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Javais oubli.

Quoi?

L, l, dans le cabinet de Nicole, un couteau la main

Un couteau la main?

Je le vois, il est ple comme la mort.

Qui?

Gilbert.

Philippe retenait son haleine.

Il suit le roi, continua Andre; il ferme la porte derrire lui; il met le pied sur la bougie qui brlait le tapis; il savance vers moi. Oh!

La jeune fille se dressa dans les bras de son frre. Chaque muscle de son corps se raidit, comme sil et t prs de se rompre.

Oh! le misrable! dit-elle enfin.

Et elle retomba sans force.

Mon Dieu! dit Philippe nosant interrompre.

Cest lui! cest lui! murmura la jeune fille.

Puis, se dressant jusqu loreille de son frre, lil tincelant et la voix frmissante:

Tu le tueras, nest-ce pas, Philippe?

Ah! oui, scria le jeune homme en bondissant.

Et il rencontra derrire lui un guridon charg de porcelaines quil renversa.

Les porcelaines se brisrent.

Au bruit de cette chute se mla un bruit sourd et une commotion soudaine des cloisons, puis un cri dAndre qui domina le tout.

Quest cela? dit Balsamo. Une porte sest ouverte.

Nous coutait-on? scria Philippe en mettant lpe la main.

Ctait lui, dit Andre; encore lui.

Mais qui donc, lui?

Gilbert, Gilbert, toujours. Ah! tu le tueras, nest-ce pas, Philippe, tu le tueras?

Oh! oui, oui, oui! scria le jeune homme.

Et il slana dans lantichambre, lpe la main, tandis quAndre tait retombe sur le sofa.

Balsamo slana aprs le jeune homme et le retint par le bras.

Prenez garde, monsieur! dit-il; ce qui est secret deviendrait public; il fait jour, et lcho des maisons royales est bruyant.

Oh! Gilbert, Gilbert, murmurait Philippe; et il tait cach l, il nous entendait; je pouvais le tuer. Oh! malheur sur le misrable!

Oui, mais silence; vous retrouverez ce jeune homme; cest de votre sur quil faut vous occuper, monsieur. Vous le voyez, elle commence tre fatigue de tant dmotions.

Oh! oui, je comprends ce quelle souffre par ce que je souffre moi-mme; ce malheur est si affreux, si peu rparable! Oh! monsieur, monsieur jen mourrai!

Vous vivrez pour elle, au contraire, chevalier; car elle a besoin de vous, nayant que vous: aimez-la, plaignez-la, conservez-la Et maintenant, continua-t-il aprs quelques secondes de silence, vous navez plus besoin de moi, nest-ce pas?

Non, monsieur; pardonnez-moi mes soupons, pardonnez-moi mes offenses; et cependant tout le mal vient de vous, monsieur.

Je ne mexcuse point, chevalier; mais vous oubliez ce qua dit votre sur?

Qua-t-elle dit? Ma tte se perd.

Si je ne fusse pas venu, elle buvait le breuvage prpar par Nicole, et alors ctait le roi Eussiez-vous trouv le malheur moins grand?

Non, monsieur, il eut t gal toujours; et, je le vois bien, nous tions condamns. Rveillez ma sur, monsieur.

Mais elle me verra, mais elle comprendra peut-tre ce qui sest pass; mieux vaut que je la rveille comme je lai endormie, distance.

Merci! merci!

Alors, mon tour, adieu, monsieur.

Un mot encore, comte. Vous tes homme dhonneur?

Oh! le secret, voulez-vous dire?

Comte

Cest une recommandation inutile, monsieur; dabord, parce que je suis homme dhonneur; ensuite, parce que, dcid ne plus avoir rien de commun avec les hommes, je vais oublier les hommes et leurs secrets; toutefois, monsieur, comptez sur moi si je puis jamais vous tre utile. Mais non, mais non, je ne suis plus utile rien, je ne vaux plus rien sur la terre. Adieu, monsieur, adieu!

Et, sinclinant devant Philippe, Balsamo regarda encore une fois Andre, dont la tte penchait en arrire avec tous les symptmes de la douleur et de la lassitude.

O science, murmura-t-il, que de victimes pour un rsultat sans valeur!

