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— Eh bien me voilà, balbutie-t-elle, c’est bien ce que vous attendiez ?

Non ! Vraiment ! Elle s’apporte pour moi tout seul ? C’est un vrai cadeau Bonux ? Un don de cosaque du ciel ?

J’avance mes deux mains jusqu’à son doux visage. Son regard chavire. Ses lèvres se retroussent. Ma bouche oblitère la sienne, comme l’écrivait naguèrement Jean Dernalier dans son livre publié par les Laboratoires Roussel dans leur collection sur les grands hypnotiques. Le baiser qui s’ensuit pourrait être de Beethoven si Beethoven n’avait pas été sourd.

J’oublie tout !

J’ai tort.

Car la lourde de la salle de bains livre passage à Maryse totalement nue, avec les poils de sa chattoune emperlés de rosée.

Les deux femmes font : « Ah ! » en s’apercevant. Et puis « Oh ! », pour dire de pousser un peu plus avant leur conversation.

Le juge Favret a le dernier mot puisqu’il rajoute « Aooh », kif une Anglaise venant de poser le pied par inadvertance sur le slip du couronnement de la reine d’Angleterre (ne surtout jamais oublier qu’elle en portait un ce jour-là !).

Elle se sauve !

Adieu, juge, veau, vache, cochon, troussée ! Je contemple d’un œil marri mon infortune et le panneau vibrant de la porte durement claquée. Le coup du siècle vient de me passer au ras de la braguette, les gars ! Un douze pareil ne se rattrape jamais. Ce fut une brève victoire. Quel souvenir ébloui sa visite aurait pu me laisser. Et puis, tu vois : fatalitas !

Maryse est toute contrite.

— Je viens de causer un incident regrettable ? déplore-t-elle, avec un rien d’hypocrisie en toile de fond.

Je chique les désinvoltes :

— Une dame insomniaque, qui cherchait à calmer ses nerfs, fais-je lâchement.

Comme c’est pitoyable, un homme ! Et le coq chanta trois fois.

Il s’agit dorénavuche de ne pas sombrer dans l’onde si lasse des éternels regrets. En avant, toute !

— Voulez-vous boire quelque chose, ma chérie ?

— Volontiers.

— Alcool ? je questionne en ouvrant le minibar.

— De préférence.

— Champagne ?

— J’adore.

J’extirpe un quart de Mumm Cordon Rouge que je débouche en trois coups de pouce. Il n’y a qu’un verre à eau sur le petit plateau avoisinant le frigo.

— Dois-je sonner pour obtenir une flûte ?

Maryse hausse les épaules :

— Qu’importe le contenant, quand le contenu est du champagne. Ce verre fera parfaitement l’affaire.

Je verse doucettement le breuvage mousseux. Dis-moi que tu Mumm.

Maryse est assise sur mon plumard, simplement vêtue de l’oreiller qu’elle a placé sur son ventre. Adossée à la tête du lit capitonné, elle considère son destin d’un œil lucide.

La jeune femme se met à raconter son aventure avec la soudaineté d’un poste de radio à déclenchement horaire.

— Le jour du meurtre, je me trouvais dans notre maison de campagne lorsque mon époux m’a appelée de Paris. Il m’a annoncé qu’il lui arrivait un gros ennui susceptible de ruiner sa situation et me priait de le rejoindre immédiatement. Il ne voulait pas que nous nous retrouvions à l’appartement, mais dans le studio d’un ami, aux Ternes. Nous sommes convenus d’une heure, Michel m’a dit qu’au cas où j’arriverais la première, la clé de ce studio serait sous le paillasson. A l’heure dite, j’étais au rendez-vous. Personne ne répondant à mon coup de sonnette, j’ai effectivement découvert la clé là où il m’avait prévenue qu’elle se trouverait. Je suis entrée. L’endroit ressemblait à une garçonnière et empestait le parfum. Des vêtements d’intérieur féminins étaient accrochés dans la salle de bains.

— Vous aviez entendu parler de ce studio ?

— Non, jamais.

— Il vous a cité le nom de l’ami auquel il appartenait ?

