Выбрать главу

Un vrai disque de propagande ! Malko n’insista pas. Pour le plaisir, il demanda pourtant :

— Pourquoi n’ont-ils jamais essayé d’enlever Mosche Dayan ? Ils auraient eu tous les rieurs de leur côté.

Winnie n’apprécia pas. Renfrognée, elle ouvrit la porte de la cuisine pour retourner dans le salon. Malko lança sa flèche du Parthe :

— Vous la faites aussi coucher au pied de votre lit, votre Palestinienne ?

Winnie se retourna si brusquement que ses longs cheveux balayèrent le mur. Ses yeux avaient une expression à la fois furieuse et trouble, comme si Malko avait touché un point sensible.

— Elle part tous les soirs à neuf heures, quand elle a fini son service, jeta-t-elle. Ce n’est pas une esclave.

C’est tout ce que voulait savoir Malko. La réception était maintenant presque vide. Le sheikh Sharjah attendait Malko dans un coin en sirotant un Pepsi subrepticement renforcé d’une bonne rasade de scotch. Incorrigible. Dès que Malko l’eut rejoint, ils prirent congé de leurs hôtes.

Heureusement, il ne pleuvait plus. Malko regarda autour de lui. En face du palais d’Abdul Aziz Zaki s’alignaient trois villas exactement semblables ! Les Koweitis aisés commandaient leurs maisons par demi-douzaine, comme des chemises. C’était moins fatigant pour l’esprit.

— Je vous dépose quelque part ? demanda le sheikh Sharjah.

Malko entra dans la Buick.

— Chez Richard Green, demanda-t-il.

Sharjah semblait soucieux. Il donna plusieurs coups de fil, tout en conduisant. Puis se tourna vers Malko.

— Ce n’était pas drôle chez Zaki, hein ! Vous n’avez rien appris.

— Non, mais je ne regrette pas d’être venu, dit Malko. Winnie Zaki est absolument fascinante.

Le sheikh Sharjah, se méprenant sur le sens de la remarque ricana discrètement.

— C’est une très belle femme, fit-il. Zaki a de la chance.

Malko, perdu dans ses réflexions ne répondit pas.

Pour l’instant, il avait décidé de ne pas partager sa découverte avec le Koweiti. Pour garder les mains libres. Évidemment, la fois précédente, cela ne lui avait pas tellement réussi.

Le sheikh remonta Istiqual Avenue à toute vitesse et stoppa devant la maison de Richard Green. Presque en face de l’ambassade de Libye. Malko s’extirpa rapidement de la Buick. Il lui restait vingt-cinq minutes.

* * *

— C’est elle ! souffla Malko.

Fawzia, la domestique palestinienne venait de passer sous un réverbère et partait en courant vers le croisement d’Istiqual et du Troisième Ring, cent mètres plus loin. Richard Green démarra sans allumer ses phares. La Cadillac avança sans un bruit Malko se retourna : personne d’autre n’était sorti du palais d’Abdul Zaki. Les lèvres serrées, les muscles des mâchoires crispés, Richard Green ne quittait pas des yeux la silhouette qui courait devant eux. Une mitraillette « grease-gun » M. 1 était posée entre les deux sièges, avec plusieurs chargeurs. Malko avait chargé son pistolet extra-plat de balles explosives. Si le raisonnement de Malko était juste, la Palestinienne allait les mener au commando de tueurs. Quand il avait entendu le récit de Malko, Richard Green avait bondi. « On va les liquider ! s’était-il exclamé avec jubilation. Comme des chiens enragés. » Bien que haïssant la violence directe, Malko s’était rendu aux raisons du chef de station de la CIA. Ils tenaient probablement une occasion unique.

La Palestinienne ralentit.

— Elle va probablement prendre l’autobus, remarqua l’Américain.

Effectivement, Fawzia s’arrêta au pied d’un arrêt d’autobus. Richard Green stoppa aussitôt. La Palestinienne ne semblait pas avoir remarqué la présence de la Cadillac. À la lumière d’un réverbère, elle lisait un illustré.

