Выбрать главу

Quiconque let vu, ce philosophe des anciennes thories, ce sceptique, ce ddaigneux, aspirer longs traits lair de la faveur dans son bourbier le moins respirable, se ft dit que Dieu avait ptri du mme limon lesprit et le cur de M. de Taverney.

Taverney seul et pu rpondre propos de ce changement:

Ce nest pas moi qui ai chang, cest le temps.

Donc, il resta prs dAndre, assis, un peu embarrass; car la jeune fille, avec son inpuisable srnit, le perait de deux regards profonds comme la mer en son plus profond abme.

M. de Richelieu na-t-il pas dit, monsieur, que Sa Majest vous avait confi un tmoignage de sa satisfaction? Quel est-il, je vous prie?

Ah! fit Taverney, elle est intresse Tiens, je ne leusse pas cru. Tant mieux, Satan, tant mieux!

Il tira lentement de sa poche lcrin donn la veille par le marchal, peu prs comme les bons papas tirent un sac de bonbons ou un jouet que les yeux de lenfant arrachent de leur poche avant que les mains aient agi.

Voici, dit-il.

Ah! des bijoux fit Andre.

Sont-ils de votre got?

Ctait une garniture de perles dun grand prix. Douze gros diamants reliaient entre eux les rangs de ces perles; un fermoir de diamants, des boucles doreilles, et un rang de diamants pour les cheveux, donnaient ce prsent une valeur de trente mille cus au moins.

Mon Dieu, mon pre! scria Andre.

Eh bien?

Cest trop beau le roi sest tromp. Je serais honteuse de porter cela Aurais-je donc des toilettes qui puissent sallier avec la richesse de ces diamants?

Plaignez-vous donc, je vous prie! dit ironiquement Taverney.

Monsieur, vous ne me comprenez pas Je regrette de ne pouvoir porter ces bijoux, parce quils sont trop beaux.

Le roi, qui a donn lcrin, mademoiselle, est assez grand seigneur pour vous donner les robes

Mais, monsieur cette bont du roi

Ne croyez-vous pas que je laie mrite par mes services? dit Taverney.

Ah! pardon, monsieur; cest vrai, rpliqua Andre en baissant la tte, mais sans tre bien convaincue.

Au bout dun moment de rflexion, elle referma lcrin.

Je ne porterai pas ces diamants, dit-elle.

Pourquoi? scria Taverney inquiet.

Parce que, mon pre, vous et mon frre, vous avez besoin de tout le ncessaire, et que ce superflu blesse mes yeux depuis que je viens de penser votre gne.

Taverney lui pressa la main en souriant.

Oh! ne vous occupez plus de cela, ma fille. Le roi a fait plus pour moi que pour vous. Nous sommes en faveur, chre enfant. Il ne serait ni dune sujette respectueuse ni dune femme reconnaissante de paratre devant Sa Majest sans la parure quelle a bien voulu vous donner.

Jobirai, monsieur.

Oui; mais il faut que vous obissiez avec plaisir Cette parure ne parat pas tre de votre got?

Je ne me connais pas en diamants, monsieur.

Sachez donc que les perles seules valent cinquante mille livres.

Andre joignit les mains.

Monsieur, dit-elle, il est trange que Sa Majest me fasse, moi, un pareil prsent; rflchissez-y.

Je ne vous comprends pas, mademoiselle, dit Taverney dun ton sec.

Si je porte ces pierreries, je vous assure, monsieur, que le monde sen tonnera.

Pourquoi? dit Taverney du mme ton, avec un regard imprieux et froid qui fit baisser celui de sa fille.

Un scrupule.

Mademoiselle, il est fort trange, vous mavouerez, de vous voir des scrupules l o, moi, je nen vois pas. Vivent les jeunes filles candides pour savoir le mal et lapercevoir, si bien cach quil soit, alors que nul ne lavait remarqu! Vive la jeune fille nave et vierge pour faire rougir les vieux grenadiers comme moi!

Andre cacha sa confusion dans ses deux belles mains nacres.

Oh! mon frre, murmura-t-elle tout bas, pourquoi es-tu dj si loin?

