Выбрать главу

Adieu, monsieur, rpondit le docteur dun ton pntr.

Oh! vous ne me quitterez pas ainsi sans me dire oui ou non. Un mot, un seul, cest tout ce que je vous demande.

Le docteur sarrta.

Monsieur, dit-il, tout lheure, et cela amena la mprise fatale qui vous a bless

Ne parlons plus de cela, monsieur.

. Au contraire, parlons-en; tout lheure, un peu tard peut-tre, vous me dites que mademoiselle de Taverney tait votre sur. Mais, auparavant, avec une exaltation qui a caus mon erreur, vous maviez dit que vous aimiez mademoiselle Andre plus que votre vie.

Cest vrai.

Si votre amour pour elle est si grand, elle doit le payer dun semblable retour?

Oh! monsieur, Andre maime comme elle naime personne au monde.

Eh bien, alors, retournez prs delle, interrogez-la, monsieur; interrogez-la dans cette voie o je suis forc, moi, de vous abandonner; et, si elle vous aime comme vous laimez, eh bien, elle rpondra vos questions. Il y a bien des choses que lon dit un ami que lon ne dit pas un mdecin; alors peut-tre consentira-t-elle vous dire, vous, ce que je ne voudrais pas, pour un doigt de ma main, vous avoir laiss entrevoir. Adieu, monsieur.

Et le docteur fit de nouveau un pas vers le pavillon.

Oh! non, non, cest impossible! scria Philippe fou de douleur et entrecoupant chacune de ses paroles dun sanglot; non, docteur, jai mal entendu; non, vous ne pouvez mavoir dit cela!

Le docteur se dgagea doucement; puis, avec une douceur pleine de commisration:

Faites ce que je viens de vous prescrire, monsieur de Taverney, et, croyez-moi, cest ce que vous avez de mieux faire.

Oh! mais, songez-y donc, vous croire, cest renoncer la religion de toute ma vie, cest accuser un ange, cest tenter Dieu, docteur; si vous exigez que je croie, prouvez au moins, prouvez.

Adieu, monsieur.

Docteur! scria Philippe au dsespoir.

Prenez garde, si vous parlez avec cette vhmence, vous allez faire connatre ce que je mtais promis, moi, de taire tout le monde, et ce que jeusse voulu cacher vous-mme.

Oui, oui; vous avez raison, docteur, dit Philippe dune voix si basse, que le souffle mourait en sortant de ses lvres; mais enfin la science peut se tromper, et vous avouez que, vous-mme, vous vous tes tromp quelquefois.

Rarement, monsieur, rpondit le docteur; je suis un homme dtudes svres, et ma bouche ne dit oui que lorsque mes yeux et mon esprit ont dit: Jai vu je sais je suis sr. Oui, certes, vous avez raison, monsieur, parfois jai pu me tromper comme se trompe toute crature faillible; mais, selon toute probabilit, ce nest point cette fois-ci. Allons, du calme, et sparons-nous.

Mais Philippe ne pouvait se rsigner ainsi. Il posa la main sur le bras du docteur avec un air de si profonde supplication que celui-ci sarrta.

Une dernire, une suprme grce, monsieur, dit-il; vous voyez dans quel dsordre se trouve ma raison; jprouve quelque chose qui ressemble comme de la folie; jai besoin, pour savoir si je dois vivre ou mourir, dune confirmation de cette ralit qui me menace. Je rentre prs de ma sur, je ne lui parlerai que lorsque vous laurez revue; rflchissez.

Cest vous de rflchir, monsieur; car, pour moi, je nai pas un mot ajouter ce que jai dit.

Monsieur, promettez-moi mon Dieu! cest une grce que le bourreau ne refuserait pas la victime, promettez-moi de revenir chez ma sur aprs votre visite Son Altesse madame la dauphine; docteur, au nom du ciel, promettez-moi cela!

Cest inutile, monsieur; mais vous y tenez, il est de mon devoir de faire ce que vous dsirez; en sortant de chez madame la dauphine, jirai voir votre sur.

Oh! merci, merci. Oui, venez, et alors vous avouerez vous-mme que vous vous tes tromp.

Je le dsire de tout mon cur, monsieur, et, si je me suis tromp, je lavouerai avec joie. Adieu!