— Non plus ; et pour cause…

— C’est-à-dire ?

— Il louait lui-même cet appartement pour sa maîtresse.

— Comment l’avez-vous su ?

— Elle est survenue pendant que j’attendais.

— Passionnant.

— Vous trouvez !

— Au plan du récit, oui. Vous connaissiez son existence ?

— Oh ! je me doutais bien que Michel avait « quelqu’un », notre ménage, vous ne l’ignorez pas, battait de l’aile depuis belle lurette.

— Et alors, cette dame arrive ?

— Elle tenait une valise à la main et a paru sidérée par ma présence. « Ah ! le salaud ! s’est-elle écriée, il profite de mon absence pour recevoir d’autres femmes dans mon propre studio ! » Nous avons échangé quelques explications, histoire de nous révéler l’une à l’autre qui nous étions, ensuite j’ai pris mes cliques et mes claques.

— Elle était rentrée inopinément de voyage ?

— Il semblerait.

— Vous ne vous êtes pas demandée pourquoi Lainfame vous avait donné rendez-vous dans son baisodrome ?

— Je me pose la question sans trêve, répond-elle comme une qui a trouvé la réponse.

Je lui tends le verre de champagne dont la mousse commence à s’assagir.

Elle le prend et l’élève quelque peu en un toast machinal.

— A votre santé ! lui dis-je.

Maryse boit une forte gorgée. Elle a à peine le temps de déglutir, la voilà qui lâche son godet et se met à suffoquer.

« Merde, elle s’étouffe ! pensé-je, comme Sancho le fit sur son âne. Mieux : elle se meurt. Elle est morte ! Elle a mouru. Elle a mortu. A votre santé ! viens-je de lui lancer. Merci pour elle ! »

PROLOGUE

Ne nous perdons pas en vaines lamentations, décoctions, dissertations et bredouillis en tout genre. Affrontons. Assumons. Soyons dignes de cette réputation qui a franchi les frontières à bord du Trans Europe Express et de quelques jets ayant fait leur plein de schizophrènes, comme dit Béru. Ne jamais se désunir, ni se départir. Rester groupés, monolithiques, massifs ! En boule ! En bull-mastif !

La situation est dra-ma-tique. Mais non désespérée.

Du moins pour moi, car la pauvre chère Maryse est au bout de ses peines, elle.

J’essaie de piger.

Je pige.

C’est moi que j’aurais dû défunter. On a versé deux gouttes d’acide prussique dans l’unique verre posé sur le mini-bar. Ainsi ces rascals, comme on dit aux U.S.A., se sont introduits dans ma carrée pour me mijoter ce tour borgiaque. Il leur a suffi d’emporter les autres glass et de laisser ma soif faire le reste ! Ça, c’est astucieux !

Je tâte le pouls de la malheureuse jeune femme. Tout est archifini. Je signe Delacroix. Elle est cannée comme une chaise. Si vite, si sottement…

Ah ! vie cruelle, tu ne nous ménages pas ! Tu aurais même tendance à nous déménager.

Je décroche mon turlu. Sonne le juge Favret.

Elle répond d’un grognement.

— C’est moi, fais-je. Il faut absolument que…

Elle raccroche.

Je rappelle mais son turlu est resté débranché. Alors je griffonne quelques lignes sur le papier de l’hôtel et pars à travers les couloirs semés de beaux tapis. Parvenu devant sa chambre : toc toc ! C’est le grand méchant loup, gentil Chaperon Rouge, avec son petit pot de beurre et son gros braque. Elle s’abstient. Comprenant qu’il serait vain, vin, vingt de réitérer, l’Antonio coule son message sous la porte, ne laissant dépasser à l’extérieur qu’un mignard triangle. Je m’éloigne pour la frime, reviens à concert pas de loup pour m’assurer qu’elle l’a emparé.

Le brimborion de triangle disparaît.

Je compte jusqu’à deux, mais très lentement. « Voilà, me dis-je, elle prend connaissance du mot. » Et, mentalement, je me le récite de mémoire.