Выбрать главу

— Et nous aussi, par la même occasion, fis-je remarquer.

— C’est fort possible, admit-il. Mais dans ce cas ce sera une affaire entre nous, entre terrestres. Tandis que si nous permettons que des extraterrestres soient assassinés, cela constituera une honte ineffaçable. »

Je le considérai avec une immense tristesse maussade, tout en pensant que le nombre de cinglés dans cette auberge était beaucoup trop élevé. J’en avais un de plus en face de moi. Lorsqu’il eut terminé, je demandai : « En deux mots, que désirez-vous de moi ?

— Rendez-leur l’accumulateur, Peter, dit Simonet.

— Allons, bon ! Un accumulateur, maintenant ?

— C’est ce que contient la mallette. Un accumulateur d’énergie pour leurs robots. Olaf n’a pas été assassiné. Ce n’est pas une créature vivante. C’est un robot. Mme Moses également. Ces robots ont besoin d’énergie pour pouvoir fonctionner. Dans l’explosion leur station énergétique a été détruite, et la distribution d’énergie a été interrompue. Sur un rayon de cent kilomètres, tous leurs robots se sont trouvés menacés. Plusieurs ont probablement eu la possibilité de se brancher aussitôt sur leurs accumulateurs portatifs. C’est Moses lui-même qui a raccordé Mme Moses à son accumulateur… Vous vous souvenez ? Je l’avais prise pour un cadavre. Quant à Olaf, une raison quelconque a dû l’empêcher de se raccorder à temps…

— Ah ! ah ! dis-je. Il n’a pas eu le temps de se raccorder, il a basculé en avant, mais il a tout de même pensé à se tordre habilement le cou dans sa chute. Il n’a pas oublié de se prendre la tête, vous comprenez ! Pour se la faire pivoter de cent quatre-vingts degrés. Je ne me trompe pas ?

— Il est superflu de faire de l’esprit, dit Simonet. Il s’agit chez eux de phénomènes quasi agoniques. Les articulations se déboîtent, les pseudo-muscles se tendent de manière asymétrique… Ah oui ! Cette nuit, j’ai oublié de vous dire que Mme Moses avait, elle aussi, le cou tordu à cent quatre-vingts degrés.

— Eh bien, bravo, dis-je. Quasi-muscles, pseudo-ligaments… Enfin, quoi, Simonet, vous n’êtes plus un gamin ! Vous devez être assez grand pour comprendre que si l’on recourt à l’arsenal du fantastique et de la science-fiction, n’importe quel mystère criminel peut être éclairci… Et de plus, l’explication sonnera toujours de façon très logique. Seulement, en face d’une pareille logique, les gens raisonnables ne se laissent pas prendre au piège.

— J’attendais cette objection, Peter, dit Simonet. Mais il est très facile de vérifier s’il s’agit ou non d’affabulations. Donnez-leur l’accumulateur, et en votre présence ils procéderont au rebranchement d’Olaf. Ne me dites pas qu’il ne vous serait pas agréable de voir Olaf renaître à la vie !

— Pas question de se livrer à cette opération, dis-je aussitôt.

— Mais pourquoi donc ? Vous êtes sceptique, et on vous propose des preuves. Où voyez-vous quelque chose qui coince ? »

Je pris entre mes mains ma pauvre tête enveloppée de bandages.

Qu’est-ce qui coinçait, en effet ? Pourquoi étais-je en train de prêter l’oreille au bla-bla de ce fantaisiste ? Il n’y avait pas trente-six solutions, pourtant. Lui, le munir d’une carabine et le faire grimper sur le toit, en tant que bon citoyen obligé de se plier à la loi. Moses, l’enfermer à la cave. Luarwick, pareil. Une cave en béton, elle résisterait à une attaque frontale… Et les du Barnstokr ? Avec les autres, à la cave. Et Kaïssa aussi. Et nous allions tenir le choc. Et en dernier recours, nous aurions toujours comme monnaie d’échange la bande des Moses au grand complet. Il est vrai que le Champion ne faisait pas dans la plaisanterie. Il faudrait encore qu’il accepte le principe de négociations…

« Pourquoi vous taisez-vous ? m’apostropha Simonet. Vous n’avez rien à objecter ? »

Si. J’avais des objections.

