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— En tout cas, ce week-end risque d’être intéressant pour nous.

— J’espère que vous tirerez quelque chose de cette fille, dit avec scepticisme Richard Green.

— Vous avez une autre piste ? demanda doucement Malko.

— O.K., soupira Richard Green. Passez un bon vendredi. Moi, je vais essayer de ne pas trop manger.

* * *

Malko se pencha vers Eleonore Ricord.

— Voulez-vous m’accompagner chez le sheikh ? C’est un peu triste d’y aller seul.

La vice-consul sourit, sans répondre. À quelques mètres d’eux, son amant, enveloppé dans une superbe dichdacha, jouait du tambourin, le regard dans le vague. Il les avait invités tous les deux pour une soirée calme chez lui. Malko n’ayant rien d’autre à faire, avait accepté.

— Si je peux me libérer, je viendrai, répondit Eleonore Ricord. Vous en avez parlé à Richard Green ?

— Cela fait partie de notre enquête, insista Malko.

Le sourire de la Noire s’accentua.

— Je n’en doute pas, dit-elle.

Malko se leva. Cette soirée triangulaire était un peu frustrante. Il savait que dans quelques minutes, dès qu’il serait parti, Eleonore allait faire l’amour avec Mahmoud, probablement sur les coussins où ils se trouvaient en ce moment.

Koweit recelait peu de ressources féminines pour l’étranger de passage. Les Koweïtiennes étant invisibles, et les étrangères toutes jalousement gardées par leurs amants respectifs…

Eleonore le raccompagna, lui donna une poignée de mains très protocolaire.

— Peut-être à demain.

Dehors, l’antenne gigantesque de l’excentrique Iranien s’élevait vers le ciel étoilé. Koweit était calme. Pourtant quelque part dans cette ville éparpillée, des terroristes se préparaient à assassiner Henry Kissinger.

Malko se demanda quelle idée saugrenue avait poussé l’émir à inviter le Secrétaire d’État américain. Sans lui, il serait dans la neige à Liezen avec Alexandra. Il repensa à Winnie Zaki. Comment pouvait-elle vivre dans un pays où la femme se situait socialement entre le chameau et le chien, avec sa fierté ?

Les femmes étaient décidément illogiques.

— Venez ! cria Abu Sharjah à Malko et Eleonore.

Un verre de whisky à la main, son corps rondelet débordant d’un maillot de laine noir, le sheikh Sharjah gambadait dans sa piscine à 35°, une fille à chaque bras : sa nouvelle « femme », une brune maigre avec un bikini de faux léopard, et sa sœur, presque aussi grassouillette que le sheikh, boudinée dans un maillot une pièce dorée d’où débordaient ses formes généreuses.

La piscine était creusée dans un patio, face au golfe Persique, qui s’ouvrait directement sur une plage déserte. Les invités étaient essaimés autour du patio sur des dizaines de coussins, de tapis et de tables basses.

Une demi-douzaine de mâles et de femelles, dont une vieille maquerelle libanaise organisatrice du « mariage ». Depuis des années, elle s’occupait avec succès de l’exportation de vierges et de petits garçons chez les sheikhs du golfe Persique. Sa fille de seize ans l’accompagnait. Le sheikh la taquinait sans arrêt. Une belle fille mince et grande aux yeux de gazelle, au corps délié et sensuel, qui, paraît-il, était vierge. Plus, les deux inévitables Yéménites et leurs cimeterres, accroupis dans un coin, absents, dans un autre monde. Ce que le sheikh Sharjah appelait une « cabane » avait dû vider une carrière de marbre.

Malko admira le corps d’Eleonore. La Noire était superbe, avec des reins cambrés, une poitrine petite et haute, des cuisses longues fuselées, des épaules larges, le ventre plat… Les yeux fermés, elle somnolait, à l’ombre bien entendu, pour ne pas bronzer.

Depuis qu’ils étaient là, ils n’arrêtaient pas de boire. Le sheikh était dans l’état où Malko l’avait connu. À croire qu’il ne pourrait honorer sa nuit de noces.

La danseuse du ventre n’était pas encore arrivée. Un énorme buffet se dressait dans le patio, avec un mouton entier, des pyramides de fruits et une dizaine de bouteilles d’alcool.

