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Avec?

Avec Cherche, voyons! Venez ici, Nicole.

Nicole savana; elle avait, en vraie Marton, cout aux portes.

Le duc la prit par les deux mains, et enferma dans les siens les genoux de la jeune fille, que cet impertinent regard de grand seigneur et de dbauch nintimida point et ne gna pas une seconde.

Oui, dit-il, oui, elle a une ressemblance, cest vrai.

Tu sais avec qui, et tu vois, par consquent, quil est impossible dexposer la faveur de notre maison une pareille maladresse du hasard. Est-il bien agrable que ce petit bas mal ravaud de mademoiselle Nicole ressemble la plus illustre dame de France?

Oh! oh! repartit aigrement Nicole en se dgageant pour mieux riposter M. de Taverney, est-il bien certain que ce petit bas mal ravaud ressemble bien exactement cette illustre dame? Lillustre dame a-t-elle bien lpaule basse, lil vif, la jambe ronde et le bras potel de ce petit bas mal ravaud? Dans tous les cas, monsieur le baron, acheva-t-elle en colre, si vous me dprciez ainsi, ce nest que sur chantillon, ce me semble!

Nicole tait rouge de fureur, et, par consquent, dune beaut splendide.

Le duc serra de nouveau ses jolies mains, emprisonna une seconde fois ses genoux, et, avec un regard plein de caresses et de promesses:

Baron, dit-il, Nicole na certes pas sa pareille la cour; quant moi, je le pense. Pour ce qui est de lillustre dame avec laquelle, je lavoue, elle a un faux air de ressemblance, nous allons mettre tout amour-propre couvert Vous avez des cheveux blonds dune nuance admirable, mademoiselle Nicole; vous avez des sourcils et un nez dun dessin tout fait imprial; eh bien, soyez un quart dheure assise devant une toilette, et ces imperfections, M. le baron les juge telles, disparatront. Nicole, mon enfant, voudriez vous tre Trianon?

Oh! scria Nicole, dont toute lme pleine de convoitise passa dans ce monosyllabe.

Vous irez donc Trianon, ma chre; vous irez, et vous y ferez fortune, et sans nuire en quoi que ce soit la fortune des autres. Baron, un dernier mot.

Dites, mon cher duc.

Va, ma belle enfant, fit Richelieu, et laisse-nous causer un moment.

Nicole sortit, le duc sapprocha du baron.

Si je vous presse denvoyer une femme de chambre votre fille, dit-il, cest que cela fera plaisir au roi. Sa Majest naime pas la misre, et les jolis minois ne lui font pas peur. Enfin, je mentends.

Que Nicole aille donc Trianon, puisque tu penses que cela fera plaisir au roi, rpliqua le baron avec son sourire dgypan.

Alors, puisque tu men donnes la permission, je lemmnerai: elle profitera du carrosse.

Cependant, sa ressemblance avec madame la dauphine Il faudrait songer cela, duc.

Jy ai song. Cette ressemblance disparatra sous les mains de Raft en un quart dheure. Je ten rponds cris donc un mot ta fille, baron, pour lui dire limportance que tu attaches ce quelle ait une femme de chambre auprs delle, et ce que cette femme de chambre sappelle Nicole.

Tu crois quil est urgent quelle sappelle Nicole?

Je le crois.

Et quune autre que Nicole?

Ne remplirait pas si bien la place; dhonneur, je le crois.

Alors, jcris linstant mme.

Et le baron crivit aussitt une lettre quil remit Richelieu.

Et les instructions, duc?

Je me charge de les donner Nicole. Elle est intelligente?

Le baron sourit.

Tu me la confies, alors nest-ce pas? dit Richelieu.

Ma foi! cest ton affaire, duc; tu me las demande, je te la donne; fais en ce que tu pourras.

Mademoiselle, venez avec moi, dit le duc en se levant, et vite.

Nicole ne se le fit pas rpter. Sans mme demander le consentement du baron, elle rassembla en cinq minutes un petit paquet de hardes, et, dun pas si lger quon et dit quelle volait, elle slana prs du cocher de monseigneur.

Richelieu prit alors cong de son ami, qui lui ritra ses remerciements pour le service quil avait rendu Philippe de Taverney.

