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Brusquement, Dirk repensa à Kryne Lamiya, où il avait découvert deux aéronefs à l’abandon sur une aire d’atterrissage balayée par les vents. Il reposa pensivement son verre, s’essuya les lèvres du dos de la main, puis retourna devant l’écran mural.

Trouver les aires de stationnement pour ce genre de véhicule dans Larteyn ne lui posa aucun problème. Il y en avait au sommet de chacune des tours résidentielles principales, sans compter le gigantesque garage public aménagé sous la cité, dans les profondeurs des roches. L’annuaire de la ville lui apprit qu’on pouvait atteindre celui-ci en empruntant n’importe laquelle des douze lignes de métro espacées régulièrement sous Larteyn ; ses portes dissimulées s’ouvraient au centre de la falaise abrupte qui surplombait les Terres communes. Si des Kavalars avaient abandonné des appareils de ce type dans leur cité, c’était là qu’il les trouverait.

Il prit l’ascenseur jusqu’au rez-de-chaussée. Grand Satan avait dépassé le zénith, et s’enfonçait lentement en direction de l’horizon. Les rues de pierrelueur avaient perdu de leur éclat ; elles s’assombrissaient dans les zones baignées par le rougeoiement du soleil. Mais Dirk retrouvait le feu glacé de la cité sous ses pieds lorsqu’il pénétrait dans les plages d’ombre qui séparaient les tours carrées d’ébène, le rougeoiement doux du rocher qui s’estompait sans disparaître entièrement. Lui aussi créait des ombres, à l’air libre, de sombres ectoplasmes qui se superposaient maladroitement sans jamais vraiment coïncider. Et il marchait trop vite pour que son passage puisse ramener les pierrelueurs à la vie. Il n’y avait personne en vue, mais t’Larien ne pouvait s’empêcher de penser aux Braiths avec une certaine appréhension.

Il passa devant un bâtiment manifestement encore habité : un immeuble carré, surmonté d’un toit en dôme, dont la porte était flanquée de deux piliers de fer noir. Enchaîné à l’un d’eux se trouvait un chien de chasse aux yeux rouges brillants, plus grand que Dirk ; sa face allongée dépourvue de poils lui rappelait confusément celle d’un rat. La créature était en train de ronger un os, mais elle bondit sur ses pattes à son passage en lâchant un grondement sépulcral. L’habitant de cette demeure n’avait visiblement aucune envie de recevoir de la visite.

Le métro fonctionnait toujours. Dirk descendit sous terre, laissant la lumière du jour derrière lui pour se retrouver à marcher dans les étroits passages inférieurs, là où Larteyn ressemblait vraiment aux étaux de Haut Kavalaan. Il traversa des salles de pierre aux vastes échos, avec des suspensions de fer forgé, des portes de métal de toutes parts, des salles à l’intérieur d’autres salles. Une forteresse de pierre, avait dit Ruark. Un véritable fortin, dont aucune partie ne pourrait être aisément retirée. À l’abandon, désormais.

Le garage, faiblement éclairé, s’étendait sur plusieurs niveaux. La surface de chaque étage ne permettait d’y garer qu’un millier de véhicules. Dirk marcha dans la poussière une bonne demi-heure avant d’en dénicher un, qui se révéla totalement inutilisable. Elle aussi en forme d’animal, cette machine avait été façonnée en métal bleu-noir sous la forme grotesque d’une chauve-souris géante. Elle était bien plus réaliste – et effrayante que le banshee-raie plutôt stylisé de Jaan Vikary. Mais ça n’était malheureusement qu’une carcasse vide. Une des ailes de la chauve-souris ornementale était tordue, à demi fondue, et il ne restait en fait que la coque de l’appareil. Les agencements intérieurs, les générateurs d’énergie, l’armement avaient disparu, ainsi que les grilles gravitationnelles certainement, bien qu’il ne pût regarder sous l’épave. Il la contourna et poursuivit son chemin.

