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Enfin, marchal, cest moi qui vous le dis, cest un vilain homme, et qui a jou un vilain rle.

Oh! si cest Votre Majest qui me le dit

Oui, monsieur, cest moi!

Eh bien, rpondit Richelieu, Votre Majest me met tout fait mon aise en parlant de la sorte. Non, je lavoue, Taverney nest pas une fleur de dlicatesse, et je men suis bien aperu; mais, enfin, sire, tant que Votre Majest na pas daign me faire connatre son opinion

La voici, monsieur: je le dteste.

Ah! larrt est prononc, sire; heureusement pour cet infortun, continua Richelieu, quune intercession puissante plaide pour lui prs de Votre Majest.

Que voulez-vous dire?

Si le pre a eu le malheur de dplaire au roi

Et trs fort.

Je ne dis pas non, sire.

Que dites-vous alors?

Je dis que certain ange aux yeux bleus et aux cheveux blonds

Je ne vous comprends pas, duc.

Cela se conoit, sire.

Cependant, je dsirerais vous comprendre, je lavoue.

Un profane tel que moi, sire, tremble lide de lever un coin du voile sous lequel sabritent tant de mystres amoureux et charmants; mais, je le rpte, combien Taverney ne doit-il pas dactions de grces celle qui adoucit en sa faveur lindignation royale! Oh! oui, mademoiselle Andre doit tre un ange!

Mademoiselle Andre est un petit monstre au physique comme son pre lest au moral! scria le roi.

Bah! fit Richelieu au comble de la stupeur, nous nous trompions tous, et cette belle apparence?

Ne me parlez jamais de cette fille, duc; le frisson me gagne rien que dy penser.

Richelieu joignit hypocritement les deux mains.

Oh! mon Dieu! dit-il, les dehors devenus Si Votre Majest, le premier apprciateur du royaume, si Votre Majest, linfaillibilit en personne, ne massurait cela, comment pourrais-je le croire? Quoi! sire, contrefaite ce point?

Plus que cela, monsieur: atteinte dune maladie affreuse un guet-apens, duc. Mais, pour Dieu, plus un mot sur elle, vous me feriez mourir.

O ciel! scria Richelieu, je nen ouvrirai plus la bouche, sire. Faire mourir Votre Majest! oh! quelle tristesse! Quelle famille! doit-il tre malheureux, ce pauvre garon!

Mais de qui donc me parlez-vous encore?

Oh! cette fois, dun fidle, dun sincre, dun dvou serviteur de Votre Majest. Oh! par exemple, sire, voil un modle, et vous lavez bien jug, celui-l. Pour cette fois, jen rponds, vos faveurs ne sont point tombes faux.

Mais de qui donc est-il question, duc? Achevez, jai hte.

Je veux parler, rpondit moelleusement Richelieu, du fils de lun, sire, et du frre de lautre. Je veux parler de Philippe de Taverney, de ce brave jeune homme qui Votre Majest a donn un rgiment.

Moi! jai donn un rgiment quelquun?

Oui, sire, un rgiment que Philippe de Taverney attend toujours, cest vrai, mais que vous avez donn, enfin.

Moi?

Dame! je le crois, sire.

Vous tes fou!

Bah!

Je nai rien donn du tout, marchal.

Vraiment?

Mais de quoi diable vous mlez-vous?

Mais, sire

Est-ce que cela vous regarde?

Moi, pas le moins du monde.

Vous avez donc jur alors de me brler petit feu avec ce fagot dpines?

Que voulez-vous, sire! il me semblait je vois bien que je me trompe maintenant il me semblait que Votre Majest avait promis

Mais ce nest pas mon affaire, duc. Mais jai un ministre de la Guerre. Je ne donne pas de rgiment, moi Un rgiment! la belle bourde quon vous a conte l. Ah! vous tes lavocat de cette niche? Quand je vous disais que vous aviez tort de me parler; voil que vous mavez mis tout le sang lenvers.

Oh! sire.

Oui, lenvers. Le diable soit de lavocat, je ne digrerai pas de toute la journe.

