquiéter vraiment. Mais il y a une chose qui me tourmente : qu’est devenu Alec Graham ? A-t-il pris ma place dans mon monde ? Ou quoi ?

Elle ne répondit pas immédiatement et, lorsqu’elle parla, ce qu’elle dit ne constituait pas une réponse.

— Alec, voulez-vous baisser votre pantalon, s’il vous plaît ?

— … Margrethe ?

— S’il vous plaît. Je ne plaisante pas et je n’essaie pas non plus de vous séduire. Il faut que je voie quelque chose. Baissez votre pantalon.

— Je ne vois pas ce que… Bon, très bien.

Je me suis tu et je me suis exécuté. Ce qui n’était pas facile avec un habit de soirée. J’ai dû retirer mon veston de mess, puis ma ceinture-foulard avant de pouvoir faire glisser mes bretelles.

Ensuite, avec quelque réticence, j’ai entrepris de déboutonner ma braguette. (Tiens, un autre retard de ce monde : les fermetures Eclair ne semblaient pas exister. Il fallait qu’il n’y en ait plus en ce monde pour que j’apprécie enfin les zips à leur juste valeur.)

J’ai pris une profonde inspiration et j’ai baissé mon pantalon de quelques centimètres.

— Ça ira comme ça ?

— Encore un peu, s’il vous plaît. Et voulez-vous me tourner le dos ?

J’ai obéi. J’ai senti ses mains sur mon postérieur. C’était un contact doux, pas du tout envahissant. Elle a soulevé le pan de ma chemise et baissé un peu plus la jambe droite de mon pantalon.

Elle a tout remis en place la seconde d’après.

— Ça me suffit. Merci.

J’ai rentré ma chemise dans mon pantalon, reboutonné ma braguette, remis mes bretelles et, comme je tendais la main vers la ceinture-foulard, elle m’a dit :

— Un instant, Alec.

— Hein ? Je croyais que c’était fini.

— J’ai fini, oui. Mais il est inutile de remettre cette tenue. Je vais aller vous chercher un pantalon de ville. Et une chemise. A moins que vous ne retourniez au salon ?

— Non. Pas si vous restez.

— Je vais rester : il faut que nous parlions.

Rapidement, elle a sorti un pantalon et une chemise qu’elle a déposés sur le lit, puis elle s’est dirigée vers la salle de bains.

— Excusez-moi.

J’ignore si elle avait vraiment l’intention d’utiliser la salle de bains, mais elle savait que je serais certainement plus à l’aise pour me changer dans la cabine.

Je me sentis beaucoup mieux dans mes nouveaux vêtements. Une ceinture-foulard et une chemise à plastron sont à peu près aussi confortables qu’une camisole de force. En revenant, Margrethe a immédiatement suspendu dans la penderie les vêtements que je venais de quitter, avant d’ôter les boutons de la chemise ainsi que le col. Elle a mis le tout dans le sac destiné à la lingerie et je me suis demandé ce qu’Abigail aurait pensé de ces attentions toutes conjugales. Mais Abigail ne pensait pas qu’il était bon de trop me gâter et elle appliquait largement sa théorie.

— Qu’est-ce que tout cela signifiait, Margrethe ?

— Il fallait que je vérifie quelque chose. Alec, vous vous demandiez ce qu’était devenu Alec Graham. Je connais maintenant la réponse.

— Oui ?

— Il est là. Vous êtes Alec.

Je parvins enfin à articuler :

— Et vous avez appris cette nouvelle à la seule vue de quelques centimètres carrés de mon fondement ? Qu’avez-vous donc trouvé, Margrethe ? La fameuse marque en forme de fraise qui identifie à coup sûr l’héritier disparu ?

— Non, Alec. Simplement votre Croix du Sud.

— Ma quoi ?