Le deuxième appareil ne méritait même plus le nom de véhicule. Il n’en restait rien, à l’exception d’une carcasse métallique garnie de quatre sièges en décomposition, avachis au centre de l’enchevêtrement de longerons. Un squelette, ni plus ni moins, auquel Dirk renonça sans regret.

Les deux suivants étaient intacts, mais ne fonctionnaient plus. Leurs propriétaires avaient dû mourir sur Worlorn, et leurs appareils attendre leur retour dans les profondeurs de la cité jusqu’à se vider de toute leur énergie. Aucun d’eux ne réagit lorsqu’il tenta de les réactiver.

Une heure entière s’écoula avant qu’il ne découvre le cinquième appareil. Et celui-ci se mit en marche bien trop rapidement.

De style purement kavalar, l’engin, recouvert d’une laque argent et blanc, était un coupé trapu aux courtes ailes triangulaires qui semblaient plus inutiles encore que celles des autres aéronefs construits sur Haut Kavalaan. Le métal du capot avait été façonné en forme de tête de loup, et des canons laser trônaient de chaque côté du fuselage. Le véhicule n’était pas fermé à clé. Dirk en souleva le dôme transparent, qui s’ouvrit sans offrir la moindre résistance. Il le referma après être monté à bord, pour ensuite observer les grands yeux de loup avec un sourire mauvais. Puis il vérifia les commandes. L’appareil possédait encore toute sa réserve d’énergie.

Dirk coupa pensivement le contact et se carra dans son siège, histoire de se donner le temps de la réflexion.

Il avait bel et bien trouvé un moyen de transport, pour peu qu’il ose le prendre. Mais il ne devait pas se bercer d’illusions. Cet engin n’était pas abandonné, comme ceux qu’il avait déjà découverts – il paraissait en bien trop bon état pour ça. Nul doute qu’il appartenait à l’un des Kavalars qui se trouvaient encore à Larteyn.

Et si d’aventure les couleurs avaient une quelconque signification, ce devait être celui de Lorimaar, ou d’un des autres Braiths. Se l’approprier ne lui paraissait pas des plus avisé, pour le moins.

Dirk avait conscience des risques que cela lui ferait courir. Malgré son impatience, il ne désirait nullement s’attirer d’ennuis inutiles. Que Jaan Vikary fût son protecteur ou non, voler un aéronef aux Braiths engendrerait une réaction immédiate de leur part.

À contrecœur, il repoussa le dôme et sortit de l’engin. Mais des voix lui parvinrent dès que ses pieds eurent touché le sol. Il laissa redescendre doucement le dôme, qui se ferma avec un cliquetis léger, mais audible. Presque accroupi, Dirk alla se réfugier dans les ombres, à quelques mètres de l’engin-loup.

Leurs voix résonnaient avec force, tout comme le bruit de leurs pas. Ils n’étaient que deux, mais ils faisaient autant de vacarme que dix personnes. Dirk s’était tapi dans une encoignure du mur du garage avant qu’ils n’atteignent la zone de lumière qui entourait l’appareil, dans une petite cavité emplie de crochets auxquels des outils avaient dû être autrefois suspendus. Il n’aurait su vraiment dire pourquoi il se cachait, mais cela lui procurait un profond soulagement. Ce que Gwen et Jaan lui avaient appris sur le compte des autres résidents de Larteyn ne l’avait aucunement rassuré.

« En es-tu vraiment certain, Bretan ? » demanda le plus grand des nouveaux venus. Il ne s’agissait pas de Lorimaar, mais la ressemblance n’en restait pas moins frappante. Cet homme avait la même taille imposante que lui, la même peau halée et le même visage ridé. Mais il était bien plus gros que Lorimaar noble de Braith, et arborait pour sa part des cheveux entièrement blancs ainsi qu’une petite moustache taillée en brosse. Lui comme son compagnon portaient de courtes vestes blanches sur des pantalons et des chemises d’étoffe caméléon, qui avaient pris une couleur presque noire dans la semi-pénombre du garage. Ils avaient tous deux des pistolets laser.