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C’était une situation démente ! Et sans issue. Découragé, Malko se laissa attirer sur le divan. Aussitôt Amina commença à le déshabiller avec le détachement d’une infirmière major. Elle parut d’abord surprise par son absence visible d’intérêt. Mais aussitôt, elle commença à le caresser d’un mouvement lent régulier et inéluctable. Comme un robot tiède et bien programmé. Elle avait les yeux ouverts, sans expression.

C’était terrifiant. Mais, à la fin efficace… Lorsqu’elle jugea le résultat satisfaisant, elle l’attira sur elle, creusa les reins, le guida.

Ce fut l’orgasme le plus triste que Malko eut jamais expérimenté. Les traits d’Amina étaient de marbre. Son sexe sec et resserré. Quand Malko explosa en elle, mourant de honte, elle détourna la tête. Puis aussitôt, elle glissa sous lui comme une anguille, se releva. En quelques secondes, elle fut rhabillée. Malko en fit autant. Puis ils sortirent et regagnèrent le patio.

Eleonore Ricord fumait sur des coussins, à l’écart. Le sheikh somnolait entre les deux Égyptiennes. L’orchestre continuait à jouer en sourdine. Amina eut un sourire mécanique pour Malko et se dirigea vers les musiciens. Il rejoignit la vice-consul qui lui jeta un regard à geler un iceberg.

— C’était assez exotique à votre goût ? attaqua-t-elle d’un ton acerbe. Vous êtes le genre de types qui draguent à Harlem les petites filles de quinze ans. C’est abject !

Malko réprima une furieuse envie de lui donner une fessée. Les apparences étaient contre lui.

— Je peux vous jurer que je n’ai pris aucun plaisir à ce que j’ai fait, dit-il. Je ne suis pas au Koweit pour faire des galipettes avec des danseuses du ventre.

Eleonore Ricord eut un ricanement outré.

— C’est une étude sociologique, peut-être ?

— Non, c’est ma seule piste, répliqua Malko furieux.

Rapidement, il expliqua à la Noire pourquoi il avait demandé à ce que Sharjah invite Amina. Mois Eleonore ne désarma pas.

— Pourquoi ne pas demander son aide ?

— Je n’ai pas envie qu’il la torture, dit Malko. Sharjah est un allié charmant, mais un peu trop porté sur la cruauté.

L’image de Jafar attaché derrière la Buick le hantait.

Brusquement, il réalisa que l’orchestre s’était arrêté de jouer. Ils pliaient bagages… Malko abandonna aussitôt la Noire et fonça sur le sheikh qui ouvrit un œil vitreux.

— Je voudrais pouvoir revoir cette fille, dit Malko. Connaître son adresse.

Sharjah s’extirpa de ses coussins, une lueur polissonne et ravie dans ses gros yeux.

— Elle a été gentille ?

— Très gentille, affirma Malko.

Si elle avait pu lui arracher les yeux avec ses ongles et les gober ensuite comme des œufs de pigeons, elle l’aurait sûrement fait avec plaisir…

— Je m’en occupe, dit le sheikh, s’extirpant de ses Égyptiennes.

Il fonça sur les musiciens, discuta plusieurs minutes. Finalement, de mauvaise grâce, le vieux musicien griffonna sur un bout de papier quelque chose en arabe. Sharjah ajouta dessous la traduction en anglais, et revint tendre le bout de papier à Malko.

— C’est à Sulimiya, expliqua-t-il. Dans Bagdad Street. Elle sera toujours heureuse de vous voir.

À voir l’expression d’Amina, ce n’était pas évident.

Les musiciens s’éclipsèrent, Amina en tête, après les courbettes à ras de terre. Ayant conscience d’avoir rempli ses devoirs d’hôte, le sheikh retourna à la consommation de son mariage hebdomadaire. Malko alla récupérer Eleonore.

— Je vais avoir besoin de vous, annonça-t-il.

Elle eut un sourire acerbe, toutes griffes dehors :

— Une Arabe, ça ne vous suffit pas ? Vous voulez une Négresse en prime ?

— Non, dit Malko. Je veux que vous me trouviez quelqu’un qui connaisse le langage des sourds-muets !

