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Puis, baissant la voix:

Djrid! Djrid! murmura-t-elle.

Lanimal connaissait sans doute cette voix pour tre celle de sa matresse, car il allongea sa tte intelligente et ses naseaux fumants du ct du cabriolet.

Pendant ce temps le jeune homme le dtachait.

Mais peine eut-il senti sa longe aux mains inhabiles qui la tenaient, que dune violente secousse il se fit libre et dun seul bond se trouva vingt pas de la voiture.

Djrid! rpta la femme de sa voix la plus caressante, ici, Djrid! ici!

Larabe secoua sa belle tte, aspira lair bruyamment, et, tout en piaffant, comme sil et suivi une mesure musicale, il se rapprocha du cabriolet.

La femme sortit moiti son corps des rideaux de cuir.

Viens ici, Djrid, viens! dit-elle.

Et lanimal, obissant, vint prsenter sa tte la main qui savanait pour le flatter.

Alors, de cette main effile, saisissant la crinire du cheval, et sappuyant de lautre sur le tablier du cabriolet, la jeune femme sauta en selle avec la lgret de ces fantmes des ballades allemandes qui bondissent sur la croupe des chevaux et se cramponnent aux ceintures des voyageurs.

Le jeune homme slana vers elle; mais, dun geste imprieux de la main, elle larrta.

coutez, lui dit-elle, quoique jeune, ou plutt parce que vous tes jeune, vous devez avoir des sentiments dhumanit. Ne vous opposez pas mon dpart. Je fuis un homme que jaime, mais avant toute chose je suis Romaine et bonne catholique. Or, cet homme perdrait mon me si je restais plus longtemps avec lui; cest un athe et un ncromancien, que Dieu vient davertir par la voix de son tonnerre. Puisse-t-il profiter de lavertissement! Dites-lui ce que je viens de vous dire et soyez bni pour laide que vous mavez donne. Adieu!

Et, ce mot, lgre comme ces vapeurs qui flottent au-dessus des marais, elle sloigna et disparut, emporte par le galop de Djrid.

Le jeune homme, en la voyant fuir, ne put retenir un cri de surprise et dtonnement.

Ctait ce cri qui avait retenti jusque dans lintrieur de la voiture, et qui avait donn lveil au voyageur.

Chapitre 4. Gilbert

Ctait ce cri, avons-nous dit, qui avait donn lveil au voyageur.

Il sortit prcipitamment de la caisse, quil referma avec soin, et jeta avec inquitude les yeux autour de lui.

La premire chose quil aperut fut le jeune homme debout et effar. Un clair qui apparut en mme temps lui permit de lexaminer des pieds la tte, examen qui paraissait tre habituel au voyageur lorsquun personnage nouveau ou une chose nouvelle frappait son regard.

Ctait un enfant de seize dix-sept ans peine, petit, maigre et nerveux; ses yeux noirs, quil fixait hardiment sur lobjet qui appelait son attention, manquaient de douceur, mais non de charme; son nez mince et recourb, sa lvre fine et ses pommettes saillantes annonaient lastuce et la circonspection, tandis que la rsolution se rvlait en lui par la prominence vigoureuse dun menton arrondi.

Est-ce vous qui avez cri tout lheure? lui demanda-t-il.

Oui, monsieur, cest moi, rpondit le jeune homme.

Et pourquoi avez-vous cri?

Parce que

Le jeune homme sarrta irrsolu.

Parce que? rpta le voyageur.

Monsieur, dit le jeune homme, il y avait une dame dans le cabriolet?

Oui.

Et les yeux de Balsamo se portrent sur la caisse, comme sils eussent voulu percer lpaisseur des parois.

Il y avait un cheval attach aux ressorts de la voiture?

Oui; mais o diable est-il?

Monsieur, la dame du cabriolet est partie sur le cheval qui tait attach aux ressorts.

Le voyageur ne poussa pas une exclamation, ne pronona point un mot; il bondit vers le cabriolet, tira les rideaux de cuir: un clair qui incendiait le ciel en ce moment lui montra que le cabriolet tait vide.

Sang du Christ! scria-t-il avec un rugissement pareil au coup de tonnerre qui lui servait daccompagnement.

