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— J’ai subi beaucoup de bouleversements, moi aussi. Je m’efforce de recoller les morceaux. Je pars pour le Mexique après-demain. À Ensenada, au sud de San Diego. Pour mon propre compte.

— Ce ne sont pas des vacances ?

— Je compte étudier la transmission latérale des anciens rétrovirus.

— C’est de la connerie. Un truc que la Brigade a inventé pour ne pas être dissoute.

— Oh, il se passe quelque chose, n’en doutez pas. Cinquante cas recensés jusqu’ici. Mark n’est pas un monstre.

— Je n’en suis pas si sûr que ça, dit Mitch, qui jeta un regard lugubre au désert et à la caravane.

— Mais je pense que le virus qu’ils ont découvert n’y est pour rien. J’ai consulté des archives sur le Mexique. Et j’ai trouvé des cas similaires datant d’il y a trente ans.

— J’espère que vous les remettrez dans la bonne direction. On s’est bien plu ici, mais ça aurait pu être mieux… si les circonstances avaient été différentes.

Kaye sortit de la caravane, un moniteur de surveillance portable à la main. Maria lui tendit un sandwich sur une assiette en carton. Elle rejoignit Mitch et Christopher.

— Que pensez-vous de notre pelouse ? demanda-t-elle.

— Christopher va s’attaquer à l’épidémie mexicaine, l’informa Mitch.

— Je croyais que vous aviez quitté la Brigade.

— C’est exact. Ces cas sont avérés, Kaye, mais je ne pense pas qu’ils soient directement liés à SHEVA. Il y a eu tellement de rebondissements dans cette histoire – l’herpès, Epstein-Barr. Vous avez dû recevoir le bulletin du CDC à propos des anesthésiques.

— Notre médecin l’a eu, dit Mitch.

— Sans lui, nous aurions peut-être perdu Stella.

— D’autres bébés SHEVA ont survécu à leur naissance. Augustine doit gérer ça. Je veux seulement lui faciliter la tâche en découvrant ce qui se passe au Mexique. Tous les cas sont apparus là-bas.

— Vous pensez que ça vient d’une autre source ? demanda Kaye.

— Je compte bien le découvrir. J’arrive à marcher un peu, maintenant. Je vais engager un assistant.

— Comment allez-vous faire ? Vous n’êtes pas riche.

— Je suis subventionné par un excentrique new-yorkais.

Mitch écarquilla les yeux.

— William Daney ?

— Lui-même. Oliver et Brock tentent de monter un coup médiatique. Ils m’ont jugé capable de rassembler les preuves. C’est un boulot, et j’y crois, bon sang. Le fait de voir Stella… Stella Nova… m’en a fait prendre conscience. J’avais perdu la foi.

Wendell et Maria vinrent les rejoindre, et Wendell pêcha un magazine dans un sac en papier.

— J’ai pensé que vous aimeriez voir ça, dit Maria en le tendant à Kaye.

Elle regarda la couverture et éclata de rire. C’était un numéro de Wired où était imprimée, sur fond orange fluo, la silhouette d’un fœtus avec un point d’interrogation vert en son centre. La légende disait : Humain 3.0 : une mise à jour plutôt qu’un virus ?

Oliver vint les retrouver.

— Je l’ai vu, dit-il. Wired n’a guère d’influence à Washington, ces temps-ci. Les nouvelles sont presque toutes mauvaises, Kaye.

— Nous le savons, l’informa-t-elle en repoussant de son front une mèche de cheveux bousculée par la brise.

— Mais il y en a quand même des bonnes. Brock m’a dit que National Geographic et Nature avaient fini de faire relire son article sur les Neandertaliens d’Innsbruck. Ils vont le publier simultanément dans six mois. Il y parle nommément d’un événement évolutionnaire attesté, d’une subspéciation, et il y mentionne SHEVA, quoique de façon marginale. Christopher vous a dit, à propos de Daney ?

Kaye acquiesça.

— Nous approchons de la dernière ligne droite, reprit Oliver d’un air farouche. Il suffit que Christopher traque ce virus au Mexique et enfonce sept laboratoires d’importance nationale.