Et il disparut.

mesure quil sloignait, Andre se ranimait; elle souleva sa tte pesante comme si elle et t de plomb et, regardant son frre avec des yeux tonns:

Oh! Philippe, murmura-t-elle, que vient-il donc de se passer?

Philippe comprima le sanglot qui ltouffait et, souriant avec hrosme:

Rien, ma sur, dit-il.

Rien?

Non.

Et cependant, il me semble que jai t folle et que jai rv!

Rv? et quas-tu rv, chre et bonne Andre?

Oh! le docteur Louis, le docteur Louis, mon frre!

Andre! scria Philippe en lui serrant la main, Andre, tu es pure comme la lumire du jour; mais tout taccuse, tout te perd; un secret terrible nous est impos tous deux. Je vais aller trouver le docteur Louis, pour quil dise madame la dauphine que tu es atteinte de ce mal inexorable du pays, que le sjour seul de Taverney peut te gurir, et puis nous partirons, soit pour Taverney, soit pour quelque autre lieu du monde; puis, tous deux isols ici-bas, nous aimant, nous consolant

Cependant, mon frre, dit Andre, si je suis pure comme tu dis?

Chre Andre, je texpliquerai tout cela; en attendant, prpare-toi au dpart.

Mais mon pre?

Mon pre, dit Philippe dun air sombre, mon pre, cela me regarde, je le prparerai.

Il nous accompagnera donc?

Mon pre, oh! impossible; nous deux, Andre, nous deux seuls, te dis-je.

Oh! que tu meffraies, ami! que tu mpouvantes, mon frre! que je souffre, Philippe!

Dieu est au bout de tout, Andre, dit le jeune homme; ainsi donc, du courage. Je cours trouver le docteur; toi, Andre, toi, ce qui te rend malade, cest le chagrin davoir quitt Taverney, chagrin que tu cachais par respect pour madame la dauphine. Allons, allons, sois forte, ma sur; il y va de notre honneur tous deux.

Et Philippe se hta dembrasser sa sur, car il suffoquait.

Puis il ramassa son pe quil avait laisse tomber, la remit au fourreau dune main tremblante et slana dans lescalier.

Un quart dheure aprs, il frappait la porte du docteur Louis, qui, tout le temps que la cour habitait Trianon, habitait Versailles.

Chapitre 149. Le petit jardin du docteur Louis

Le docteur Louis, la porte duquel nous avons laiss Philippe, se promenait dans un petit jardin enterr entre quatre grands murs et qui faisait partie des dpendances dun vieux couvent dursulines, transform en un magasin de fourrage pour MM. les dragons de la maison du roi.

Le docteur Louis lisait, en marchant, les preuves dun nouvel ouvrage quil tait en train de faire imprimer, et se baissait de temps en temps pour arracher de lalle dans laquelle il se promenait, ou des plates-bandes qui sallongeaient a sa droite et sa gauche, les mauvaises herbes qui choquaient son instinct de symtrie et dordre.

Une seule servante un peu bourrue, comme tout domestique dun homme de travail qui ne veut pas tre drang, tenait toute la maison du docteur.

Au bruit que fit le marteau de bronze raisonnant sous la main de Philippe, elle sapprocha de la porte et lentrebilla.

Mais le jeune homme, au lieu de parlementer avec la servante, poussa la porte et entra. Une fois matre de lalle, il aperut le jardin, et dans le jardin le docteur.

Alors, sans faire attention aux allocutions et aux cris de la vigilante gardienne, il slana dans le jardin.

Au bruit de ses pas, le docteur leva la tte.

Ah! ah! dit-il, cest vous?

Pardonnez-moi, docteur, davoir ainsi forc votre porte et troubl votre solitude, mais le moment que vous avez prvu est arriv; jai besoin de vous et je viens rclamer votre assistance.

Je vous lai promise, monsieur, dit le docteur, et je vous la promets.

Philippe sinclina, trop mu pour entamer de lui-mme la conversation.

Le docteur Louis comprit son hsitation.

Comment se porte la malade? demanda-t-il inquiet de cette pleur de Philippe, et craignant quelque catastrophe lissue de ce drame.

Fort bien, Dieu merci, docteur, et ma sur est une si digne et si honnte jeune fille, quen vrit Dieu ne serait pas juste sil lui envoyait la souffrance et le danger.