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– Ma foi! dit Jean, j’ai couru toute la nuit et toute la matinée.

– Quand je le disais… Oh! qui me servira mieux que l’on ne me sert? Qui me dira ce que cette fille est devenue, où elle est?

– Où elle est? demanda Jean.

– Oui.

– À Paris, pardieu!

– À Paris?… Mais où cela, à Paris?

– Rue Coq-Héron.

– Qui vous l’a dit?

– Le cocher de sa voiture, que j’attendais aux écuries et que j’ai interrogé.

– Et il vous a dit?

– Qu’il venait de conduire tous les Taverney dans un petit hôtel de la rue Coq-Héron, situé dans un jardin et attenant à l’hôtel d’Armenonville.

– Ah! Jean, Jean, s’écria la comtesse, voilà qui me raccommode avec vous, mon ami; mais ce sont des détails qu’il nous faudrait. Comment vit-elle, qui voit-elle? Que fait-elle? Reçoit-elle des lettres? Voilà ce qu’il est important de savoir.

– Eh bien, on le saura.

– Et comment?

– Ah! voilà: comment? J’ai cherché, moi; cherchez un peu à votre tour.

– Rue Coq-Héron? dit vivement Chon.

– Rue Coq-Héron, répéta flegmatiquement Jean.

– Eh bien, rue Coq-Héron, il doit y avoir des appartements à louer.

– Oh! excellente idée! s’écria la comtesse. Il faut vite courir rue Coq-Héron, Jean, louer une maison. On y cachera quelqu’un; ce quelqu’un verra entrer, verra sortir, verra manœuvrer. Vite, vite, la voiture! et allons rue Coq-Héron.

– Inutile, il n’y a pas d’appartements à louer rue Coq-Héron.

– Et comment savez-vous cela?

– Je m’en suis informé, parbleu! mais il y en a…

– Où cela? Voyons.

– Rue Plâtrière.

– Qu’est-ce que cela, rue Plâtrière?

– Qu’est-ce que c’est que la rue Plâtrière?

– Oui.

– C’est une rue dont les derrières donnent sur les jardins de la rue Coq Héron.

– Eh bien, vite, vite! dit la comtesse, louons un appartement rue Plâtrière.

– Il est loué, dit Jean.

– Homme admirable! s’écria la comtesse. Tiens, embrasse-moi, Jean.

Jean s’essuya la bouche, embrassa madame du Barry sur les deux joues, et lui fit une cérémonieuse révérence en signe de remerciement de l’honneur qu’il venait de recevoir.

– C’est bien heureux! dit Jean.

– On ne vous a pas reconnu, surtout?

– Qui diable voulez-vous qui me reconnaisse, rue Plâtrière?

– Et vous avez loué?…

– Un petit appartement dans une maison borgne.

– On a dû vous demander pour qui?

– Sans doute.

– Et qu’avez-vous répondu?

– Pour une jeune veuve. Es-tu veuve, Chon?

– Parbleu! dit Chon.

– À merveille, dit la comtesse; c’est Chon qui s’installera dans l’appartement; c’est Chon qui guettera, qui surveillera; mais il ne faut pas perdre de temps.

– Aussi vais-je partir tout de suite, dit Chon. Les chevaux! les chevaux!

– Les chevaux! cria madame du Barry en sonnant de façon à réveiller le palais tout entier de la Belle au Bois dormant.

Jean et la comtesse savaient à quoi s’en tenir sur le compte d’Andrée.

Elle avait, rien qu’en paraissant, éveillé l’attention du roi: donc, Andrée était dangereuse.

– Cette fille, dit la comtesse tandis qu’on attelait, ne serait pas une vraie provinciale, si, de son pigeonnier, elle n’avait amené à Paris quelque amoureux transi; découvrons cet amoureux, et vite un mariage! Rien ne refroidira le roi comme un mariage entre amoureux de province.

– Diable! au contraire, fit Jean; défions-nous. C’est pour Sa Majesté très chrétienne, et vous le savez mieux que personne, comtesse, un morceau très friand qu’une jeune mariée; mais une fille ayant un amant contrarierait bien davantage Sa Majesté.

«Le carrosse est prêt», dit-il.

Chon s’élança, après avoir serré la main de Jean, après avoir embrassé sa sœur.

– Et Jean, pourquoi ne l’emmenez-vous pas? dit la comtesse.

– Non pas, j’irai de mon côté, répondit Jean. Attends-moi rue Plâtrière, Chon. Je serai la première visite que tu recevras dans ton nouveau logement.

Chon partit, Jean se remit à table et avala une troisième tasse de chocolat.

Chon toucha d’abord à l’hôtel de famille, changea d’habit et s’étudia à prendre des airs bourgeois. Puis, lorsqu’elle fut contente d’elle, elle enveloppa d’un maigre mantelet de soie noire ses épaules aristocratiques, fit avancer une chaise à porteurs, et, une demi-heure après, elle montait avec mademoiselle Sylvie un raide escalier conduisant à un quatrième étage.

C’était à ce quatrième étage qu’était situé ce bienheureux logement retenu par le vicomte.

Comme elle arrivait au palier du second étage, Chon se retourna; quelqu’un la suivait.

C’était la vieille propriétaire, habitant le premier, qui avait entendu du bruit, qui était sortie et qui se trouvait fort intriguée de voir deux femmes si jeunes et si jolies entrer dans sa maison.

Elle leva sa tête renfrognée et aperçut deux têtes rieuses.

– Holà, mesdames, dit-elle, holà! que venez-vous chercher ici?

– Le logement que mon frère a dû louer pour nous, madame, dit Chon en prenant son air de veuve; ne l’avez-vous pas vu, ou nous serions-nous trompées de maison?

– Non, non, c’est bien au quatrième, dit la vieille propriétaire. Ah! pauvre jeune femme, veuve à votre âge!

– Hélas! dit Chon en levant les yeux au ciel.

– Mais vous serez très bien rue Plâtrière; c’est une rue charmante; vous n’entendrez pas de bruit, votre appartement donne sur les jardins.

– C’est ce que j’ai désiré, madame.

– Cependant, par le corridor, vous pourrez voir dans la rue quand passeront les processions et quand joueront les chiens savants.

– Ah! ça me sera une grande distraction, madame, soupira Chon.

Et elle continua de monter.

La vieille propriétaire la suivit des yeux jusqu’au quatrième étage, et, quand Chon eut refermé sa porte:

– Elle a l’air d’une honnête personne, dit-elle.

La porte refermée, Chon courut aussitôt aux fenêtres donnant sur le jardin.