« Je ne suis pas un savant, articulai-je avec lenteur. Je suis un fonctionnaire de police. Et il y a eu mille fois trop de mensonges autour de cette fameuse mallette… Attendez, ne m’interrompez pas. Je vous ai laissé vous exprimer.

Je suis prêt à prendre pour argent comptant tout ce que j’ai entendu. Et j’y crois, même, tenez. D’accord, Olaf et cette poule de luxe sont des robots. Mais vous estimez que ça arrange les choses, vous ? Pas moi. Mme Moses a déjà accompli… Enfin, plusieurs crimes ont été accomplis avec sa participation. Entre les mains d’un gang résolu, elle devient un instrument effroyable, l’équivalent d’un esclave docile. Si j’en avais le pouvoir, je ne me priverais pas de la déconnecter à son tour, cette Mme Moses, comme l’a déjà été Olaf. Et vous êtes en train de m’encourager, moi, un policier, à rendre à un groupe criminel des instruments d’une telle efficacité ? Vous comprenez la situation ? »

Simonet se mit à réfléchir intensément. Il cherchait de toutes ses forces des arguments et se donnait de petites tapes derrière la nuque.

« Écoutez, dit-il. Si l’avion des bandits se pointe par ici, c’est notre fin à tous. Les pigeons voyageurs, vous bluffiez, n’est-ce pas ? Inutile d’escompter un prompt secours de la part de la police ? Eh bien, si nous aidons Moses et Luarwick à échapper à leurs meurtriers, au moins nous aurons la conscience tranquille. Et propre.

— C’est la vôtre qui sera propre, dis-je. Mais la mienne aura été cochonnée de fond en comble. Un policier complice d’une évasion de malfaiteurs !

— Ce ne sont pas des malfaiteurs ! protesta Simonet.

— Si ! dis-je. Des bandits ! De purs et simples gangsters ! Vous-même avez assisté au témoignage de Heenkus. Moses a appartenu à la bande du Champion. Moses a organisé et réalisé plusieurs hold-up particulièrement audacieux, ce qui a représenté une perte considérable tant pour l’État que pour les particuliers. Si cela vous intéresse, je vous signale que Moses ne s’en tirera pas avec moins de vingt-cinq ans de bagne. Et mon devoir à moi est de tout faire pour que la justice puisse le condamner à ces vingt-cinq ans.

— Bon sang de bois ! s’échauffa Simonet. Vous êtes buté, ou quoi ? On l’a emberlificoté ! On l’a obligé à entrer dans ce gang ! De force ! Il n’avait pas d’autre solution !

— Ce sera au tribunal de débrouiller tout cela », dis-je avec froideur.

Simonet se renversa en arrière dans le fauteuil et me fixa en plissant les yeux.

« Eh bien, Glebski, vous êtes une belle bûche, dit-il. Je m’attendais à autre chose.

— Gardez vos réflexions pour vous, dis-je. Allez vous occuper de vos affaires. Qu’est-ce que vous avez au programme ? Satisfactions sensuelles ? »

Simonet se mordit la lèvre.

« Vraiment réussi, comme premier contact, grommela-t-il. Vraiment réussie, la rencontre entre deux mondes étrangers.

— Vous m’assommez, Simonet, dis-je méchamment. Allez, fichez le camp d’ici. Je vous ai assez vu. »

Il se leva et marcha vers la porte. Il avait la tête baissée, les épaules accablées. Arrivé au niveau de la porte, il s’arrêta et dit, en se retournant à moitié :