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– Elle m’aime!… Elle m’aime!…

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* *

Le môme Réglisse, qui savait être sérieux à ses moments perdus, était assis dans un confortable rocking-chair et s’absorbait consciencieusement dans la grave lecture du Temps, lorsque, tout à coup, un bruit de pas sur le gravier lui fit relever la tête.

Un vieux monsieur, vêtu d’une redingote et coiffé d’un chapeau haut de forme, venait d’apparaître au milieu des palmiers.

– Mince alors! papa Vallières! s’écria Réglisse en courant vers le visiteur.

Et, le prenant par la main, il le guida jusqu’au perron de la villa… tout en poussant les exclamations les plus joyeuses.

Attirées par les cris de l’enfant, Jacqueline et Mme de Trémeuse étaient accourues.

À la vue de son grand ami, le visage de Jacqueline s’éclaira d’une joie charmante.

– Vous! fit-elle… Moi qui, ce matin, disais à madame votre sœur combien je serai heureuse de vous voir près de moi!…

Vallières répondait:

– Votre vœu aura été vite exaucé…

Et, entraînant Vallières jusqu’au salon, Jacqueline ajouta:

– Il vient de se passer ici des choses vraiment extraordinaires.

– Je suis au courant, expliquait Vallières… Je viens de rencontrer à la gare de Saint-Raphaël mon neveu Jacques qui m’a tout raconté.

– Mon pauvre père…, fit tristement la jeune femme… qui s’empressa de déclarer: Je ne saurais vous dire, cher ami Vallières, combien Mme de Trémeuse s’est montrée bonne envers moi… Jamais je n’oublierai…

Mais le petit Jean interrompit:

– Maman, il y a un homme sur la terrasse.

Roger sortit aussitôt du salon et se trouva en face d’un matelot du port, qui lui remit une lettre pour Mme Jacqueline Aubry et s’empressa de disparaître.

Roger de Trémeuse rapporta aussitôt la lettre à sa destinataire, qui la décacheta et lut à haute voix, avec une émotion profonde:

Ma chère fille,

Je suis libre enfin, et je veux te revoir. Viens ce soir, à dix heures, sur la jetée avec le petit Jean. Si tu le veux, rien ne vous séparera plus de ton père.

Je vous embrasse tous deux bien tendrement.

MAURICE-ERNEST FAVRAUT.

– C’est entendu!… déclara Jacqueline. J’irai à ce rendez-vous.

Mais Vallières, qui, à la lecture de ce message, avait pris un air grave et réfléchi, intervenait:

– Certes, je trouve tout naturel que vous répondiez à l’appel de votre père… et croyez que je ne chercherais nullement à vous en dissuader… bien au contraire… si je ne craignais pas que cette lettre ne dissimulât un piège dans lequel on veut vous faire tomber.

– Cependant… cet écrit est tout entier de la main de mon père…

– Qui vous dit précisément qu’on ne lui a pas en quelque sorte tenu la main… et qu’on ne s’est pas servi de lui comme d’un instrument inconscient pour vous attirer dans un guet-apens?

– Cependant…

– Attendez, chère madame, et laissez-moi vous poser une simple question. Qui a enlevé M. Favraut?

– Diana Monti.

– C’est-à-dire Marie Verdier, l’ex-institutrice des Sablons, devenue votre ennemie acharnée… implacable… et qui, déjà à plusieurs reprises, a cherché à se débarrasser du témoin gênant que vous étiez pour elle.

Vallières poursuivait, encouragé par les signes de tête approbatifs de Mme de Trémeuse et de Roger:

– J’estime donc que vous commettriez une grave imprudence en obéissant à cette invitation dont l’origine me paraît des plus suspectes. C’est donc moi qui irai à ce rendez-vous à votre place.

– Mais si, comme vous le dites, il cache quelque machination de mes ennemis?

– Je saurai la déjouer, soyez tranquille; et si votre père se trouve vraiment à l’endroit indiqué, je me charge de le ramener ici, et de le rendre à votre tendresse.

– Mon frère vient de vous parler le langage de la raison et de la sagesse…, appuyait Mme de Trémeuse.

– Puisqu’il en est ainsi, accordait Jacqueline, je m’en rapporte entièrement à vous. Et puis, qui sait?… Nous aurons peut-être d’ici là des nouvelles de M. Jacques.

Et elle ajouta en rougissant légèrement:

– Ne m’en veuillez pas, mon bon ami Vallières, mais j’ai le pressentiment que c’est lui qui me rendra mon père!

II LA BAIGNEUSE

Tandis que ces événements se déroulaient à la villa des Trémeuse, Cocantin, merveilleusement reçu et choyé par ses hôtes, faisait comme chaque jour sa promenade quotidienne aux environs.

Très bon marcheur, et fort épris de cet admirable coin du littoral qui est un des plus purs joyaux de notre radieuse Provence, il avait ce jour-là, dirigé ses pas… jusqu’au site pittoresque dit de Beauvallon…

Toujours très attiré par la mer, il gagna bientôt le rivage par un petit sentier qui traversait un bois de pins… et, avisant un rocher… il s’en fut s’y installer le plus commodément possible… et se mit à promener ses yeux éblouis sur le panorama splendide qu’il avait devant lui.

Mais bientôt… le vent s’éleva du sud… amoncelant dans le ciel tout un amas de gros nuages gris derrière lequel, après avoir en vain cherché à lutter, se déroba le soleil… La température s’en trouva subitement rafraîchie, et Cocantin, qui était extrêmement frileux, dut abandonner son poste d’observation pour faire les cent pas sur les galets.

– Brrou! murmura-t-il, il fait frisquet… Quel drôle de pays que le Midi!… On est bien, on a chaud… on se figure qu’on est une de ces plantes grasses qui s’épanouissent sous la caresse d’un éternel printemps et puis, crac, le soleil se cache… et on est enveloppé par le manteau glacé de l’hiver.

Tout en battant la semelle et en se livrant à ces réflexions sur les variations de la température dans le Midi, Cocantin s’était approché d’une sorte de villa au style gallo-romain et qui servait d’établissement de bain à un grand hôtel voisin, lorsqu’un cri de surprise lui échappa.

Il venait d’apercevoir un ample peignoir de bain qui, recouvrant à moitié une vaste amphore en grès, semblait attendre sa propriétaire.

– Ah! ça! se demanda Cocantin, qui diable peut bien être assez fou… pour se baigner par un froid pareil!

Et sortant de sa poche une belle jumelle toute neuve dont il avait fait l’acquisition à Paris, la veille de son départ, il inspecta aussitôt l’horizon avec une légitime curiosité.