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Philippe fit un mouvement, mais Balsamo larrta.

Je vous ai promis une preuve, continua-t-il, je vous la donnerai. Est-ce tout de suite? Soit. Entrons Trianon, plutt que de perdre le temps des inutilits. Prfrez-vous attendre? Attendons, mais en silence et sans commotion, sil vous plat.

Cela dit, et de lair que nos lecteurs lui connaissent, Balsamo teignit lclair fugitif de son regard et se replongea dans sa mditation.

Philippe poussa un sourd rugissement, comme fait la bte farouche qui sapprte mordre; puis, changeant soudain dattitude et de pense:

Avec cet homme, dit-il, il faut persuader ou dominer par une supriorit quelconque. Je nai pour lheure aucun moyen de domination ou de persuasion; prenons patience.

Mais, comme il lui tait impossible de prendre patience prs de Balsamo, il sauta bas de la voiture et commena darpenter lalle verdoyante dans laquelle le carrosse tait arrt.

Au bout de dix minutes, Philippe sentit quil lui tait impossible dattendre plus longtemps.

Il prfra donc se faire ouvrir la grille avant lheure, au risque dveiller les soupons.

Dailleurs, murmurait Philippe caressant une ide qui, plusieurs fois dj, stait prsente son esprit, dailleurs, quels soupons peut concevoir le suisse si je lui dis que la sant de ma sur ma inquit ce point daller Paris chercher un mdecin, et damener ce mdecin ici ds le lever du soleil?

Adoptant cette ide, qui, par le dsir quil avait de la mettre excution, avait peu peu perdu tous ses dangers, il courut au carrosse.

Oui, monsieur, dit-il, vous aviez raison, il est inutile dattendre plus longtemps. Venez, venez

Mais il fallut quil renouvelt cet avertissement; la seconde fois seulement, Balsamo se dbarrassa de son manteau, dans lequel il tait envelopp, ferma sa houppelande sombre boutons dacier bruni, et sortit du carrosse.

Philippe prit un sentier qui le conduisit la grille du parc, avec toute lconomie des diagonales.

Marchons vite, dit-il Balsamo.

Et son pas devint en effet si rapide, que Balsamo eut peine le suivre.

La grille souvrit, Philippe donna son explication au suisse, les deux hommes passrent.

Lorsque la grille fut referme sur eux, Philippe sarrta encore une fois.

Monsieur, lui dit-il, un dernier mot Nous voici au terme; je ne sais quelle question vous allez poser ma sur; pargnez-lui au moins le dtail de lhorrible scne qui a pu se passer durant son sommeil. pargnez la puret de lme, puisque cen est fait de la virginit du corps.

Monsieur, rpondit Balsamo, coutez bien ceci: je ne suis jamais entr dans le parc plus loin que ces futaies que vous voyez l-bas, en face des btiments o loge votre sur. Je nai, par consquent jamais pntr dans la chambre de mademoiselle de Taverney, comme jai dj eu lhonneur de vous le dire. Quant la scne dont vous redoutez leffet sur lesprit de mademoiselle votre sur, cet effet ne se produira que pour vous, et sur une personne endormie, attendu que, ds prsent, ds ce pas que je fais, je vais ordonner mademoiselle votre sur de tomber dans le sommeil magntique.

Balsamo fit une halte, croisa ses bras, se tourna vers le pavillon quhabitait Andre, et demeura un instant immobile, les sourcils froncs et avec lexpression de la volont toute-puissante tendue sur sa physionomie.

Et tenez, dit-il en laissant retomber ses bras, mademoiselle Andre doit tre endormie cette heure.

La physionomie de Philippe exprima le doute.

Ah! vous ne me croyez pas? reprit Balsamo. Eh bien! attendez. Pour bien vous prouver que je nai pas eu besoin dentrer chez elle, je vais lui commander, tout endormie quelle est, de venir nous trouver au bas des degrs, lendroit mme o je lui parlai lors de notre derrire entrevue.

Soit, dit Philippe; quand je verrai cela, je croirai.