Puis il regarda autour de lui comme pour chercher quelque moyen de se mettre sa poursuite; mais il reconnut bientt linsuffisance de ces moyens.

Essayer de rejoindre Djrid, reprit-il en secouant la tte, avec un de ces chevaux-l, autant vaudrait envoyer la tortue la poursuite de la gazelle Mais je saurai toujours o elle est, moins que

Il porta vivement et avec anxit la main la poche de sa veste, en tira un petit portefeuille et louvrit. Dans une des poches de ce portefeuille tait un papier pli, et dans le papier une boucle de cheveux noirs.

la vue de ces cheveux, la figure du voyageur se rassrna, et tout son tre se calma, du moins en apparence.

Allons, dit-il en passant sur son front une main qui ruissela aussitt de sueur, allons, cest bien; et elle ne vous a rien dit en partant?

Si fait, monsieur.

Que vous a-t-elle dit?

De vous annoncer quelle ne vous quittait point par haine, mais par crainte; quelle tait une digne chrtienne tandis que vous, au contraire

Le jeune homme hsita.

Tandis que moi, au contraire? rpta le voyageur.

Je ne sais si je dois vous redire? fit le jeune homme.

Eh! redites, parbleu!

Tandis que vous, au contraire, tiez un athe et un mcrant, qui Dieu avait bien voulu donner ce soir un dernier avertissement; quelle lavait compris, elle, cet avertissement de Dieu, et quelle vous invitait le comprendre.

Et cest tout ce quelle vous a dit? demanda-t-il.

Cest tout.

Bien; alors parlons dautre chose.

Et les dernires traces dinquitude et de mcontentement parurent senvoler du front du voyageur.

Le jeune homme regardait tous ces mouvements du cur reflts sur le visage, avec une curiosit indiquant que lui aussi tait dou dune certaine dose dobservation.

Maintenant, dit le voyageur, comment vous nommez-vous, mon jeune ami?

Gilbert, monsieur.

Gilbert, tout court? Mais cest un nom de baptme, ce me semble.

Cest mon nom de famille, moi.

Eh bien! mon cher Gilbert, cest la Providence qui vous place sur mon chemin pour me tirer dembarras.

vos ordres, monsieur, et tout ce que je pourrai faire

Vous le ferez, merci. Oui, votre ge, on oblige pour le plaisir dobliger, je sais cela; dailleurs, ce que je vais vous demander nest pas bien difficile, cest purement et simplement de mindiquer un abri pour cette nuit.

Il y a dabord cette roche, dit Gilbert, sous laquelle je mtais mis couvert de lorage.

Oui, dit le voyageur; mais jaimerais mieux quelque chose comme une maison o je trouverais un bon souper et un bon lit.

Cela, cest plus difficile.

Sommes-nous donc bien loigns du premier village?

De Pierrefitte?

Cest Pierrefitte quil sappelle?

Oui, monsieur; nous en sommes loigns dune lieue et demie peu prs.

Une lieue et demie par cette nuit, par ce temps, avec ces deux chevaux seulement, nous en aurions pour deux heures. Voyons, mon ami, cherchez bien, ny a-t-il donc aux environs dici aucune habitation?

Il y a le chteau de Taverney, qui est trois cents pas au plus.

Eh bien! alors, fit le voyageur.

Quoi, monsieur? demanda le jeune homme en ouvrant de grands yeux.

Que ne disiez-vous cela tout de suite!

Mais le chteau de Taverney nest pas une auberge.

Est-il habit?

Sans doute.

Par qui?

Mais par le baron de Taverney.

Quest-ce que cest que le baron de Taverney?

Cest le pre de mademoiselle Andre, monsieur.

Cela me fait grand plaisir savoir, dit en souriant le voyageur; mais je vous demandais quelle espce dhomme est le baron.

Monsieur, cest un vieux seigneur de soixante soixante-cinq ans, qui a t riche autrefois, ce quon dit.

Oui, et qui est pauvre maintenant; cest leur histoire tous. Mon ami, conduisez-moi chez le baron de Taverney, je vous prie.

Chez le baron de Taverney? scria le jeune homme presque effray.