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— Et quand l’avez-vous vu pour la dernière fois ? »

Simonet plissa les paupières. Il fouillait dans sa mémoire.

« Devant la douche ? suggéra-t-il. Mais non ! Qu’est-ce que je raconte. Il a mangé avec nous tous, vous l’avez fait descendre de son toit. Et ensuite… il s’est évanoui en fumée quelque part, sans doute… Que lui est-il arrivé ?

— Rien de spécial, lançai-je dédaigneusement. Une dernière question. À votre avis, qui a combiné toutes ces petites plaisanteries — la douche, la disparition des pantoufles…

— Oui…, dit Simonet. À mon avis, c’est du Barnstokr qui a dû donner le signal du départ. Et il a été suivi par tous ceux qui ont bien voulu lui emboîter le pas. Snevar le premier. 

— Et vous ?

— Moi aussi. J’ai fait quelques apparitions à l’extérieur des fenêtres de Mme Moses. J’adore ce type de farces…» Je le vis s’élancer pour hennir de son fameux rire sépulcral, mais il s’interrompit à temps et se recomposa une physionomie nettement plus grave.

« Et c’est tout ? demandai-je.

— Non, pourquoi ? J’ai aussi sonné Kaïssa à partir de chambres inoccupées, j’ai fait croire à une “visite du noyé”.

— De quoi s’agit-il ?

— Il s’agissait de courir pieds nus dans les couloirs, avec les pieds bien mouillés. J’avais également envisagé de bricoler un fantôme d’envergure moyenne, mais je n’ai pas eu le temps de mettre mon projet à exécution.

— On l’a échappé belle, dis-je d’un ton cassant. Et la montre de Moses, c’est aussi votre signature ?

— Quelle montre de Moses ? Sa montre en or ? L’oignon ? »

J’étais démangé par l’envie de lui taper sur la figure.

« Oui, dis-je. L’oignon. C’est vous qui l’avez chipé ? »

Il s’indigna. « Pour qui me prenez-vous ? Pour un pickpocket de fête foraine ?

— Non, non, pas pour un pickpocket », dis-je, en contenant les chatouillements qui m’énervaient les poings. « Vous l’aurez volée pour plaisanter. Pour faire croire à une “visite du Voleur de Bagdad”…

— Écoutez, Peter, dit Simonet avec le plus grand sérieux. À ce que je comprends, il est arrivé aussi quelque chose à cette montre. Bien. Alors ceci. Je n’y ai pas touché. Mais je l’ai vue. Comme tout le monde, probablement. Une montre-oignon, de taille respectable ; l’autre jour, Moses l’a plongée en public dans sa tasse métallique. 

— Bien, dis-je. Changeons de sujet. À présent je m’adresse à vous en tant que scientifique. » Je posai devant lui la valise d’Olaf et ouvris le couvercle avec une certaine brusquerie. « Pouvez-vous me donner votre opinion sur cet objet ? »

Simonet examina rapidement l’appareil, le souleva avec précaution hors de la valise et, en sifflotant entre ses dents, se mit à le regarder scrupuleusement sous tous les angles. Puis il le soupesa à bout de bras et le remit en place, avec des gestes tout aussi précautionneux que lorsqu’il l’avait retiré de son étui.

« Ce n’est pas mon domaine, finit-il par commenter. À en juger par l’apparence soignée et compacte, ce doit être un objet militaire. Ou cosmique. Je ne sais pas. Je n’ai même aucune compétence pour le deviner. Où l’avez-vous trouvé ? Il appartenait à Olaf ?

— Oui, dis-je.

— Incroyable ! marmonna-t-il. Un type qui avait l’air aussi borné… Enfin, pardon

5

. Que diable peuvent faire ici des verniers ? Et là… ces branchements ? Jamais vu un assemblage aussi bizarre…» Il se tourna vers moi. « Si vous voulez, Peter, je peux essayer de pianoter sur ces touches en tripotant les boutons, les vis graduées. Je suis plutôt amateur de haut risque. Mais je vous préviens, cela me semble beaucoup moins sain que de jouer au billard. 

— Pas la peine, dis-je. Rendez-le-moi. » Je refermai la mallette.

