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Ainsi parlait mon baron belge. Une nature.

Et il continuait, le cher homme :

— Lorsque la bride s’est rendue, surtout pas de précipitation : n’arrachez pas ce double bonichon (pour beaux nichons) afin de vous jeter sur la proie comme un soudard. Non, non : attendez qu’il tombe de lui-même, tel le fruit mûr de sa branche. Oubliez-le jusqu’à ce que le relâchement vous ait livré ce que vous convoitiez. Et alors, je vous en conjure : droit à l’extase ! Feignez la stupeur. Oui, agissez comme si ce délicieux surgissement vous prenait au dépourvu. Que ce soit un don du ciel ! Criez carrément au miracle ! Désormais, le présent vous appartient, libre à vous de lui faire un avenir ! »

Ainsi continuait le baron belge, être d’extrême délicatesse qui ne rêvait que plaids et bosses et pour qui les nuits étaient du rose le plus suave.

Je suis ému, voire même zému, de la retrouver !

Maryse. Pourtant, une « ancienne maîtresse » te disparaît de l’émoi au gré des ventres qui lui succèdent. L’homme perd la mémoire du zob. Ne lui subsiste qu’une vague émotion égrillarde. Moi, de la trouver en femme traquée, ma belle somptueuse de La Baule, si joliment dorée par le soleil atlantique jadis, j’en ai le corgnolon noué, promis !

Elle a l’auréole des martyrs.

Au-dessus de sa tête, alors que la plupart l’ont sur leurs draps.

Chérie, va !

J’essuie ses larmes de mon pouce en spatule : virgule à gauche, virgule à droite.

— Racontez-moi, mon chou chéri.

Et je la conduis jusqu’au lit, lequel est bas, donc propice, avec un matelas multisoupirs Espadon et des tas d’avantages en nature qu’à quoi bon te faire mouiller, ma biche, en te les énumérant, avec tout ce que j’ai encore à débloquer sur cette histoire merdeuse !

Elle s’assied, je m’assois, tout est pour le mieux. J’attends son bon vouloir. Mais pour parler, il faut disposer de cordes vocales libres de tout chagrin. Le sien n’en finit pas de finir. Elle a passé des heures cauchemardesques, des jours… Des nuits, surtout !

Je lui bisouille les lèvres. L’encourager.

— J’ai peur, me dit-elle à bouche portante.

— De qui ?

— Je ne sais pas, ce qui ajoute à mon angoisse.

Quand on connaît son ennemi on sait au moins comment le combattre ou, en tout cas, qui fuir.

Bon, ça démarre, parler fait parler, de même que manger donne faim. Allons-y tranquillos.

— Qu’est-ce qui provoque cette frousse, Maryse ?

— On veut me tuer.

— Qui ?

— Mon mari, probablement.

— Il est en prison.

— Lui, oui, mais pas les gens qui sont derrière lui.

— Quels gens ?

— Mystère.

— Vous ne voulez pas me le dire ?

— Franchement, j’ignore tout d’eux.

— Clément Moulayan, cela vous dit quelque chose ?

— Absolument rien.

— Non plus qu’un Hollandais nommé Van Delamer ?

— Jamais entendu ce nom.

— Comment m’avez-vous trouvé ?

— Par hasard. Je suis exténuée et je cherchais un hôtel où dormir. J’errais sur la Promenade des Anglais quand je vous ai vu quitter l’Azur Grand Lux

Le hasard ! Toujours fidèle au rendez-vous.

— Si nous prenions les choses par le début, Maryse ?

— Je suis ivre de fatigue, voilà des jours que je n’ai pratiquement pas fermé l’œil, somnolant dans ma voiture de louage pour repartir plus loin, n’osant carrément descendre dans un hôtel, fût-il un établissement de province.

— Un bain, ça vous irait ?

— Je ne rêve que de ça.

Je lui désigne la salle d’eau.

— Vous y trouverez tout ce qu’il vous faudra, il y a même de la mousse à l’essence de pin ! Comme je déteste les parfums, mon eau de toilette est d’une neutralité helvétique.

— Merci. Vous croyez que quelqu’un m’a vue entrer dans l’hôtel ?

— Naturellement, mais ce qui importe c’est que le ou les quelqu’uns n’appartiennent pas à la bande qui vous effraie ; à ce propos je vous signale que ses membres ont davantage tendance à me fuir qu’à me surveiller. Détendez-vous. D’ailleurs je suis là, et vous avez confiance en moi puisque vous y êtes également, non ?

— C’est vrai, merci.

Maryse exit.

Un brouhaha d’eau coulant impétueusement ne tarde pas à me parvenir. La radio donne le dernier bulletin d’informes. Il s’agit bien de R.M.C. Le poste ensoleillé annonce qu’une explosion a détruit le yacht d’un plaisancier hollandais dans le port de Villefranche.

Quelle surprise !

« Eh bien, me dis-je très franchement, car je suis toujours direct avec moi-même, n’ayant aucune raison prépondérante de me berlurer ; eh bien, mon cher Français, te voici donc près du but, car, maintenant, entre Maryse Lainfame et le mataf du Gerda III, tu vas obtenir la vérité. »

Et ma cervelle de se frotter les mains ! Et mon impatience de se frotter les pieds sur le paillasson du triomphe. Et tout mon être de se mettre en état d’érection ! Vive Sana ! Vive la République !

Que pile au plus fort de ma bandaison spirituelle, on retoque à ma porte. Je vais ouvrir, non sans avoir dégainé l’ami Tu-Tues pour le garder dans la poche de mon veston, quitte à faire stopper celui-ci ultérieurement si je dois défourailler à travers l’étoffe, ce qui m’est arrivé à plusieurs reprises au cours d’une carrière si bien remplie que tu ne trouverais pas assez de place pour y loger l’intégrité d’un marchand de voitures d’occasion.

Pas de rebecca en perspective, mais une surprise de taille, malgré qu’elle soit menue. Le juge Favret ! En personne et robe de chambre satinée à revers de soie dans les tons vieux rose !

Alors là, j’en ai les réacteurs qui désalimentent sec, les cannes qui flageolent, les brandillons en branche de sapin, les châsses à meneaux et la menteuse comme un os de sèche.

Elle, là, à minuit et des, un ruban rose nouant ses cheveux, démaquillée mais plus sublime encore.

Hélène ! Ma si tant tellement convoitée. Ma féerie du moment ! Mon incommensurable (de lièvre) ! La fée du (maréchal des) logis ! La superbe ! La tentante ! L’obsédante ! L’en : chantante, flammante, jôlante, laçante, luminante, noblissante, quêtante, rageante, soleillante, sorcelante, tétante, thousiasmante, travante, trechoquante, vahissante, veloppante, voûtante (oh ! la la ! oui !).

Hélène ! La jugette sans jugeote ! Elle, moi ! Nous ! Ici ! Là ! Venue délibérément. Il est minuit ! L’heure du crime et du docteur Schweitzer ! L’heure de la passion (selon les fruits de Saint-Mathieu) et de l’Alka-Seltzer.

Je n’en peux plus de stupeur ! Je me vide de trop la fixer. J’hémorragise ! Me voici exsangue ! Dolent !

Elle referme la porte. Je la trouve pâle. Un malheur ? On aurait tué son greffier ? Son chien Pataud aurait contracté le rhume des cimes, saint-bernard à ce point ?