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Cela mest arriv effectivement.

Eh bien! monseigneur, voici une pierre et de lacide.

Non, je suis convaincu.

Monseigneur, faites-moi le plaisir de vous assurer que ces lingots sont non seulement de lor, mais encore de lor sans alliage.

Le cardinal paraissait rpugner donner cette preuve dincrdulit; et cependant il tait visible quil ntait point convaincu.

Balsamo toucha lui-mme les lingots et soumit le rsultat lexprience de son hte.

Vingt-huit carats, dit-il; je vais verser les deux autres.

Dix minutes aprs, les deux cents livres dor taient tales en quatre lingots sur ltoupe chauffe par le contact.

Votre minence est venue en carrosse, nest-ce pas? Du moins, cest en carrosse que je lai vue venir.

Oui.

Monseigneur fera approcher son carrosse de la porte, et mon laquais portera les lingots dans son carrosse.

Cent mille cus! murmura le cardinal en tant son masque, comme pour voir par ses propres yeux lor gisant ses pieds.

Et celui-l, monseigneur, vous pourrez dire do il vient, nest-ce pas? car vous lavez vu faire.

Oh! oui, et jen tmoignerai.

Non pas, non pas, dit vivement Balsamo, on naime pas les savants en France; ne tmoignez de rien, monseigneur. Oh! si je faisais des thories au lieu de faire de lor, je ne dis pas.

Alors que puis-je faire pour vous? dit le prince en soulevant avec peine un lingot de cinquante livres dans ses mains dlicates.

Balsamo le regarda fixement, et, sans aucun respect, se mit rire.

Quy a-t-il donc de risible dans ce que je vous dis? demanda le cardinal.

Votre minence moffre ses services, je crois!

Sans doute.

En vrit, ne serait-il pas plus propos que je lui offrisse les miens?

La figure du cardinal sassombrit.

Vous mobligez, monsieur, dit-il, et cela je mempresse de le reconnatre, mais si cependant la reconnaissance que je vous garde devait tre plus lourde que je ne le crois, je naccepterais point le service. Il y a encore, Dieu merci, dans Paris assez dusuriers pour que je trouve, moiti sur gage, moiti sur ma signature, cent mille cus dici aprs-demain, et rien que mon anneau piscopal vaut quarante mille livres.

Et le prlat tendit sa main blanche comme celle dune femme, lannulaire duquel brillait un diamant gros comme une noisette.

Mon prince, dit Balsamo en sinclinant, il est impossible que vous ayez pu croire un instant mon intention de vous offenser?

Puis, comme sil se parlait lui-mme:

Il est trange, continua-t-il, que la vrit fasse cet effet quiconque sappelle prince.

Comment cela?

Eh! sans doute! Votre minence me propose ses services moi! Je vous le demande vous-mme, monseigneur, de quelle nature peuvent tre les services que Votre minence est mme de me rendre?

Mais mon crdit la cour dabord.

Monseigneur, monseigneur, vous savez vous-mme que ce crdit est bien branl, et jaimerais presque autant celui de M. de Choiseul, qui na plus que quinze jours peut-tre rester ministre Tenez, mon prince, en fait de crdit, tenons-nous en au mien. Voici de bel et bon or. Chaque fois que Votre minence en voudra, elle me le fera dire la veille ou le matin mme, et je lui en fournirai son dsir; et avec de lor, on a tout, nest-ce pas, monseigneur?

Non, pas tout, murmura le cardinal, tomb au rang de protg et ne cherchant mme plus reprendre sa position de protecteur.

Ah! cest vrai. Joubliais, dit Balsamo, que monseigneur dsire autre chose que de lor, un bien plus prcieux que toutes les richesses du monde; mais ceci ne regarde plus la science, cest du ressort de la magie. Monseigneur, dites un mot, et lalchimiste est prt faire place au magicien.

Merci, monsieur, je nai plus besoin de rien, je ne dsire plus rien, dit tristement le cardinal.

Balsamo sapprocha de lui.