— Je vous en prie, Alec. J’avais espéré que cela vous ferait retrouver la mémoire. Je l’ai vue la nuit où nous… (Elle a hésité avant de me regarder droit dans les yeux.) La nuit où nous avons fait l’amour. Vous aviez éclairé et vous vous êtes mis sur le ventre pour aller voir l’heure. C’est comme ça que j’ai remarqué ces grains de beauté sur votre fesse droite. J’ai dit quelque chose sur la façon dont ils sont disposés et ça nous a fait rire. Vous m’avez dit que c’était votre Croix du Sud et que c’était comme ça que vous saviez de quel côté vous vous trouviez. (Elle rosit légèrement mais continua néanmoins de soutenir mon regard.) Et moi aussi je vous ai montré mes grains de beauté. Alec, je suis navrée que vous ne vous en souveniez pas mais il faut me croire. Nous nous connaissions déjà assez pour plaisanter à propos de ce genre de choses sans que je paraisse trop osée ou inconvenante.

— Margrethe, je ne pense pas que vous puissiez être l’une ou l’autre. Mais vous accordez trop d’importance à une disposition de grains de beauté due au seul hasard. J’ai des grains de beauté sur tout le corps. Et je ne suis pas surpris d’apprendre qu’à cet endroit ils peuvent avoir la forme d’une croix. Ni que Graham possédait quelque chose d’assez similaire.

— Non pas assez similaire mais tout à fait identique.

— Bien… Il y a une meilleure façon de vérifier. Dans ce bureau, là, il y a mon portefeuille, enfin, celui de Graham, en réalité. Avec son permis de conduire, et ses empreintes digitales. Je n’ai pas fait la comparaison parce que je n’ai jamais douté un instant qu’il est Graham, et que je suis Hergensheimer et que nous sommes deux hommes distincts. Mais nous pouvons tout de même vérifier. Prenez ce portefeuille, ma chère. Vérifiez de vos yeux. Je vais mettre l’empreinte de mon pouce sur le miroir de la salle de bains. Alors, vous saurez.

— Mais Alec, je sais déjà. C’est vous qui ne le croyez pas. C’est à vous de comparer les deux empreintes.

— Bien…

La contre-proposition de Margrethe était raisonnable et j’ai accepté.

Je suis allé prendre le permis de conduire de Graham dans le tiroir, puis j’ai frotté mon pouce sur mon nez, l’huile naturelle étant tellement supérieure au tampon encreur, avant de le presser sur le miroir. Je me suis aperçu que je ne parvenais pas très bien à lire l’empreinte, aussi j’ai versé un peu de talc au creux de ma paume pour en souffler sur le miroir.

C’était pire. La poudre dont les détectives se servent pour relever les empreintes doit être plus fine que du talc. Ou alors je ne savais pas m’y prendre. J’ai appuyé mon pouce encore une fois, sans poudre, puis j’ai examiné les deux empreintes, mon pouce droit, et l’empreinte portée sur le permis de conduire de Graham. J’ai vérifié que l’empreinte était bien mentionnée comme étant celle du pouce droit.

— Margrethe ! Voulez-vous revenir, je vous prie ? (Elle m’a rejoint dans la salle de bains.) Regardez ça. Ces quatre empreintes, ou plutôt ces trois empreintes et mon pouce. Dans chaque cas, nous avons fondamentalement une arche, mais c’est le cas pour la moitié des empreintes dans le monde. Je suis prêt à parier que vos propres empreintes ont une forme d’arche. Honnêtement, pouvez-vous dire si oui ou non l’empreinte de ce permis a été faite par ce pouce-ci ? Ou par mon pouce gauche. Car ils auraient pu se tromper.

— Mais non, Alec. Je n’ai aucun talent pour ça.

— Ma foi… je crois que même un expert ne pourrait se prononcer avec cette lumière. Il va falloir remettre ça au matin. Nous aurons besoin de la lumière du soleil sur le pont. Et aussi de papier blanc, lisse, d’un tampon encreur et d’une loupe… Je suis sûr que M. Henderson a les trois. Demain, ça ira ?