– Dame! c’est à réfléchir.
– Vous voyez bien, comtesse, que M. de Choiseul est là pour une éternité; pour l’en déloger, il ne faudrait rien moins qu’un miracle.
– Oui, un miracle, répéta Jeanne.
– Et malheureusement, les hommes n’en font plus, répondit le duc.
– Oh! répliqua madame du Barry, j’en connais un qui en fait encore, moi.
– Vous connaissez un homme qui fait des miracles, comtesse?
– Ma foi, oui.
– Et vous ne m’avez pas dit cela?
– J’y pense à cette heure seulement, duc.
– Croyez-vous ce gaillard-là capable de nous tirer d’affaire?
– Je le crois capable de tout.
– Oh! oh!… Et quel miracle a-t-il opéré? Dites-moi un peu cela, comtesse, que je juge par l’échantillon.
– Duc, dit madame du Barry en se rapprochant de Richelieu et en baissant la voix malgré elle, c’est un homme qui, il y a dix ans, m’a rencontrée sur la place Louis XV et m’a dit que je serais reine de France.
– En effet, c’est miraculeux, et cet homme-là serait capable de me prédire que je mourrai premier ministre.
– N’est-ce pas?
– Oh! je n’en doute pas un seul instant. Comment l’appelez-vous?
– Son nom ne vous apprendra rien.
– Où est-il?
– Ah! voilà ce que j’ignore.
– Il ne vous a pas donné son adresse?
– Non, il devait venir lui-même chercher sa récompense.
– Que lui aviez-vous promis?
– Tout ce qu’il me demanderait.
– Et il n’est pas venu?
– Non.
– Comtesse! voilà qui est plus miraculeux que sa prédiction. Décidément, il nous faut cet homme.
– Mais comment faire?
– Son nom, comtesse? son nom?
– Il en a deux.
– Procédons par ordre: le premier?
– Le comte de Fœnix.
– Comment, cet homme que vous m’avez montré le jour de votre présentation?
– Justement.
– Ce Prussien?
– Ce Prussien.
– Oh! je n’ai plus de confiance. Tous les sorciers que j’ai connus avaient des noms qui finissaient en i ou en o.
– Cela tombe à merveille, duc; son second nom finit à votre guise.
– Comment s’appelle-t-il?
– Joseph Balsamo.
– Enfin, n’auriez-vous aucun moyen de le retrouver?
– J’y vais rêver, duc. Je crois que je sais quelqu’un qui le connaît.
– Bon! Mais hâtez-vous, comtesse. Voici les trois quarts avant une heure.
– Je suis prête. Mon carrosse!
Dix minutes après, madame du Barry et M. le duc de Richelieu couraient côte à côte à la rencontre de la chasse.
Fin de la deuxième partie.