Et le docteur, rendu la libert, partit laissant Philippe sur lesplanade, Philippe tremblant de fivre, inond dune sueur glace, et ne connaissant plus, dans son transport dlirant, ni lendroit o il se trouvait, ni lhomme avec lequel il avait caus, ni le secret quil venait dapprendre.

Pendant quelques minutes, il regarda, sans comprendre, le ciel qui silluminait insensiblement dtoiles et le pavillon qui sclairait.

Chapitre 143. Interrogatoire

Aussitt que Philippe eut repris ses sens et fut parvenu se rendre matre de sa raison, il se dirigea vers lappartement dAndre.

Mais, mesure quil savanait vers le pavillon, le fantme de son malheur svanouissait peu peu; il lui semblait que ctait un rve quil venait de faire, et non une ralit avec laquelle il avait un instant lutt. Plus il sloignait du docteur, plus il devenait incrdule ses menaces. Bien certainement, la science stait trompe, mais la vertu navait pas failli.

Le docteur ne lui avait-il pas donn compltement raison en promettant de revenir chez sa sur?

Cependant, lorsque Philippe se retrouva en face dAndre, il tait si chang, si ple, si dfait, que ce fut elle son tour de sinquiter pour son frre et de lui demander comment il se pouvait quen si peu de temps un si terrible changement se ft opr en lui.

Une seule chose pouvait avoir produit un pareil effet sur Philippe.

Mon Dieu! mon frre, demanda Andre, je suis donc bien malade?

Pourquoi? demanda Philippe.

Parce que la consultation du docteur Louis vous aura effray.

Non, ma sur, dit Philippe; le docteur nest pas inquiet, et vous mavez dit la vrit. Jai mme eu grand-peine le dterminer revenir.

Ah! il revient? dit Andre.

Oui, il revient; cela ne vous contrarie pas, Andre?

Et Philippe plongea ses regards dans ceux de la jeune fille en prononant ces paroles.

Non, rpondit-elle simplement, et, pourvu que cette visite vous rassure un peu, voil tout ce que je demande; mais, en attendant, do vient cette affreuse pleur qui me bouleverse?

Cela vous inquite, Andre?

Vous le demandez!

Vous maimez donc tendrement, Andre?

Plat-il? fit la jeune fille.

Je demande, Andre, si vous maimez toujours comme au temps de notre jeunesse?

Oh! Philippe! Philippe!

Ainsi, je suis pour vous une des plus prcieuses ttes que vous ayez sur la terre?

Oh! la plus prcieuse, la seule, scria Andre.

Puis, rougissante et confuse:

Excusez-moi, Philippe, dit-elle, joubliais

Notre pre, nest-ce pas, Andre?

Oui.

Philippe prit la main de sa sur et, la regardant tendrement:

Andre, dit-il, ne croyez point que je vous blmasse jamais si votre cur renfermait une affection qui ne ft ni lamour que vous portez votre pre, ni celui que vous avez pour moi

Puis, sasseyant prs delle, il continua:

Vous tes dans un ge, Andre, o le cur des jeunes filles leur parle plus vivement quelles ne le veulent elles-mmes, et, vous le savez, un prcepte divin commande aux femmes de quitter parents et famille pour suivre leur poux.

Andre regarda Philippe quelque temps, comme elle et fait sil lui et parl une langue trangre quelle ne comprit pas.

Puis, se mettant rire avec une navet que rien ne saurait rendre:

Mon poux! dit-elle, navez-vous point parl de mon poux, Philippe? Eh! mon Dieu, il est encore natre, ou du moins je ne le connais pas.

Philippe, touch de cette exclamation si vraie dAndre, se rapprocha delle et, enfermant sa main entre les siennes, il rpondit:

Avant davoir un poux, ma bonne Andre, on a un fianc, un amant.

Andre regarda Philippe tout tonne, souffrant que le jeune homme plonget ses yeux avides jusquau fond de son clair regard de vierge, o se refltait son me tout entire.

Ma sur, dit Philippe, depuis votre naissance vous mavez tenu pour votre meilleur ami; moi, je vous ai, de mon ct, regarde comme ma seule amie; jamais je ne vous ai quitte, vous le savez, pour les jeux de mes camarades. Nous avons grandi ensemble, et rien na troubl la confiance que lun de nous mettait aveuglment dans lautre; pourquoi faut-il que, depuis quelque temps, Andre, vous ayez ainsi, sans motifs, et la premire, chang mon gard?