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Cest que vous ntiez pas en rapport avec elle. Je vais vous y mettre.

Et Balsamo prit la main de Philippe et la mit dans celle dAndre.

Aussitt la jeune fille sourit et murmura:

Ah! cest toi, mon frre?

Vous voyez, dit Balsamo, elle vous reconnat maintenant.

Oui. Cest trange.

Interrogez, elle rpondra.

Mais, si elle ne se souvenait pas veille, comment se souviendra-t-elle endormie?

Cest un des mystres de la science.

Et Balsamo, poussant un soupir, alla dans un coin sasseoir sur un fauteuil.

Philippe restait immobile, sa main dans la main dAndre. Comment allait-il commencer ses interrogations, dont le rsultat serait pour lui la certitude de son dshonneur et la rvlation dun coupable, qui peut-tre sa vengeance ne pourrait sadresser?

Quant Andre, elle tait dans un calme voisin de lextase, et sa physionomie indiquait plutt la quitude que tout autre sentiment.

Tout frmissant, il obit nanmoins au coup dil expressif de Balsamo qui lui disait de se prparer.

Mais, mesure quil pensait son malheur, mesure que son visage sassombrissait, celui dAndre se couvrait dun nuage, et ce fut elle qui commena par lui dire:

Oui, tu as raison, frre, cest un grand malheur pour la famille.

Andre traduisait ainsi la pense quelle lisait dans lesprit de son frre.

Philippe ne sattendait pas ce dbut; il tressaillit.

Quel malheur? demanda-t-il sans trop savoir ce quil rpondait.

Ah! tu le sais bien, mon frre.

Forcez-la de parler, monsieur, elle parlera.

Comment puis-je la forcer?

Veuillez quelle parle, voil tout.

Philippe regarda sa sur en formulant une volont intrieure.

Andre rougit.

Oh! dit la jeune fille, comme cest mal toi, Philippe, de croire quAndre ta tromp.

Tu naimes donc personne? demanda Philippe.

Personne.

Alors ce nest pas un complice, cest un coupable quil me faut punir?

Je ne vous comprends pas, mon frre.

Philippe regarda le comte comme pour lui demander avis.

Pressez-la, dit Balsamo.

Que je la presse?

Oui, interrogez franchement.

Sans respect pour la pudeur de cette enfant?

Oh! soyez tranquille, son rveil, elle ne se souviendra de rien.

Mais pourra-t-elle rpondre mes questions?

Voyez-vous bien? demanda Balsamo Andre.

Andre tressaillit au son de cette voix; elle tourna son regard sans rayon du ct de Balsamo.

Moins bien, dit-elle, que si ctait vous qui minterrogeassiez; mais cependant jy vois.

Eh bien, demanda Philippe, si tu y vois, ma sur, raconte-moi en dtail cette nuit de ton vanouissement.

Ne commencez-vous point par la nuit du 31 mai, monsieur? Vos soupons remontaient cette nuit, ce me semble? Le moment est venu de tout claircir la fois.

Non, monsieur, rpondit Philippe, cest inutile, et, depuis un instant, je crois votre parole. Celui qui dispose dun pouvoir tel que le vtre nen use pas pour arriver un but vulgaire. Ma sur, rpta Philippe, racontez-moi tout ce qui sest pass dans cette nuit de votre vanouissement.

Je ne me rappelle pas, dit Andre.

Vous entendez, monsieur le comte?

Il faut quelle se rappelle, il faut quelle parle; ordonnez-le-lui.

Mais, si elle tait dans le sommeil?

Lme veillait.

Alors il se leva, tendit la main vers Andre et, avec un froncement de sourcils qui indiquait un redoublement de volont et daction:

Souvenez-vous, dit-il, je le veux.

Je me souviens, dit Andre.

Oh! fit Philippe essuyant son front.

Que voulez-vous savoir?

Tout!

partir de quel moment?

partir du moment o vous vous tes couche.

Vous voyez-vous vous-mme? demanda Balsamo.

Oui, je me vois. Je tiens la main le verre prpar par Nicole Oh! mon Dieu!

Quoi? Quy a-t-il?

Oh! la misrable!