« Vous avez raison », approuva Simonet en se détendant soudain dans le fauteuil. « Il faut remettre cet appareil à des experts. Je vois à qui, d’ailleurs… Mais, à propos. Pourquoi prenez-vous en charge cette enquête ? Enthousiasme professionnel ? Pourquoi ne pas téléphoner aux spécialistes ? »

En deux mots je le mis au courant de l’avalanche. Il fit un commentaire morose :

« Le paysage s’assombrit de plus en plus, dit-il. Vous avez encore besoin de moi ?

— Non, dis-je. Rentrez chez vous et restez-y. Le mieux que vous puissiez faire maintenant sera de vous glisser entre les draps en fermant les yeux. »

Il sortit. Je repris la mallette et cherchai un endroit où la cacher. Il n’y avait nulle part de cachette convenable. Quelque chose de militaire ou de cosmique, pensai-je. Il ne manquait plus que cela. Assassinat politique ? Espionnage ? Attentat ?… Bah, je m’égarais ! Si le mobile du crime avait été cette valise, elle aurait disparu avec l’assassin… Où pouvais-je la fourrer ? Je me rappelai soudain que le directeur de l’hôtel possédait un coffre-fort. Je serrai la mallette sous mon bras — il me semblait qu’elle avait ainsi moins de chance de s’échapper — et descendis au rez-de-chaussée.

Le patron avait disposé sur la table aux revues toute une liasse de papiers et il se penchait sur une machine à calculer. Sa Winchester était à portée de main, appuyée contre le mur juste à côté de lui.

« Quoi de neuf ? » demandai-je.

Il se leva à ma rencontre.

« Rien de particulièrement brillant », répondit-il, une expression coupable sur le visage. « J’ai dû expliquer à Moses ce qui s’était passé.

— Pourquoi ?

— Il se ruait en direction de l’escalier, et surtout de votre chambre. Il était déchaîné, il écumait et disait qu’il ne permettrait à personne de faire irruption en pleine nuit dans les appartements de son épouse. Je me demandais comment le retenir, et je n’ai rien trouvé d’autre que de le mettre au fait des derniers événements. Il m’a semblé que cela éviterait le scandale.

— Dommage, dis-je. Mais tout est venu de ma faute. Et lui ? Comment a-t-il réagi ?

— Rien de spécial comme réaction. Il a roulé sur moi ses yeux énormes, il a bu plusieurs gorgées dans sa chope, il s’est tu pendant une demi-minute, puis il s’est mis à hurler : qui était ce type que j’avais installé sur son territoire, comment avais-je eu l’audace, etc. J’ai eu toutes les peines du monde à échapper à sa fureur.

— Bon, le mal est fait, dis-je. Écoutez, Alek. Donnez-moi la clé de votre coffre. Je vais y cacher la valise que voici. Quant à la clé, vous m’excuserez, mais je vais la garder sur moi. Deuxièmement, je dois interroger Kaïssa. J’aimerais que vous la fassiez venir dans votre bureau. Et troisièmement, j’ai horriblement envie d’une tasse de café.

— Aucun problème, dit Snevar. Allons-y. »

CHAPITRE NEUF

J’avalai une gigantesque tasse de café et passai à l’interrogatoire de Kaïssa. Le café me procura une sensation merveilleuse. Kaïssa, moins. Je ne pus rien tirer d’elle, ou pas grand-chose. Premier point, elle s’endormait à tout moment sur sa chaise ; quand je la secouais pour la réveiller, elle sursautait en demandant : « C’est quoi qu’il y a ? » Deuxième point, elle se révéla totalement incapable de parler d’Olaf. À chaque fois que j’en venais à prononcer ce nom, elle virait au rouge cerise et se répandait en gloussements convulsifs, tout en accomplissant une gymnastique tarabiscotée avec les épaules et en s’efforçant de se cacher la figure derrière l’éventail de ses doigts. J’en déduisis qu’Olaf avait réussi à polissonner pour de bon et que les polissonneries en question s’étaient déroulées très peu de temps après le repas, lorsque Kaïssa était descendue laver la vaisselle. « Et voilà qu’il me prend mon collier », racontait Kaïssa, à travers un déluge de « hi ! hi ! hi ! » spasmodiques. « Un souvenir, qu’il dit, c’est pour me rappeler. Quel farceur, tiens !…» Conclusion : je la laissai retourner dans son lit, repris le chemin du hall et commençai à m’occuper de Snevar.