— Si qu’il ferait des réticeries, prévenez-moi, ma gosse, déclame le Mélodieux, j’sus t’à vot’ dispose pour ouvrir l’clapet des calcitrants. Quand tonton Béru pose des questions, on lu répond, c’est recta !
Je soupire.
— Franchement, juge, on va stopper là l’entretien, je vous ai offert un beau bouquet de renseignements, non ?
— Je mettrai cela en clair, fait le juge.
— Vous trouvez que ça ne l’est pas ?
— Beaucoup de points restent obscurs. Par exemple, vous êtes-vous demandé pourquoi Lainfame prétendait avoir revolvérisé sa femme ?
— Elle devait l’être par les tueurs, pardine !
— Mais la maîtresse qu’ils ont soi-disant prise pour elle a été poignardée ! Vous galopez trop vite, commissaire, moi, je réfléchis et je me demande : et si c’était M’m Lainfame qui avait assassiné Aline Sambois ? Les tueurs à gage, trouvant le travail accompli n’ont qu’à apporter le cadavre rue de Rennes. En outre, cela expliquerait mieux la fuite de notre amie Maryse. Il me reste à vérifier tout cela, commissaire.
— Non, rétorqué-je, il reste autre chose à faire, d’extrêmement mieux, Hélène, mais pour cela j’aimerais que nous demeurions en tête-à-tête !
Elle balbutie :
— Oh ! Com… commissaire…
Et moi, péremptoire, à Roupille et Béru :
— Si vous voulez bien nous laisser, messieurs, c’est confidentiel.
— Je ne sortirai que si le juge Favret m’en donne l’ordre ! déboute le squale avarié.
D’un pas lent et noble de paysan arpentant son domaine, Béru va à lui.
— On t’a dit qu’y faut qu’on va sortir, bout d’homme. Tu veux pas qu’on t’le r’demande par lettre recommandée av’c accusé d’déception, non ?
Il l’empoigne par le colback et l’emporte, comme l’ogre emportait j’sais plus qui, mais il avait raison. Roupille glapit, trépigne, en appelle à la loi, à la force publique.
— Te fais pas péter les ficelles, l’Ancêtre, morigène le Gros, la force publique, c’est moi, d’allieurs, je viens juste pour t’offrir un pastaga. Sans eau.
Et ils sortent.
Par acquit de conscience, je vais bloquer la lourde à l’aide d’un dossier… de chaise.
Puis je reviens au juge. Elle est écarlate et respire à grand-peine.
— Tu te souviendras de l’année de la moule, ma chérie ? lui chuchoté-je. Allons, ne regimbe plus, je t’aime. Tu es jolie, il fait beau. Ecoute le gazouillis des marteaux piqueurs niçois ! L’air sent le mimosa, et toi tu sens la femme. Laisse-moi te prouver que la vie est belle. Tu ne me crois pas ? Tiens, touche !