Malko se demanda si elle connaissait la provenance de son chemisier.

Le bus vert arriva, et la Palestinienne monta dedans. Il continua le Troisième Ring vers l’est, s’arrêtant assez peu. Il y avait peu de circulation et il roulait vite. Richard Green avait rallumé ses phares et roulait à une vingtaine de mètres derrière lui. Le bus arriva à Al Khalij al Arabi, la promenade du bord de mer et tourna à gauche, passant devant le Hilton, la station de T.V., les tours en construction, l’Amiri Hospital. La Palestinienne descendit un peu plus loin, avant le Sief Palace et le vieux port de pêche. Elle traversa et s’enfonça dans une petite rue perpendiculaire à la promenade.

Malko et Richard Green abandonnèrent précipitamment la Cadillac et partirent derrière elle à pied. Au passage Malko nota le nom de la rue : Abu Obida Street. Heureusement, elle était très sombre. Ils marchaient côte à côte en silence, la « grease-gun » cachée sous l’imperméable de Richard Green. La Palestinienne ne se retourna pas et disparut dans une maison, à gauche. Ils continuèrent, examinèrent la maison en passant devant, puis s’arrêtèrent un peu plus loin. Abu Obida Street semblait abandonnée. Les portes et les fenêtres autour d’eux étaient béantes, noires.

— C’est le quartier dont l’émir a relogé les habitants, remarqua Richard Green. Certains Palestiniens se sont installés dans les maisons vacantes. Ils ne paient pas de loyer.

Ils attendirent, dissimulés sous une porte cochère vide.

— On y va ? demanda Richard Green.

Piaffant d’impatience. Bien que ce soit grave pour un Américain occupant un poste officiel à l’ambassade de faire irruption chez des Palestiniens, mitraillette au poing.

Mais s’ils réussissaient à mettre hors de combat le commando palestinien chargé de tuer Henry Kissinger, la CIA leur pardonnerait les vagues diplomatiques.

— On y va, approuva Malko.

Richard Green arma la « grease-gun ». Dans son imperméable, il avait deux chargeurs de rechange. La porte où s’était engouffrée la Palestinienne donnait sur une cour intérieure, entourée de maisons aveugles. Une seule lumière brillait à gauche, au premier étage.

Malko s’engagea le premier dans l’escalier trop étroit pour passer à deux de front. Ils aboutirent très vite à un palier exigu. Ils avaient dû faire du bruit, car il y eut un bruit de pas et une porte s’ouvrit en face d’eux. Malko eut le temps de reconnaître le Palestinien massif qui avait voulu le poignarder dans l’ascenseur du Phoenicia. Ce dernier tenta aussitôt de refermer la porte en hurlant quelque chose. Malko fut plus rapide que lui, se jetant de tout son poids sur le battant. Celui-ci se rabattit violemment à l’intérieur. Malko enregistra la scène en une fraction de seconde : le couvert était mis pour trois personnes, sur un tapis posé à même le sol. Tournant le dos à la porte un homme fouillait fébrilement dans une valise… le Palestinien au poignard avait déjà la main sur le levier d’armement d’un pistolet-mitrailleur BRNO quand la balle de Malko lui transperça la gorge, explosant contre ses vertèbres cervicales, lui mettant le cervelet en bouillie.

La seconde et la troisième lui firent éclater les bronches, le haut de l’aorte et une partie du cœur. Les doigts crispés sur le lourd pistolet-mitrailleur, il tomba en avant d’un bloc, inondant l’orme de son sang.

Le second Palestinien commençait à tirer à genoux, avec le BRNO pris dans la valise, quand la M. 1 de Richard Green le coupa pratiquement en deux, en une diagonale qui lui déchiqueta les reins et le foie.

Richard Green referma la porte derrière lui d’un coup de pied, fit tomber son chargeur par terre, et en remit un plein aussitôt.

Lui et Malko s’appuyèrent au mur, encore assourdis par les détonations, l’âcre odeur de la cordite leur raclant la gorge.

Moins d’une minute s’était écoulée depuis leur arrivée sur le palier.