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Je lui ai aussi sélectionné, dans Isaïe, Daniel et ailleurs, les prophéties de l’Ancien Testament qui pouvaient être mises en parallèle avec celles du Nouveau Testament.

Je lui ai tendu la liste que j’avais établie en lui demandant d’étudier toutes ces prophéties avec soin et, s’il rencontrait quelque difficulté, de les relire, et même d’en appeler à Dieu : Demandez, et il vous sera donné. Cherchez, et vous trouverez.

— Alec, m’a-t-il dit, je suis d’accord sur un point. Les informations, depuis plusieurs mois, m’ont fait penser à Armageddon. C’est comme si c’était pour demain soir. En tout cas, oui, il se peut que ce soit la fin du monde et le jugement dernier, parce qu’il ne restera plus grand-chose à sauver. (Il avait l’air triste.) Je me suis souvent demandé dans quel genre de monde Sybil allait grandir. A présent, je me demande si elle va grandir.

— Jerry, il faut vous y mettre. Trouver le chemin de la grâce. Conduire ensuite votre femme et votre fille. Vous n’avez pas besoin de moi mais seulement de Jésus. Il a dit : Voici, je me tiens à la porte et je frappe ; si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, j’entrerai chez lui, je souperai avec lui et lui avec moi. C’est dans l’Apocalypse, chapitre 3, verset 20.

— Et vous y croyez ?

— Oui, j’y crois.

— Alec, j’aimerais vous suivre dans cette croyance. Ce serait pour moi un réconfort, le monde étant ce qu’il est devenu aujourd’hui. Mais je ne vois aucune preuve évidente dans les rêves de tous ces prophètes morts depuis longtemps. Je n’y lis rien. La théologie n’est d’aucun secours. C’est comme de chercher à minuit dans une cave un chat noir qui n’y est plus. Les théologiens arrivent à se persuader de n’importe quoi. Dans ma religion aussi, cela se passe comme ça… mais, au moins, elle est panthéiste, honnête. Quelqu’un capable d’adorer une trinité et de prétendre que sa religion est monothéiste peut croire n’importe quoi : il suffit de lui donner le temps de rationaliser tout cela. Je m’excuse d’être aussi carré.

— Jerry, dans la religion, c’est souvent nécessaire.

Mais je sais que mon rédempteur est vivant, Et qu’il se lèvera le dernier sur la terre.

C’est dans Job, chapitre 19, verset 25. C’est Lui votre rédempteur, Jerry. Je prie pour que vous Le trouviez.

— Je n’ai pas beaucoup de chance, je le crains, a dit Jerry en se levant.

— Vous ne L’avez pas encore trouvé. Mais n’abandonnez pas. Je prierai pour vous.

— Merci, et merci pour tout. Comment vont les chaussures ?

— Plutôt bien. Je m’y sens à l’aise.

— Si vous tenez vraiment à reprendre la route demain, il vaut mieux que vous ayez des chaussures qui ne vous donnent pas d’ampoules avant d’arriver au Kansas. Vous êtes certain qu’elles vous vont ?

— Sûr et certain. Et je suis aussi sûr qu’il nous faut partir. Si nous restions un jour de plus, nous n’aurions plus envie de continuer. (La vérité, que je ne pouvais lui dire, est que j’avais été tellement effrayé par la sorcellerie et le culte du feu que j’avais envie de partir sans perdre un instant. Mais je ne pouvais rien lui confier.)

— Alors, laissez-moi vous montrer votre chambre. Nous allons faire doucement, parce que Margie doit déjà dormir. A moins que nos douces compagnes ne se soient couchées plus tard que nous ne le pensions.

A la porte de la chambre, il leva la main et me dit :

— Si vous avez raison et si je me trompe, il est possible que même vous passiez à côté.

— C’est vrai. Je ne suis pas en état de grâce. Pas maintenant. Il faut que je m’y attache.

— Eh bien, bonne chance. Mais si jamais vous passez à côté, faites-moi signe en enfer, voulez-vous ?