Et, l-dessus, le roi tourna le dos au duc et se rfugia tout furieux dans son cabinet, laissant Richelieu plus malheureux quon ne saurait dire.

Ah! pour cette fois, murmura le vieux marchal, on sait quoi sen tenir.

Et, spoussetant avec son mouchoir, car dans la chaleur du choc il stait tout empoudr, Richelieu se dirigea vers la galerie langle de laquelle son ami lattendait avec une impatience dvorante.

peine le marchal parut-il que, semblable laraigne qui fond sur sa proie, le baron courut sur les nouvelles fraches.

Lil veill, la bouche en cur, les bras en guirlande, il se prsenta.

Eh bien, quoi de nouveau? demanda-t-il.

Il y a de nouveau, monsieur, rpondit Richelieu en se redressant avec une bouche ddaigneuse et une mprisante attaque son jabot, il y a que je vous prie de ne plus madresser la parole.

Taverney regarda le duc avec des yeux bahis.

Oui, vous avez fort dplu au roi, continua Richelieu, et qui dplat au roi moffense.

Taverney, comme si ses pieds eussent pris racine dans le marbre, resta clou dans sa stupfaction.

Cependant Richelieu continua son chemin.

Puis, arriv la porte de la galerie des Glaces o lattendait son valet de pied:

Luciennes! cria-t-il.

Et il disparut.

Chapitre 137. Les vanouissements dAndre

Taverney, lorsquil eut repris ses sens et approfondi ce quil appelait son malheur, comprit que le moment tait venu davoir une explication srieuse avec la cause premire de tant dalarmes.

En consquence, bouillant de colre et dindignation, il se dirigea vers la demeure dAndre.

La jeune fille donnait la dernire main sa toilette, levant ses bras arrondis pour boucler derrire loreille deux tresses de cheveux rebelles.

Andre entendit le pas de son pre dans lantichambre, au moment o, son livre sous le bras, elle allait franchir le seuil de son appartement.

Ah! bonjour, Andre, dit M. de Taverney; vous sortez?

Oui, mon pre.

Seule?

Vous voyez.

Vous tes donc encore seule?

Depuis la disparition de Nicole, je nai pas repris de fille de chambre.

Mais vous ne pouvez vous habiller, Andre, cela vous fait tort; une femme ainsi mise na aucun succs la cour; je vous avais recommand tout autre chose, Andre.

Pardon, mon pre, mais madame la dauphine mattend.

Je vous assure, Andre, rpliqua Taverney schauffant mesure quil parlait, je vous assure, mademoiselle, quavec cette simplicit, vous finirez par tre ridiculise ici.

Mon pre

Le ridicule tue partout, et fait plus la cour.

Monsieur, javiserai. Mais, pour linstant, madame la dauphine me saura gr de me vtir moins lgamment, en faveur de mon empressement me rendre auprs delle.

Allez donc et revenez, je vous prie, aussitt que vous serez libre; car jai vous entretenir dune affaire srieuse.

Oui, mon pre, dit Andre.

Et elle essaya de continuer son chemin.

Le baron la regardait de tous ses yeux.

Attendez, attendez, cria-t-il, vous ne pouvez sortir ainsi; vous avez oubli votre rouge, mademoiselle; vous tes dune pleur repoussante.

Moi, mon pre? fit Andre sarrtant.

Mais, en vrit, quand vous vous regardez au miroir, quoi pensez-vous donc? Vos joues sont blanches comme cire, vos yeux cerns dun demi-pied. On ne sort pas comme cela, mademoiselle, sous peine de faire peur aux gens.

Je nai plus le temps de rien changer ma toilette, mon pre.

Cest odieux, en vrit, cest odieux! scria Taverney en haussant les paules; il ny a quune femme comme celle-l au monde, et je lai pour fille! Quelle atroce chance! Andre! Andre!

Mais Andre tait dj au bas de lescalier.

Elle se retourna.

Au moins, scria Taverney, dites que vous tes malade; rendez-vous intressante, mordieu! si vous ne voulez pas vous faire belle!

Oh! quant cela, mon pre, ce me sera chose facile, et je dirai que je suis malade sans mentir, car je me sens rellement souffrante en ce moment.