Выбрать главу

Vous my avez cependant dj emmene, au pavillon de Hanovre, dit Nicole avec dpit.

Ah! que tu as mauvaise grce, Nicole, de me reprocher de tavoir emmene mon htel, quand jai fait cela pour te rendre service; car, enfin, avoue que, sans leau de M. Raft, qui a fait de toi une charmante brune, tu nentrais pas Trianon; ce qui, au reste, valait mieux, peut-tre, que den tre chasse; mais aussi pourquoi diable donner comme cela des rendez-vous M. de Beausire, et la grille des curies encore!

Ainsi, vous savez mme cela? dit Nicole, qui vit bien quil fallait changer de tactique et se mettre la discrtion entire du marchal.

Parbleu! tu vois bien que je le sais, et madame de Noailles aussi. Tiens, ce soir encore, tu avais rendez-vous

Cest vrai, monsieur le duc; mais, foi de Nicole, je nirai pas.

Sans doute, tu es prvenue; mais M. de Beausire ira, lui qui nest pas prvenu, et on le prendra. Alors, comme tout naturellement il ne voudra pas passer pour un voleur quon pend, ou un espion quon btonne, il aimera mieux dire, dautant plus que la chose nest pas dsagrable avouer: Laissez-moi, je suis lamant de la petite Nicole.

Monsieur le duc, je vais le faire prvenir.

Impossible, pauvre enfant; et par qui, je te le demande; par celui qui ta dnonce, peut-tre?

Hlas! cest vrai, dit Nicole jouant le dsespoir.

Comme cest beau, le remords! scria Richelieu.

Nicole se cacha le visage dans ses deux mains, en observant bien de laisser passer assez de jour entre ses doigts pour ne pas perdre un geste, un regard de Richelieu.

Tu es adorable, en vrit, dit le duc, qui aucune de ces petites roueries fminines nchappait; que nai-je cinquante ans de moins! Mais nimporte, palsambleu! Nicole, je veux te tirer de l.

Oh! monsieur le duc, si vous faites ce que vous dites, ma reconnaissance

Je nen veux pas, Nicole. Je te rendrai service sans intrts, au contraire.

Ah! cest bien beau vous, monseigneur, et du fond de mon cur je vous en remercie.

Ne me remercie pas encore. Tu ne sais rien. Que diable! attends que tu saches.

Tout me sera bon, monsieur le duc, pourvu que mademoiselle Andre ne me chasse pas.

Ah! mais tu tiens donc normment rester Trianon?

Par-dessus tout, monsieur le duc.

Eh bien, Nicole, ma jolie fille, raye ce premier point de dessus tes tablettes.

Mais, si je ne suis pas dcouverte, cependant, monsieur le duc?

Dcouverte, oui ou non, tu ne partiras pas moins.

Oh! pourquoi cela?

Je vais te le dire: parce que, si tu es dcouverte par madame de Noailles, il ny a pas de crdit, mme celui du roi, qui puisse te sauver.

Ah! si je pouvais voir le roi!

Eh bien, petite, en vrit, il ne manquerait plus que cela. Ensuite, parce que, si tu nes pas dcouverte, cest moi qui te ferai partir.

Vous?

Sur-le-champ.

En vrit, monsieur le marchal, je ny comprends rien.

Cest comme jai lavantage de te le dire.

Et voil votre protection?

Si tu nen veux pas, il est temps encore; dis un mot, Nicole.

Oh! si fait, monsieur le duc, je la veux, au contraire.

Je te laccorde.

Eh bien?

Eh bien, je ferai donc ceci, coute.

Parlez, monseigneur.

Au lieu de te laisser chasser et emprisonner, je te ferai libre et riche.

Libre et riche?

Oui.

Et que faut-il faire pour devenir libre et riche? Dites vite, monsieur le marchal.

Presque rien.

Mais encore

Ce que je vais te prescrire.

Est-ce bien difficile?

Une besogne denfant.

Ainsi, dit Nicole, il y a quelque chose faire?

Ah! dame! tu sais la devise de ce monde, Nicole: rien pour rien.

Et ce quil y a faire, est-ce pour moi? est-ce pour vous?

Le duc regarda Nicole.

Tudieu! dit-il, la petite masque, est-elle roue!

Enfin, achevez, monsieur le duc.

Eh bien, cest pour toi, rpondit-il bravement.