Parle, ma sur, parle.

Ce verre contient un breuvage prpar; si je le bois, je suis perdue.

Un breuvage prpar! scria Philippe: dans quel but?

Attends! attends!

Dabord le breuvage.

Jallais le porter mes lvres, mais en ce moment

Eh bien?

Le comte mappela.

Quel comte?

Lui, dit Andre tendant sa main vers Balsamo.

Et alors?

Alors, je reposai le verre et je mendormis.

Aprs? aprs? demanda Philippe.

Je me levai, et jallai le rejoindre.

O tait le comte?

Sous les tilleuls, en face de ma fentre.

Et le comte nest jamais entr chez vous, ma sur?

Jamais.

Un regard de Balsamo adress Philippe lui dit clairement: Vous voyez si je vous trompais, monsieur?

Et vous dites que vous alltes rejoindre le comte?

Oui. Je lui obis quand il mappelle.

Que vous voulait le comte?

Andre hsita.

Dites, dites, scria Balsamo; je ncouterai pas.

Et il retomba sur son fauteuil en ensevelissant sa tte dans ses mains, comme pour empcher le bruit de la parole dAndre de venir jusqu lui.

Dites, que vous voulait le comte? rpta Philippe.

Il voulait me demander des nouvelles

Elle sarrta de nouveau; on et dit quelle craignait de briser le cur du comte.

Continuez, ma sur, continuez, dit Philippe.

Dune personne qui stait vade de sa maison, et Andre baissa la voix , et qui est morte depuis.

Si bas quAndre et prononc ces paroles, Balsamo les entendit ou les devina, car il poussa un sombre gmissement.

Philippe sarrta; il y eut un moment de silence.

Continuez, continuez, dit Balsamo, votre frre veut tout savoir, mademoiselle; il faut que votre frre sache tout. Aprs que cet homme eut reu les renseignements quil dsirait, que fit-il?

Il senfuit, dit Andre.

Vous laissant dans le jardin? demanda Philippe.

Oui.

Que ftes-vous alors?

Comme il sloignait de moi, comme la force qui me soutenait sloignait avec lui, je tombai.

vanouie?

Non, toujours endormie, mais dun sommeil de plomb.

Pouvez-vous rappeler ce qui vous arriva pendant ce sommeil?

Je tcherai.

Eh bien, quest-il arriv? Dites.

Un homme est sorti dun buisson, ma prise dans ses bras et ma apporte

O cela?

Ici, dans mon appartement.

Ah! et cet homme, le voyez-vous?

Attendez oui oui Oh! continua Andre avec un sentiment de dgot et de malaise. Ah! cest encore ce petit Gilbert!

Gilbert?

Oui.

Que fit-il?

Il me dposa sur ce sofa.

Aprs?

Attendez

Voyez, voyez, dit Balsamo, je veux que vous voyiez.

Il coute il va dans lautre chambre il recule comme effray il entre dans le cabinet de Nicole Mon Dieu! mon Dieu!

Quoi!

Un homme le suit; et moi, moi qui ne peux pas me lever, me dfendre, crier, moi qui dors!

Quel est cet homme?

Mon frre! mon frre!

Et le visage dAndre exprima la plus profonde douleur.

Dites quel est cet homme, ordonna Balsamo, je le veux!

Le roi, murmura Andre, cest le roi.

Philippe frissonna.

Ah! murmura Balsamo, je men doutais.

Il sapproche de moi, continua Andre, il me parle, il me prend dans ses bras, il membrasse. Oh! mon frre! mon frre!

De grosses larmes roulaient dans les yeux de Philippe, tandis que sa main treignait la poigne de lpe que lui avait donne Balsamo.

Parlez! parlez! continua le comte dun ton de plus en plus impratif.

Oh! quel bonheur! il se trouble il sarrte il me regarde il a peur il fuit Andre est sauve!

Philippe aspirait, haletant, chaque parole qui sortait de la bouche de sa sur.

Sauve! Andre est sauve! rpta-t-il machinalement.

Attends, mon frre, attends!

Et la jeune fille, comme pour se soutenir, cherchait lappui du bras de Philippe.

Aprs? aprs? demanda Philippe.