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Jean tait en train de trpigner sur un cabaret de porcelaine de Svres que la basque de son habit avait accroch, tandis quil vitait la chute dune grosse potiche japonaise quil avait apostrophe dun coup de poing.

On entendit doucement, discrtement, modestement frapper trois coups la porte.

Il se fit un grand silence. Chacun tait dans une telle attente, que personne nosait demander qui tait l.

Pardon, dit une voix inconnue, mais je dsirerais parler madame la comtesse du Barry.

Mais, monsieur, on nentre point comme cela, cria le suisse, qui avait couru aprs ltranger pour lempcher de pntrer plus avant.

Un instant, un instant, dit du Barry, il ne peut pas nous arriver pis que ce qui nous arrive. Que lui voulez-vous, la comtesse?

Et Jean ouvrit la porte dune main qui et enfonc les portes de Gaza.

Ltranger esquiva le choc par un bond en arrire, et, retombant la troisime position:

Monsieur, dit-il, je voulais offrir mes services madame la comtesse du Barry, qui est, je crois, de crmonie.

Et quels services, monsieur?

Ceux de ma profession.

Quelle est votre profession?

Je suis coiffeur.

Et ltranger fit une seconde rvrence.

Ah! scria Jean en sautant au cou du jeune homme. Ah! vous tes coiffeur. Entrez, mon ami, entrez!

Venez, mon cher monsieur, venez, dit Chon saisissant bras-le-corps le jeune homme perdu.

Un coiffeur! scria madame du Barry en levant les mains au ciel. Un coiffeur! Mais cest un ange. tes-vous envoy par Lubin, monsieur?

Je ne suis envoy par personne. Jai lu dans une gazette que madame la comtesse tait prsente ce soir, et je me suis dit: Tiens, si par hasard madame la comtesse navait pas de coiffeur, ce nest pas probable, mais cest possible, et je suis venu.

Comment vous nommez-vous? dit la comtesse un peu refroidie.

Lonard, madame.

Lonard! vous ntes pas connu.

Pas encore. Mais si madame accepte mes services, je le serai demain.

Hum! hum! fit Jean, cest quil y a coiffer et coiffer.

Si madame se dfie trop de moi, dit-il, je me retirerai.

Cest que nous navons pas le temps dessayer, dit Chon.

Et pourquoi essayer? scria le jeune homme dans un moment denthousiasme et aprs avoir fait le tour de madame du Barry. Je sais bien quil faut que madame attire tous les yeux par sa coiffure. Aussi, depuis que je contemple madame, ai-je invent un tour qui fera, jen suis certain, le plus merveilleux effet.

Et le jeune homme fit de la main un geste plein de confiance en lui-mme, qui commena branler la comtesse et faire rentrer lespoir dans le cur de Chon et de Jean.

Ah! vraiment! dit la comtesse merveille de laisance du jeune homme, qui prenait des poses de hanches comme aurait pu le faire le grand Lubin lui-mme.

Mais, avant tout, il faudrait que je visse la robe de madame pour harmonier les ornements.

Oh! ma robe! scria madame du Barry, rappele la terrible ralit, ma pauvre robe!

Jean se frappa le front.

Ah! cest vrai! dit-il. Monsieur, imaginez-vous un guet-apens odieux! On la vole! robe, couturire, tout! Chon! ma bonne Chon!

Et du Barry, las de sarracher les cheveux, se mit sangloter.

Si tu retournais chez elle, Chon? dit la comtesse.

quoi bon, dit Chon, puisquelle tait partie pour venir ici?

Hlas! murmura la comtesse en se renversant sur son fauteuil, hlas! quoi me sert un coiffeur, si je nai pas de robe?

En ce moment, la cloche de la porte retentit. Le suisse, de peur quon ne sintroduist encore, comme on venait de le faire, avait ferm tous les battants, et derrire tous les battants, pouss tous les verrous.

On sonne, dit madame du Barry.

Chon slana aux fentres.

Un carton! scria-t-elle.

Un carton! rpta la comtesse. Entre-t-il?

