Lorsque nous le lui avons demandé, M. Doumer fut séduit par la pensée que son oeuvre servirait à l’éducation des jeunes émigrés russes à l’étranger.
Le président de la République se rendait bien compte combien ses conseils pouvaient être utiles à l’enseignement de ces jeunes gens.
Le sort a voulu que ce soit justement un Russe qui, dans un geste odieux et insensé, ait bassement assassiné celui qui, malgré ses occupations si multiples et si absorbantes, avait encore trouvé le temps d’écrire cet ouvrage pour donner des conseils et des préceptes à la jeune génération, aux futurs citoyens de son pays.
Qui sait? – peut-être, si l’abject assassin avait en son temps reçu cet enseignement, si plein de sollicitude et de cordiale sincérité, sa main criminelle aurait-elle hésité avant de commettre son terrible forfait et son cerveau détraqué aurait- il été dirigé vers d’autres voies, pures et autrement fécondes.
En publiant en langue russe le «Livre de mes Fils» de M. Paul Doumer, l’éditeur s’adresse tout particulièrement à la jeunesse russe à l’étranger. L’éminent auteur, défunt président de la République Française, père de cinq fils, dont quatre sont morts d’une mort héroïque au service de la Patrie, pendant la Grande Guerre, a dédié son livre au souvenir de ses fils et Га écrit pour les jeunes gens.
Il a estimé que la jeunesse contemporaine française avait besoin d’être conseillée et guidée; sous la forme de causeries, simples et sincères, il a exposé, dans son ouvrage, ses idées sur la vie, telle qu’il faut la vivre pour qu’elle soit utile, belle, généreuse, noble et aussi heureuse.
M. Paul Doumer n’avait pas l’intention d’établir un code de morale rigide, ni de composer un système philosophique. Attachant une importance toute particulière à l’éducation familiale par la parole et par l’exemple, il nous a présenté une famille de bourgeois moyens, dans laquelle le soir, après une journée de travail fécond, le père, la mère et les enfants se trouvent réunis dans l’atmosphère calme et affectueuse du foyer, et causent tranquillement des grands problèmes de l’existence quotidienne.
Dans cette famille, il n’existe ni lutte, ni incompréhension mutuelle entre les parents et les enfants.
Le père donne à ses fils des conseils basés sur son expérience et sur son savoir; et les enfants, affectueux et confiants, écoutent avec attention et respect les conseils et les réflexions que lui dictent son expérience, son intelligence et son affection.
C’est ainsi que les entretiens roulent sur le patriotisme, le courage, le mariage, l’amour, sur toutes les questions de la vie pratique pouvant préoccuper le jeune homme qui veut devenir un bon citoyen et rester un honnête homme, qui entend avoir une existence noble, heureuse et utile.
L’auteur est convaincu que ces causeries familiales et ces simples conseils laisseront des traces profondes dans l’âme du jeune homme et le guideront dans la vie.
L’exemple personnel du défunt président de la République Française qui, par son travail acharné, sa probité politique et son énergie indomptable a su s’élever au poste de premier magistrat du pays donne à ses conseils et à ses réflexions une force d’enseignement exceptionnelle. La haute noblesse de son caractère, sa forte volonté, son activité agis- santé toujours consacrée au bien de la Patrie, ont fait de lui ce qu’il voudrait que soient tous les futurs citoyens de son pays.
Mais si ces conseils paraissaient à l’auteur nécessaires à la jeunesse française, qui vit dans une République libre et démocratique, combien plus précieux encore doivent-ils être pour la jeunesse russe, déracinée et élevée en exil, en dehors des conditions normales d’éducation et d’instruction.
La catastrophe qui a bouleversé la Russie, a privé ces jeunes gens de leur patrie; elle les a jetés dehors et dispersés à travers le monde entier. N’ayant ni guides, ni éducateurs, agités par les tendances politiques les plus diverses et les plus opposées, ils sont douloureusement ballottés dans tous les sens et cherchent ardemment et passionnément leur voie dans la vie.
Il nous est apparu que dans ces circonstances douloureuses, dans ces perpétuelles recherches du «comment vivre», les réflexions de M. Paul Doumer, pleines de noblesse et de sincérité, et la fermeté de ses principes pouvaient rendre de grands services à la jeunesse russe et l’aider à s’orienter au milieu du chaos moderne.
Tel est le but de cette édition.
Oreste Zeluk.
Предисловие Поля Думера
После испытания
«Книга моих сыновей» появилась впервые в начале 1906-го года, за восемь лет до страшного испытания, которому подверглось молодое поколение Франции.
Неоднократно, со времени окончания войны, просили меня переиздать эту книгу[1]. До сих пор, однако, мне казалось нужным воздержаться от этого.
Слишком много перемен было возможно в национальной жизни; слишком много вещей казались неустановившимися.
Ввиду того, что большинство людей ненавидят войну и считают ее страшным бедствием, я льстил себя надеждой, что между цивилизованными странами быстро установится новый политический порядок, способный дать неизвестные прежде гарантии мира. Защита нашей победоносной родины стала бы для молодого француза менее суровым, менее требовательным долгом. Вследствие этого, некоторые страницы книги следовало бы изменить.
С другой стороны, как это всегда бывает после больших переворотов, после более или менее длительных периодов, когда царствуют всемогущими властелинами страдание и смерть, вихрь безумия охватил людей всех классов, мужчин и женщин, духовные силы которых не в состоянии были перенести грозу. Жить! Жить интенсивно, безумно, – к этому сводилась вся их программа. Чтобы вознаградить себя за воздержание, труд и волнения войны, нужны были все материальные наслаждения жизни. Труд, экономия, честность, приличия – старые слова, старые, забытые понятия. В моде были лишь праздность и веселье, спекуляция и расточительность, грубые нравы и грубые наслаждения.
Как заставить себя слушать в этом вихре, как напомнить молодежи важные обязанности человека и гражданина? Как не возмущаться при виде людей, забывающих все, вплоть до траура Родины, лишенной своих лучших детей, вплоть до горя миллионов семейств, понесших столь тяжкие потери?
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Предыдущие издания «Книги моих сыновей», в декабре 1905-го и январе 1906-го гг. привели к последовательным тиражам, давшим в общем тридцать тысяч экземпляров. Эти издания давным-давно распроданы. Экземпляры остаются в публике, сохраняются в семьях, и редко какой-нибудь из них появляется у букинистов. Перепечатание книги являлось, следовательно, необходимым. (Примечание издателя – 1923).