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Ntaient-ce pas, en effet, dhorribles prsages que ceux qui laccompagnaient en France! Cette chambre o elle stait arrte Strasbourg, la premire o elle et mis le pied sur ce sol o elle devait tre reine, et dont la tenture tait faite dune tapisserie reprsentant le massacre des Innocents; cet orage qui la veille avait bris un arbre prs de sa voiture, et enfin ces prdictions faites par un homme si extraordinaire, prdictions suivies de la mystrieuse apparition dont la dauphine paraissait dcide ne rvler le secret personne!

Au bout de dix minutes peu prs, Andre revint. Son retour avait pour but dannoncer que la chambre tait prte. On ne jugea point que la dfense de la dauphine ft pour elle, et Andre put pntrer sous le berceau.

Elle demeura pendant quelques instants debout devant la princesse, nosant parler, tant Son Altesse royale paraissait plonge dans une profonde rverie.

Enfin Marie-Antoinette leva la tte et fit en souriant Andre un signe de la main.

La chambre de Son Altesse est prte, dit celle-ci; nous la supplions seulement

La dauphine ne laissa point la jeune fille achever.

Grand merci, mademoiselle, dit-elle. Appelez, je vous prie, la comtesse de Langershausen, et nous servez de guide.

Andre obit; la vieille dame dhonneur savana empresse.

Donnez-moi le bras, ma bonne Brigitte, dit la dauphine en allemand, car, en vrit, je ne me sens pas la force de marcher seule.

La comtesse obit. Andre fit un mouvement pour la seconder.

Entendez-vous donc lallemand, mademoiselle? demanda Marie Antoinette.

Oui, madame, rpondit en allemand Andre, et mme je le parle un peu.

Admirablement! scria la dauphine avec joie. Oh! cela saccorde bien avec mes projets!

Andre nosa demander son auguste htesse quels taient ces projets, malgr le dsir quelle et eu de les connatre.

La dauphine sappuya sur le bras de madame de Langershausen et savana petits pas. Ses genoux semblaient se drober sous elle.

Comme elle sortait du massif, elle entendit la voix de M. de Rohan qui disait:

Comment! monsieur de Stainville, vous prtendez parler Son Altesse royale malgr la consigne?

Il le faut, rpondit dune voix ferme le gouverneur, et elle me pardonnera, jen suis bien certain.

En vrit, monsieur, je ne sais si je dois

Laissez avancer notre gouverneur, monsieur de Rohan, dit la dauphine en apparaissant au milieu de louverture du massif comme sous un arc de verdure; venez, monsieur de Stainville.

Chacun sinclina devant le commandement de Marie-Antoinette, et lon scarta pour laisser passer le beau-frre du ministre tout-puissant qui gouvernait alors la France.

M. de Stainville regarda autour de lui comme pour rclamer le secret. Marie-Antoinette comprit que le gouverneur avait quelque chose lui dire en particulier; mais, avant quelle et mme tmoign le dsir dtre seule, chacun stait loign.

Dpche de Versailles, madame, dit demi-voix M. de Stainville en prsentant la dauphine une lettre quil avait tenue cache jusque-l sous son chapeau brod.

La dauphine prit la lettre et lut sur lenveloppe:

Monsieur le baron de Stainville, gouverneur de Strasbourg.

La lettre nest point pour moi, mais pour vous, monsieur, dit-elle; dcachetez-la et lisez-la moi, si toutefois elle contient quelque chose qui mintresse.

La lettre est mon adresse, en effet, madame; mais dans ce coin, voyez, est le signe convenu avec mon frre M. de Choiseul, indiquant que la lettre est pour Votre Altesse seule.

Ah! cest vrai, une croix, je ne lavais pas vue: donnez.

La princesse ouvrit la lettre et lut les lignes suivantes:

La prsentation de madame du Barry est dcide, si elle trouve une marraine. Nous esprons encore quelle nen trouvera point. Mais le moyen le plus sr de couper court cette prsentation serait que Son Altesse royale madame la dauphine se htt. Une fois Son Altesse royale madame la dauphine Versailles, personne nosera plus proposer une pareille normit.