Approchons-nous jusque dans cette alle, et attendons derrire la charmille.

Philippe et Balsamo allrent prendre la place dsigne.

Balsamo tendit la main vers lappartement dAndre.

Mais il tait peine dans cette attitude quun lger bruit se fit entendre dans la charmille voisine.

Un homme! dit Balsamo. Prenons garde.

O cela? demanda Philippe en cherchant des yeux celui que lui signalait le comte.

L, dans le taillis gauche, dit celui-ci.

Ah! oui, dit Philippe, cest Gilbert, un ancien serviteur nous.

Avez-vous quelque chose craindre de ce jeune homme?

Non, je ne crois pas; mais nimporte, arrtez, monsieur: si Gilbert est lev, dautres peuvent tre levs comme lui.

Pendant ce temps, Gilbert sloignait pouvant; car, en apercevant ensemble Philippe et Balsamo, il comprenait instinctivement quil tait perdu.

Eh bien, monsieur, demanda Balsamo, quoi vous dcidez-vous?

Monsieur, dit Philippe prouvant malgr lui lespce de charme magntique que cet homme rpandait autour de lui, monsieur, si rellement votre pouvoir est assez grand pour amener mademoiselle de Taverney jusqu nous, manifestez ce pouvoir par un signe quelconque, mais namenez pas ma sur un endroit dcouvert comme celui-ci, o le premier venu puisse entendre vos questions et ses rponses.

Il tait temps, dit Balsamo, saisissant le bras du jeune homme et lui montrant, la fentre du corridor des communs, Andre, blanche et svre, qui sortait de sa chambre, et, obissant lordre de Balsamo, sapprtait descendre lescalier.

Arrtez-la, arrtez-la, dit Philippe perdu et stupfait la fois.

Soit, dit Balsamo.

Le comte tendit le bras dans la direction de mademoiselle de Taverney, qui sarrta aussitt.

Puis, comme la statue qui marche au festin de pierre, aprs une halte dun instant, elle fit volte-face et rentra dans sa chambre.

Philippe se prcipita derrire elle; Balsamo le suivit.

Philippe entra presque en mme temps quAndre dans la chambre; et, saisissant la jeune fille dans ses bras, il la fit asseoir.

Quelques instants aprs Philippe, Balsamo entra et ferma la porte derrire lui.

Mais, si rapide quet t lintervalle qui sparait ces entres, un troisime personnage avait eu le temps de se glisser entre les deux hommes et de pntrer dans le cabinet de Nicole, o il stait cach, comprenant que sa vie allait dpendre de cet entretien.

Ce troisime personnage, ctait Gilbert.

Chapitre 148. Rvlation

Balsamo ferma la porte derrire lui, et, apparaissant sur le seuil au moment o Philippe contemplait sa sur avec une terreur mle de curiosit:

tes-vous prt, chevalier? demanda-t-il.

Oui, monsieur, oui, balbutia Philippe tout tremblant.

Nous pouvons donc commencer interroger votre sur?

Sil vous plat, dit Philippe en essayant de soulever avec sa respiration le poids qui crasait sa poitrine.

Mais, avant tout, dit Balsamo, regardez votre sur.

Je la vois, monsieur.

Vous croyez bien quelle dort, nest-ce pas?

Oui.

Et que, par consquent, elle na aucune conscience de ce qui se passe ici?

Philippe ne rpondit pas, il fit seulement un geste de doute.

Alors Balsamo alla au foyer et alluma une bougie quil passa devant les yeux dAndre, sans que la flamme lui ft baisser la paupire.

Oui, oui, elle dort, cest visible, dit Philippe; mais de quel trange sommeil, mon Dieu!

Eh bien, je vais linterroger, continua Balsamo; ou plutt, vous avez manifest la crainte que je nadressasse votre sur quelque indiscrte question, interrogez vous-mme, chevalier.

Mais je lui ai parl, mais je lai touche tout lheure: elle na point paru mentendre, elle na point paru me sentir.