Monseigneur, dit-il, un prince jeune, ardent, beau, riche, et qui sappelle Rohan, ne peut pas faire une pareille rponse un magicien.

Et pourquoi cela?

Parce que le magicien lit au fond du cur et sait le contraire.

Je ne dsire rien, je ne veux rien, monsieur, reprit le cardinal presque pouvant.

Jaurais cru, au contraire, que les dsirs de Son minence taient tels, quelle nosait se les avouer elle-mme, reconnaissant que ctaient des dsirs de roi.

Monsieur, dit le cardinal en tressaillant, vous faites allusion, je crois, quelques paroles que vous mavez dj dites chez la princesse.

Oui, je lavoue, monseigneur.

Monsieur, alors vous vous tes tromp et vous vous trompez encore maintenant.

Oubliez-vous, monseigneur, que je vois aussi clairement dans votre cur ce qui sy passe en ce moment, que jai vu clairement votre carrosse sortir des Carmlites de Saint-Denis, dpasser la barrire, prendre le boulevard et sarrter sous les arbres, cinquante pas de ma maison?

Alors expliquez-vous et dites-moi quelque chose qui me frappe.

Monseigneur, il a toujours fallu aux princes de votre maison un amour grand et hasardeux; vous ne dgnrez pas. Cest la loi.

Je ne sais ce que vous voulez dire, comte, balbutia le prince.

Au contraire, vous me comprenez merveille. Jaurais pu toucher plusieurs des cordes qui vibrent en vous; mais pourquoi linutile? Jai t droit celle quil faut attaquer; oh! celle-l vibre profondment, jen suis sr.

Le cardinal releva la tte, et, par un dernier effort de dfiance, interrogea le regard si clair et si assur de Balsamo.

Balsamo souriait avec une telle expression de supriorit, que le cardinal baissa les yeux.

Oh! vous avez raison, monseigneur, vous avez raison, ne me regardez point; car alors je vois trop clairement ce qui se passe dans votre cur; car votre cur est comme un miroir qui garderait la forme des objets quil a rflchis.

Silence, comte de Fnix; silence, dit le cardinal subjugu.

Oui, vous avez raison, silence, car le moment nest pas encore venu de laisser voir un pareil amour.

Pas encore, avez-vous dit?

Pas encore.

Cet amour a donc un avenir?

Pourquoi pas?

Et vous pourriez me dire, vous, si cet amour nest pas insens, comme je lai cru moi-mme, comme je le crois encore, comme je le croirai jusquau moment o une preuve du contraire me sera donne?

Vous demandez beaucoup, monseigneur; je ne puis rien vous dire sans tre mis en contact avec la personne qui vous inspire cet amour, ou avec quelque objet venant delle.

Et quel objet faudrait-il pour cela?

Une tresse de ses beaux cheveux dors, si petite quelle soit, par exemple.

Oh! oui vous tes un homme profond! Oui, vous lavez dit, vous lisez dans les curs comme je lirais, moi, dans un livre.

Hlas! cest ce que me disait votre pauvre arrire-grand-oncle, le chevalier Louis de Rohan, lorsque je lui fis mes adieux sur la plate-forme de la Bastille, au pied de lchafaud sur lequel il monta si courageusement.

Il vous dit cela que vous tiez un homme profond?

Et que je lisais dans les curs. Oui, car je lavais prvenu que le chevalier de Prault le trahirait, il ne voulut pas me croire, et le chevalier de Prault le trahit.

Quel singulier rapprochement faites-vous entre mon anctre et moi? dit le cardinal en plissant malgr lui.

Cest uniquement pour vous rappeler quil sagit dtre prudent, monseigneur, en vous procurant des cheveux quil vous faudra couper sous une couronne.

Nimporte o il faudra les aller prendre, vous les aurez, monsieur.

Bien, maintenant voici votre or, monseigneur; jespre que vous ne doutez plus que ce soit bien de lor.

Donnez-moi une plume et du papier.

Pour quoi faire, monseigneur?

Pour vous faire un reu des cent mille cus que vous me prtez si gracieusement.