Fort bien! dit la dauphine, non seulement sans laisser paratre la moindre motion, mais encore sans que cette lecture et paru lui inspirer le plus petit intrt.

Votre Altesse royale va se reposer? demanda timidement Andre.

Non, merci, mademoiselle, dit larchiduchesse. Lair vif ma ranime; voyez comme je suis forte et bien dispose maintenant.

Elle repoussa le bras de la comtesse et fit quelques pas avec la mme rapidit et la mme force que sil ne ft rien arriv.

Mes chevaux! dit-elle; je pars.

M. de Rohan regarda tout tonn M. de Stainville, comme pour lui demander lexplication de ce changement subit.

M. le dauphin simpatiente, rpondit le gouverneur loreille du cardinal.

Le mensonge avait t gliss avec tant dadresse, que M. de Rohan le prit pour une indiscrtion et sen contenta.

Quant Andre, son pre lavait habitue respecter tout caprice de tte couronne; elle ne fut donc pas surprise de cette contradiction de Marie-Antoinette; aussi celle-ci se retournant vers elle et ne voyant sur son visage que lexpression dune ineffable douceur:

Merci, mademoiselle, dit-elle, votre hospitalit ma vivement touche.

Puis, sadressant au baron:

Monsieur, dit-elle, vous saurez quen partant de Vienne jai fait le vu de faire la fortune du premier Franais que je rencontrerais en touchant aux frontires de France. Ce Franais, cest votre fils Mais il ne sera point dit que je marrterai l, et que mademoiselle Comment nomme-t-on votre fille, monsieur?

Andre, Votre Altesse.

Et que mademoiselle Andre sera oublie

Oh! Votre Altesse! murmura la jeune fille.

Oui, jen veux faire une demoiselle dhonneur; nous sommes en tat de faire nos preuves, nest-ce pas, monsieur? continua la dauphine en se tournant vers Taverney.

Oh! Votre Altesse, scria le baron, dont cette parole ralisait tous les rves, nous ne sommes point inquiets de ce ct-l, car nous avons plus de noblesse que de richesse cependant une si haute fortune

Elle vous est bien due Le frre dfendra le roi aux armes, la sur servira la dauphine chez elle; le pre donnera au fils des conseils de loyaut, la fille des conseils de vertu Dignes serviteurs que jaurai l, nest-ce pas, monsieur? continua Marie-Antoinette en sadressant au jeune homme, qui ne put que sagenouiller, et sur les lvres duquel lmotion fit expirer la voix.

Mais, murmura le baron, auquel revint le premier la facult de rflchir.

Oui, je comprends, dit la dauphine, vous avez des prparatifs faire, nest-ce pas?

Sans doute, madame, rpondit Taverney.

Jadmets cela; cependant ces prparatifs ne peuvent tre bien longs.

Un sourire triste qui passa sur les lvres dAndre et de Philippe, tout en se dessinant amer sur celles du baron, larrta dans cette voie, qui devenait cruelle pour lamour-propre des Taverney.

Non, sans doute, si jen juge par votre dsir de me plaire, ajouta la dauphine. Dailleurs, attendez, je vous laisserai ici un de mes carrosses, il vous conduira ma suite. Voyons, monsieur le gouverneur, venez mon aide.

Le gouverneur sapprocha.

Je laisse un carrosse M. de Taverney, que jemmne Paris avec mademoiselle Andre, dit la dauphine. Nommez quelquun pour accompagner ce carrosse et le faire reconnatre comme tant des miens.

linstant mme, madame, rpondit le baron de Stainville. Avancez, monsieur de Beausire.

Un jeune homme de vingt-quatre vingt-cinq ans, la dmarche assure, lil vif et intelligent sortit des rangs de lescorte et savana le chapeau la main.

Vous garderez un carrosse pour M. de Taverney, dit le gouverneur, et vous accompagnerez le carrosse.

Veillez ce quils nous rejoignent bientt, dit la dauphine; je vous autorise doubler, sil le faut, les relais.

Le baron et ses enfants se confondirent en actions de grces.

Ce brusque dpart ne vous fait point trop de peine, nest-ce pas, monsieur? demanda la dauphine.