— Vous y arriverez, dit Mitch à Christopher. Vous avez été le premier sur le coup, même avant Kaye.

Les visiteurs se préparaient au long périple à travers les bad-lands qui devait les mener hors de la réserve. Mitch aida Christopher à s’installer dans l’habitacle, et ils se serrèrent la main. Alors que Kaye embrassait tout le monde, une Stella ensommeillée dans les bras, Mitch vit le pick-up de Jack descendre le chemin de terre.

Sue n’était pas avec lui. Il s’arrêta tout près de la fourgonnette, faisant gémir ses freins. Mitch se dirigea vers lui en le voyant ouvrir la portière. Il ne descendit pas.

— Comment va Sue ?

— Elle tient le coup. Chambers ne peut pas l’aider avec ses drogues. Le docteur Galbreath veille au grain. Nous attendons.

— Nous aimerions la voir.

— Elle est de mauvaise humeur. Elle m’engueule souvent. Demain, peut-être. Maintenant, je vais faire sortir vos amis par la vieille piste.

— Nous vous en sommes reconnaissants, Jack.

Jack cilla et fit la moue, l’équivalent chez lui d’un haussement d’épaules.

— Il y a eu une réunion extraordinaire cet après-midi. La vieille Cayuse a remis ça. Certains des employés du casino ont formé un petit lobby. Ils sont furieux. Ils disent que la quarantaine va nous ruiner.

Ils n’ont pas voulu m’écouter. Ils prétendent que je suis partial.

— Que pouvons-nous faire ?

— Sue les traite de têtes brûlées, mais leur colère est justifiée. Je voulais seulement vous tenir au courant. Nous devons tous nous préparer.

Mitch et Kaye agitèrent les mains pour saluer le départ de leurs amis. La nuit tomba sur la campagne. Kaye profita encore quelque temps de la douceur de l’air, donnant le sein à Stella sous le chêne jusqu’à ce que vienne l’heure de la changer.

Changer les couches aidait Mitch à garder les pieds sur terre. Pendant qu’il lavait sa fille, elle chantonnait doucement, évoquant un chœur de pinsons dans des frondaisons agitées par la brise. Elle était si à l’aise que son front et ses joues viraient presque au rouge vif, et elle agrippa l’index de Mitch.

Il la cala sur sa hanche et la promena un peu, suivant Kaye qui mettait les couches dans un sac pour les porter à la laverie. Kaye se retourna alors qu’ils se dirigeaient vers l’appentis où se trouvaient les lave-linge.

— Que t’a dit Jack ?

Mitch la mit au courant.

— Nous vivrons sur la route, dit-elle sans s’alarmer. (Elle s’était attendue à pire.) Faisons nos bagages dès ce soir.

91.

Comté de Kumash, est du Washington

Mitch émergea d’un profond sommeil sans rêves pour se redresser sur le lit, l’oreille tendue.

— Quoi ? murmura-t-il.

Kaye était allongée près de lui, immobile, et ronflait doucement. Il se tourna vers la petite étagère de Stella, fixée au mur, et vers le réveil qui y était posé, dont les aiguilles luisaient d’un éclat vert dans les ténèbres. Deux heures et quart du matin.

Sans réfléchir, il glissa jusqu’au pied du lit, se leva, vêtu de son seul short, et se frotta les yeux. Il aurait juré qu’on avait dit quelque chose, mais tout était tranquille. Puis son cœur se mit à battre la chamade, et il sentit des signaux d’alarme irradier ses bras et ses jambes. Il jeta un regard à Kaye par-dessus son épaule, envisagea de la réveiller, puis se ravisa.

Mitch savait qu’il allait fouiller la caravane, vérifier qu’ils étaient en sécurité, s’assurer que personne ne rôdait dans les parages, prêt à leur tendre une embuscade. Il le savait sans même avoir eu besoin d’y réfléchir, et il se prépara à l’action en saisissant un barreau d’acier qu’il avait planqué sous le lit pour parer à ce genre d’éventualité. Il n’avait jamais possédé d’arme à feu, ne savait même pas s’en servir, et, en entrant dans le séjour, il se demanda si c’était raisonnable.