Je pense qu’il devait être sérieux.

— J’ignore si c’est permis.

— Vous vous occuperez de ça. Et moi aussi. Je vous en fais la promesse. (Il me sourit.) Je vous promets une réception infernale, en tout cas. Disons que vous serez chaleureusement reçu !

Je lui ai souri en réponse.

— Enfer conclu !

Une fois encore, j’ai retrouvé ma belle endormie tout habillée. Je lui ai souri et, sans faire le moindre bruit, je me suis étendu près d’elle et j’ai pris sa tête pour la poser sur mon épaule. Je voulais qu’elle se réveille doucement, alors je pourrais la déshabiller et la mettre vraiment au lit. Entre-temps, j’avais mille problèmes auxquels je devais réfléchir : disons, quelques centaines.

Et puis, je me suis aperçu qu’il faisait jour. Et que le lit était tout bosselé et me grattait le dos. La lumière a augmenté rapidement et c’est alors que j’ai vu que nous étions étendus sur des bottes de foin, dans une grange.

19

Achab dit à Elie : m’as-tu trouvé, mon ennemi ? Et il répondit : je t’ai trouvé, parce que tu t’es vendu pour faire ce qui est mal aux yeux de l’Eternel.

Premier Livre des Rois, 21:20

Nous avons parcouru les derniers deux cents kilomètres entre Clinton et Oklahoma City sur la 66 à toute allure, sans nous soucier du fait que nous étions à nouveau sans un sou, que nous n’avions rien à manger et que nous ne savions où dormir.

Nous avions vu un dirigeable.

Bien entendu, cela changeait tout. Depuis des mois, je n’étais rien, je ne venais de nulle part, j’étais sans le sou, je ne savais plus que laver la vaisselle et, en fait, j’étais devenu un clochard. Mais si j’étais de retour dans mon monde à moi, cela signifiait un emploi bien payé, une position respectée au sein de la société, un compte en banque bien alimenté. Et la fin de ce jeu de ping-pong entre les mondes.

C’était le milieu de la matinée et nous arrivions à Clinton avec un fermier qui venait faire une livraison en ville. J’ai entendu Margrethe pousser une exclamation étouffée. J’ai suivi son regard… et j’ai vu le dirigeable. Long, argenté, magnifique. Je ne suis pas parvenu à lire son nom mais le logo était celui des Eastern Airlines.

— C’est le Dallas-Denver express, a remarqué notre hôte en extrayant une montre de sa salopette. Il a six minutes de retard. Ce n’est pas normal.

J’ai maîtrisé mon excitation.

— Vous avez un aéroport à Clinton ?

— Oh non ! Le plus proche est à Oklahoma City. Vous voulez arrêter le stop et prendre par la voie des airs ?

— Ça nous plairait.

— Ça, je vous crois. C’est mieux que de cultiver la terre.

J’ai maintenu la conversation au niveau des banalités jusqu’au moment où il nous a déposés près du marché, quelques minutes plus tard. Mais, dès que nous nous sommes retrouvés seuls, Margrethe et moi, je n’ai plus réussi à me contenir. Je me suis mis tout d’abord à l’embrasser, puis je me suis interrompu. L’Oklahoma, sur le plan de la morale, c’est un peu le Kansas : la plupart des villes sont très strictes à l’égard des démonstrations d’affection publiques.

Je me suis demandé si j’aurais du mal à me réadapter après toutes ces semaines où j’avais traversé tant de mondes dont aucun n’avait de code moral aussi roide que celui dans lequel j’avais été éduqué. J’avais pris l’habitude d’embrasser ma femme en public et aussi de me livrer à des manifestations affectueuses et innocentes dont les communautés moralistes, cependant, ne supportaient pas la vue. Il y avait cependant plus grave encore : pourrais-je éviter des ennuis à ma bien-aimée ? J’étais né dans ce monde et il se pouvait que je retrouve très vite mes habitudes… Mais Margie, elle, était toujours tendre et aimante et elle n’avait pas le sens de la honte.