Oui Non Si On le remet au suisse.

Courez, Jean, courez, au nom du ciel.

Jean se prcipita par les montes, devana tous les laquais, arracha le carton des mains du suisse.

Chon le regardait travers les vitres.

Il ouvrit le couvercle du carton, plongea la main dans ses profondeurs et poussa un hurlement de joie.

Il renfermait une admirable robe de satin de Chine avec des fleurs dcoupes et toute une garniture de dentelles dun prix immense.

Une robe! une robe! cria Chon en battant des mains.

Une robe! rpta madame du Barry, prs de succomber la joie, comme elle avait failli succomber la douleur.

Qui ta remis cela, maroufle? demanda Jean au suisse.

Une femme, monsieur.

Mais quelle femme?

Je ne la connais pas.

O est-elle?

Monsieur, elle a pass ce carton en travers de ma porte, ma cri: Pour madame la comtesse! est remonte dans le cabriolet qui lavait amene, et est repartie de toute la vitesse du cheval.

Allons! dit Jean, voil une robe, cest le principal!

Mais montez donc, Jean! cria Chon; ma sur pme dimpatience.

Tenez, dit Jean, regardez, voyez, admirez, voil ce que le ciel nous envoie.

Mais elle ne mira point, elle ne pourra maller, elle na pas t faite pour moi. Mon Dieu! mon Dieu! quel malheur! car enfin elle est jolie.

Chon prit rapidement une mesure.

Mme longueur, dit-elle, mme largeur de taille.

Ladmirable toffe! dit du Barry.

Cest fabuleux! dit Chon.

Cest effrayant! dit la comtesse.

Mais au contraire, dit Jean, cela prouve que, si vous avez de grands ennemis, vous avez en mme temps des amis bien dvous.

Ce ne peut tre un ami, dit Chon, car comment et-il t prvenu de ce qui se tramait contre nous? Il faut que ce soit quelque sylphe, quelque lutin.

Que ce soit le diable, scria madame du Barry peu mimporte, pourvu quil maide combattre les Grammont! il ne sera jamais aussi diable que ces gens-l!

Et maintenant, dit Jean, jy pense

Que pensez-vous?

Que vous pouvez livrer en toute confiance votre tte monsieur.

Qui vous donne cette assurance?

Pardieu! il a t prvenu par le mme ami qui nous a envoy la robe.

Moi? fit Lonard avec une surprise nave.

Allons! allons! dit Jean, comdie que cette histoire de gazette, nest-ce pas, mon cher monsieur?

Cest la vrit pure, monsieur le vicomte.

Allons, avouez, dit la comtesse.

Madame, voici la feuille dans ma poche; je lai conserve pour faire des papillotes.

Le jeune homme tira en effet de la poche de sa veste une gazette dans laquelle tait annonce la prsentation.

Allons, allons, luvre, dit Chon; voil huit heures qui sonnent.

Oh! nous avons tout le temps, dit le coiffeur; il faut une heure madame pour aller.

Oui, si nous avions une voiture, dit la comtesse.

Oh! mordieu! cest vrai, dit Jean, et cette canaille de Francian qui narrive pas!

Navons-nous pas t prvenus, dit la comtesse; ni coiffeur, ni robe, ni carrosse!

Oh! dit Chon pouvante, nous manquerait-il aussi de parole?

Non, dit Jean, non, le voil.

Et le carrosse? le carrosse? dit la comtesse.

Il sera rest la porte, dit Jean. Le suisse va ouvrir, il va ouvrir. Mais qua donc le carrossier?

En effet, presque au mme instant, matre Francian slana tout effar dans le salon.

Ah! monsieur le vicomte, scria-t-il, le carrosse de madame tait en route pour lhtel, quand, au dtour de la rue Traversire, il a t arrt par quatre hommes qui ont terrass mon premier garon qui vous lamenait, et qui, mettant les chevaux au galop, ont disparu par la rue Saint-Nicaise.

Quand je vous le disais, fit du Barry radieux, sans se lever du fauteuil o il tait assis en voyant entrer le carrossier, quand je vous le disais!