— Vous devriez chanter, dit Malko à Eleonore, je suis certain que cela ravirait le sheikh.

— Il n’a vraiment pas besoin de moi, fit la Noire d’un ton pincé.

Abu Sharjah émergeait de la piscine, tirant les deux filles. Pour rire, il arracha le soutien-gorge en léopard de sa « femme » qui se mit à pousser des cris aigus, en se cachant la poitrine. Aussitôt, la vieille maquerelle mit une minicassette de chants du Golfe et commença à frapper dans ses moins. Le sheikh excita la fille d’une voix gutturale.

Elle éclata de rire, puis commença à onduler sur place, en une danse du ventre approximative et franchement obscène. Ravi, le sheikh s’effondra sur les coussins dans un coin du patio, attirant contre lui sa plantureuse belle-sœur. Peut-être jalouse, sa « femme » vint s’effondrer à côté d’eux. Gamin, le sheikh fit glisser le maillot doré, libérant deux seins énormes. Ce qui s’appelle l’esprit de famille…

Comme elles se serraient l’une contre l’autre pour se dissimuler à ses regards, il prit une bouteille de Moët et Chandon, fit sauter le bouchon et arrosa de Champagne sa femme et sa belle-sœur !

— C’est froid ! hurla l’Égyptienne maigre.

— Réchauffez-vous en vous léchant, proposa Abu Sharjah, l’œil brillant.

Eleonore Ricord observait la scène, horrifiée.

— Elles n’ont pas beaucoup de pudeur.

— Je pense que cela tient à leur métier, fit Malko plein de diplomatie.

Sans préciser de quel métier il s’agissait. Les deux Égyptiennes s’étaient effondrées sur les coussins et s’amusaient à lécher mutuellement leurs épaules imbibées de Champagne… Très vite, elles ne se bornèrent pas là.

Complètement saoules, elles ne se préoccupaient aucunement des autres invitées, occupées à se donner mutuellement du plaisir. Le sheikh, ses bons gros yeux hors de la tête, les arrosait de temps en temps, comme un rôti à la cuisson. Soudain, il les sépara et attira sa légitime épouse dans un creux de coussins. La sœur ne lâcha pas prise et les trois corps se mêlèrent en une sorte de nœud obscène et surréaliste…

Malko et Eleonore détournèrent pudiquement les yeux.

Tout à coup, il y eut un bruit de voiture à l’extérieur et les deux Yéménites se levèrent d’un bloc. L’un d’eux, une mitraillette plaquée or en bandoulière, alla à la porte du patio.

Il revint, toujours impassible, et alla se pencher sur son maître, sans paraître remarquer ses activités. Aussitôt, le sheikh Sharjah se redressa sur un coude et cria :

— Voilà Amina : La Perle du Caire.

Un petit groupe apparut à la porte. Amina, en tailleur à la jupe super-mini, avec des bas noirs, et de hauts talons. Derrière elle, les trois musiciens du night-club. Elle était presque aussi maquillée que le jour où Malko l’avait vue… Elle promena un regard effaré sur les corps vautrés un peu partout.

Le plus âgé des musiciens vint se casser en courbettes devant le sheikh, l’assurant de son dévouement total et éternel. Abu Sharjah héla Malko.

— C’est bien d’elle qu’il s’agit ?

— Absolument !

Toutes les dents d’or du sheikh étaient dehors. Le bain, l’alcool et son mariage contribuaient à sa bonne humeur.

— Elle va danser pour vous, dit-il. Ensuite, elle vous offrira sa compagnie.

C’étaient les Mille et une Nuits !

La danseuse disparut dans la maison. Les musiciens s’installèrent dans un coin du patio, avec un regard dégoûté pour les bouteilles d’alcool. Ils devaient pourtant avoir l’habitude… L’épouse et la belle-sœur, à nouveau décentes, servaient de coussins au sheikh qui continuait à s’imbiber de scotch. Des serviteurs passaient sans cesse, avec du thé à la menthe, du café à la cardamome, des boulettes de viande aromatisées. Malko sourit tout seul. Si les comptables de la C.I.A. pouvaient le voir.