* * *

Le chauffeur de la Chevrolet essaya de lire le numéro totalement effacé sur la façade lépreuse du vieil immeuble. Sulimiya n’était peuplé que d’immigrants, vivant chichement, loin des somptueuses maisons des Koweitis.

— C’est là, dit-il.

Bagdad Street évoquait plus le bidonville que les Mille et une Nuits. Les trottoirs étaient encombrés de détritus, les fenêtres disparaissaient sous le linge à sécher, des nuées de gosses jouaient bruyamment avec le cadavre d’un rat utilisé comme projectile. Mais à trente mètres de là, les boutiques de Salem al Mubarrak Street débordaient de tous les produits de luxe de la civilisation occidentale, offerts au tiers de leur prix… Le faubourg ne comptait pas un seul citoyen koweiti. Grâce aux prêts gouvernementaux, ceux-ci pouvaient emprunter au gouvernement soixante-quinze mille dollars sans intérêt afin de se construire une maison. Ils ne s’en privaient pas.

— Allons-y, dit Malko.

Avec un sourire gêné, Dinah, une jeune Jordanienne, professeur de langage sourd-muet à l’Université de Koweit, sortit la première de la voiture. Elle avait été « recrutée » par Mahmoud, l’amant d’Eleonore Ricord. Les tractations avaient été difficiles et il avait fallu toute la persuasion de l’architecte play-boy pour la décider. Sans parler des cent dollars promis par Malko. Elle parlait anglais et, surtout, connaissait Amina qui avait été son élève.

Ils s’engagèrent dans un escalier nauséabond et étroit, montèrent jusqu’au troisième. Une petite fille avec de longues nattes noires leur indiqua la porte qu’ils cherchaient. Dinah frappa un coup timide. La porte s’ouvrit sur un visage fripé émergeant d’une abaya noire, usée jusqu’à la corde. Dinah commença à s’expliquer avec volubilité. Malko reconnut au passage le nom du sheikh Sharjah et celui d’Amina. Visiblement terrifiée, la vieille les fit enfin entrer dans une pièce minuscule, pauvrement meublée, et s’éclipsa.

— Amina va venir, annonça Dinah.

La danseuse surgit presque aussitôt. En pantalon et pull-over, pas maquillée, paraissant quinze ans.

En apercevant Malko, elle se figea. Ses grands yeux noirs se posèrent sur lui avec une surprise dégoûtée. Aussitôt, Dinah commença une extraordinaire gymnastique avec ses doigts, « parlant » le langage sourd-muet. Peu à peu, l’expression d’Amina s’adoucit. Elle commença, elle aussi, un ballet silencieux avec ses mains, répondant à son interlocutrice.

Malko avait chargé Dinah d’expliquer à la danseuse que, la veille, il ne souhaitait pas du tout profiter d’elle et qu’il avait été désolé qu’elle se croit obligée de se donner à lui. Que le sheikh Abu Sharjah avait péché par excès de zèle. Qu’en compensation, il l’invitait à venir choisir toutes les robes qu’il lui plairait chez Aziz, la boutique la plus élégante de Fahd al Salem Street, les Champs-Élysées koweitis. Langage auquel une femme risquait d’être sensible.

Effectivement, plus la « conversation » avançait, plus l’attitude d’Amina changeait. Elle rit même. La glace était rompue.

Finalement Dinah se tourna vers lui.

— Elle vous pardonne et accepte de venir chez Aziz.

— Alors, allons-y, dit Malko.

Amina s’éclipsa avec un sourire. Quand elle reparut, Malko eut un choc : elle était enveloppée dans une abaya noire ! Ils redescendirent, et Malko, après avoir donné au chauffeur l’adresse d’Aziz, s’installa à l’arrière entre les deux Arabes. Une question l’intriguait.

— Comment Amina peut-elle danser, sans entendre la musique ? demanda-t-il.

Dinah traduisit. Les doigts d’Amina s’agitèrent à toute vitesse.

— Sa sœur était danseuse en Égypte, traduisit Dinah, elle l’admirait beaucoup, et la regardait toujours danser. Peu à peu, elle apprit les gestes et le rythme par cœur. À cause de son infirmité, elle ne pouvait pas trouver du travail. Mais elle était belle. Elle commença à s’entraîner toute seule devant une glace… Puis elle mit un musicien dans la confidence…