Ah! ah! dit Nicole, qui dj, comprenant que le marchal avait besoin delle, ne le craignait plus, et dont lingnieuse cervelle fonctionnait pour dcouvrir la vrit au milieu des dtours dont, par habitude, lenveloppait son interlocuteur; que ferai-je donc pour moi, monsieur le duc?

Voici: M. de Beausire vient sept heures et demie?

Oui, monsieur le marchal, cest son heure.

Il est sept heures dix minutes.

Cest encore vrai.

Si je veux, il sera pris.

Oui, mais vous ne voulez pas.

Non: tu iras le trouver et tu lui diras

Je lui dirai?

Mais, dabord, laimes-tu, ce garon, Nicole?

Puisque je lui donne des rendez-vous

Ce nest pas une raison; tu peux vouloir lpouser: les femmes ont de si tranges caprices!

Nicole partit dun clat de rire.

Moi, lpouser? dit-elle. Ah! ah! ah!

Richelieu demeura stupfait; il navait pas, mme la cour, rencontr beaucoup de femmes de cette force l.

Eh bien, soit, tu ne veux pas pouser; mais tu aimes alors: tant mieux.

Soit. Jaime M. de Beausire, mettons cela, monseigneur, et passons.

Peste! quelle enjambeuse!

Sans doute. Vous comprenez, ce qui mintresse

Eh bien?

Cest de savoir ce qui me reste faire.

Nous disons dabord que, puisque tu laimes, tu fuiras avec lui.

Dame! si vous le voulez absolument, il faudra bien.

Oh! oh! je ne veux rien, moi; un moment, petite!

Nicole vit quelle allait trop vite, et quelle ne tenait encore ni le secret ni largent de son rude antagoniste.

Elle plia donc, sauf plus tard se relever.

Monseigneur, dit-elle, jattends vos ordres.

Eh bien, tu vas aller trouver M. de Beausire et tu lui diras: Nous sommes dcouverts; mais jai un protecteur qui nous sauve, vous de Saint Lazare, moi de la Salptrire. Partons.

Nicole regarda Richelieu.

Partons, rpta-t-elle.

Richelieu comprit ce regard si fin et si expressif.

Parbleu! dit-il, cest entendu, je pourvoirai aux frais du voyage.

Nicole ne demanda pas dautre claircissement; il fallait bien quelle st tout puisquon la payait.

Le marchal sentit ce pas fait par Nicole et se hta, de son ct, de dire tout ce quil avait dire, comme on se hte de payer quand on a perdu, pour navoir plus le dsagrment de payer.

Sais-tu quoi tu penses, Nicole? dit-il.

Ma foi, non, rpondit la jeune fille; mais, vous qui savez tant de choses, monsieur le marchal, je parie que vous lavez devin?

Nicole, dit-il, tu songes que, si tu fuis, ta matresse pourra, ayant besoin de toi, par hasard, tappeler dans la nuit, et, ne te trouvant pas, donner lalarme, ce qui texposerait tre rattrape.

Non, dit Nicole, je ne pensais point cela, parce que, toute rflexion faite, voyez-vous, monsieur le marchal, jaime mieux rester ici.

Mais si lon prend M. de Beausire?

Eh bien, on le prendra.

Mais sil avoue?

Il avouera.

Ah! fit Richelieu avec un commencement dinquitude, tu seras perdue, alors.

Non; car mademoiselle Andre est bonne et, comme elle maime au fond, elle parlera de moi au roi; et, si lon fait quelque chose M. de Beausire, on ne me fera rien, moi.

Le marchal se mordit les lvres.

Et moi, Nicole, reprit-il, je te dis que tu es une sotte; que mademoiselle Andre nest pas bien avec le roi, et que je vais te faire enlever tout lheure si tu ne mcoutes pas comme je veux que tu mcoutes; entends-tu, petite vipre?

Oh! oh! monseigneur, je nai la tte ni plate ni cornue; jcoute, mais je fais mes rserves.

Bien. Tu vas donc aller de ce pas ruminer ton plan de fuite avec M. de Beausire.

Mais comment voulez-vous que je mexpose fuir, monsieur le marchal, puisque vous me dites vous-mme que mademoiselle peut se rveiller, me demander, mappeler, que sais-je? toutes choses auxquelles je navais pas song dabord, mais que vous avez prvues, vous, monseigneur, qui tes un homme dexprience.