Taverney entendit-il ce mot? le devina-t-il avec cette merveilleuse perspicacit que nous lui connaissons? On ne saurait le dire; mais il changea de ton linstant mme et, prenant les deux mains dAndre:

Voyons, enfant, dit-il, est-ce que votre pre nest pas un peu votre ami?

Un doux sourire se fit jour travers les ombres dont le beau front dAndre tait couvert.

Est-ce que je ne suis pas l pour vous aimer, pour vous conseiller? est-ce que vous ne vous sentez pas fire de contribuer la fortune de votre frre et la mienne?

Oh! si, dit Andre.

Le baron concentra sur sa fille un regard tout embras de caresses.

Eh bien, dit-il, vous serez, comme le disait tout lheure M. de Richelieu, la reine des Taverney Le roi vous a distingue Madame la dauphine aussi, dit-il vivement; dans lintimit de ces augustes personnes, vous btirez notre avenir, en leur faisant la vie heureuse Amie de la dauphine, amie du roi, quelle gloire! Vous avez des talents suprieurs et une beaut sans rivale; vous avez un esprit sain, exempt davarice et dambition Oh! mon enfant, quel rle vous pouvez jouer! Vous souvient-il de cette petite fille qui adoucit les derniers moments de Charles VI? Son nom fut bni en France Vous souvient-il dAgns Sorel, qui restitua lhonneur la couronne de France? Tous les bons Franais vnrent sa mmoire Andre, vous serez le bton de vieillesse de notre glorieux monarque Il vous chrira comme sa fille, et vous rgnerez en France par le droit de la beaut, du courage et de la fidlit.

Andre ouvrait les yeux avec tonnement. Le baron reprit sans lui laisser le temps de rflchir:

Ces femmes perdues qui dshonorent le trne, vous les chasserez dun seul regard; votre prsence purifiera la cour. Cest votre influence gnreuse que la noblesse du royaume devra le retour des bonnes murs, de la politesse, de la pure galanterie. Ma fille, vous pouvez, vous devez tre un astre rgnrateur pour ce pays et une couronne de gloire pour notre nom.

Mais, dit Andre tourdie, que me faudra-t-il faire pour cela?

Andre, reprit-il, je vous ai dit souvent quil faut en ce monde forcer les gens tre vertueux en leur faisant aimer la vertu. La vertu renfrogne, triste et psalmodiant des sentences, fait fuir ceux mmes qui voudraient le plus ardemment sapprocher delle. Donnez la vtre toutes les amorces de la coquetterie, du vice mme. Cela est facile une fille spirituelle et forte comme vous ltes. Faites-vous si belle, que la cour ne parle que de vous; faites-vous si agrable aux yeux du roi, quil ne puisse se passer de vous; faites-vous si secrte, si rserve pour tous, except pour Sa Majest, quon vous attribue bien vite tout le pouvoir que vous ne pouvez manquer dobtenir.

Je ne comprends pas bien ce dernier avis, dit Andre.

Laissez-moi vous guider; vous excuterez sans comprendre, ce qui vaut mieux pour une sage et gnreuse crature comme vous. propos, pour excuter le premier point, ma fille, je dois garnir votre bourse. Prenez ces cent louis, et montez votre toilette dune faon digne du rang auquel vous tes appele depuis que le roi nous a fait lhonneur de nous distinguer.

Taverney donna cent louis sa fille, lui baisa la main et sortit.

Il reprit rapidement lalle par laquelle il tait venu, et naperut pas, au fond du bosquet des Amours, Nicole en grande conversation avec un seigneur qui lui parlait loreille.

Chapitre 117. Ce quil fallait Althotas pour complter son lixir de vie

Le lendemain de cette conversation, vers quatre heures de laprs-midi, Balsamo tait occup, dans son cabinet de la rue Saint-Claude, lire une lettre que Fritz venait de lui remettre. Cette lettre tait sans signature: il la tournait et retournait entre ses mains.

Je connais cette criture, disait-il, longue, irrgulire, un peu tremble, et avec force fautes dorthographe.

Et il relisait:

Monsieur le comte,

Une personne qui vous a consult quelque temps avant la chute du dernier ministre et qui dj vous avait consult longtemps auparavant, se prsentera aujourdhui chez vous pour obtenir une consultation nouvelle. Vos nombreuses occupations vous permettront-elles de donner cette personne une demi-heure entre quatre et cinq heures du soir?