DAndre, pas un mot. Ctait plus que den parler.

Chapitre 94. Mtamorphoses

Nicole ne se sentait plus daise; quitter Taverney pour se rendre Paris navait pas t pour elle un triomphe aussi grand que de quitter Paris pour Trianon.

Elle fut tellement gracieuse avec le cocher de M. de Richelieu, que la rputation de la nouvelle femme de chambre tait faite le lendemain dans toutes les remises et dans toutes les antichambres un peu aristocratiques de Versailles et de Paris.

Lorsquon arriva au pavillon de Hanovre, M. de Richelieu prit la petite par la main et la conduisit lui-mme au premier tage, o lattendait M. Raft, crivant force lettres pour le compte de monseigneur.

Parmi toutes les attributions de M. le marchal, la guerre jouant le plus grand rle, le Raft, en thorie du moins, tait devenu un si habile homme de guerre, que Polybe et le chevalier de Folard, sils eussent vcu, se fussent tenus trs heureux de recevoir un de ces petits mmoires sur les fortifications et les manuvres comme Raft en crivait chaque semaine.

M. Raft tait donc occup rdiger un projet de guerre contre les Anglais dans la Mditerrane, lorsque le marchal entra et lui dit:

Tiens, Raft, regarde-moi cette enfant.

Raft regarda.

Trs aimable, monseigneur, dit-il avec un mouvement de lvres des plus significatifs.

Oui, mais sa ressemblance? Raft, cest de sa ressemblance que je parle.

Eh! cest vrai; ah! diable!

Tu trouves, nest-ce pas?

Cest extraordinaire; voil qui fera sa ruine ou sa fortune.

Sa ruine, dabord, mais nous allons y mettre bon ordre. Elle a les cheveux blonds, comme vous voyez, Raft; mais ce nest pas une grande affaire, nest-ce pas?

Il ne sagit que de les lui faire noirs, monseigneur, rpliqua Raft, qui avait pris lhabitude de complter la pense de son matre, et souvent mme de penser entirement pour lui.

Viens ma toilette, petite, dit le marchal; monsieur, qui est un habile homme, va faire de toi la plus belle et la plus mconnaissable soubrette de France.

En effet, dix minutes aprs, Raft, laide dune composition dont le marchal usait chaque semaine pour teindre en noir ses cheveux blancs sous sa perruque, coquetterie quil prtendait rvler encore souvent dans les ruelles de sa connaissance, Raft teignit dun noir de jais les beaux cheveux blond cendr de Nicole; puis il passa sur ses sourcils pais et blonds une pingle noircie au feu dune bougie; il donna ainsi sa physionomie enjoue un rehaut si fantasque, ses yeux vifs et clairs un feu si ardent, et quelquefois si sombre, que lon et dit une fe sortant, par la force de lvocation, dun tui magique o la retenait son enchanteur.

Maintenant, ma toute belle, dit Richelieu aprs avoir donn un miroir Nicole stupfaite, regardez comme vous tes charmante et surtout comme vous tes peu la Nicole de tout lheure. Vous navez plus de ruine craindre, mais une fortune faire.

Oh! monseigneur, scria la jeune fille.

Oui, et pour cela il ne sagit que de sentendre.

Nicole rougissait et baissait les yeux; la ruse sattendait sans doute des paroles comme M. de Richelieu savait si bien les dire.

Le duc comprit et, pour couper court tout malentendu:

Asseyez-vous dans ce fauteuil, ma chre enfant, dit-il, ct de M. Raft. Ouvrez vos oreilles bien grandes, et coutez-moi Oh! M. Raft ne nous gne pas, nayez pas peur; il nous donnera son avis au contraire. Vous mcoutez, nest-ce pas?

Oui, monseigneur, balbutia Nicole, honteuse de stre ainsi mprise par vanit.

La conversation de M. de Richelieu avec Raft et Nicole dura une grande heure; aprs quoi, le duc envoya la petite personne se coucher avec les filles de chambre de lhtel.

Raft se remit son mmoire militaire, M. de Richelieu se mit au lit aprs avoir feuillet des lettres qui lavertissaient de toutes les menes des parlements de province contre M. dAiguillon et la cabale du Barry.