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— Non, pas lu. Il n’y a pas eu d’appels téléphoniques ?

— Non, pas d’appels pour vous. C’est magnifique, vous devriez le lire.

— J’y penserai.

J’en conclus que la voie était libre ou qu’elle ignorait qu’une embuscade m’attendait à l’étage.

Je pris ma clé et montai.

J’ouvris la porte de ma chambre en retenant ma respiration.

Rien.

La voie était libre.

Je bénéficiais d’un répit. J’envisageai un instant de boucler ma valise et de changer d’hôtel, mais j’étais exténué. Je remis mes projets de déménagement au lendemain.

En sortant du restaurant italien, j’avais appelé Raoul pour lui faire part de mes dernières péripéties.

Il était chez lui et n’avait pas de nouvelles fraîches de ses collègues. Il m’apprit, comme je le craignais, que la clé découverte dans mon jardinet ouvrait l’appartement de Nolwenn.

Je lui avais laissé l’énigme du meurtre de Block et le journal sud-africain à titre de distraction pour le reste de sa soirée.

Je fermai les tentures, ôtai mes chaussures et dépliai le journal sur le lit.

Que signifiaient la disparition de ce quotidien chez Nolwenn et sa réapparition dans l’appartement de Block ?

Les hypothèses étaient légion.

La plus recevable, la plus élémentaire aussi, était que Block avait tué Nolwenn. Il avait attendu mon départ et était monté chez elle. Comme elle le connaissait, elle lui avait ouvert la porte. Il l’avait tuée et s’était servi du journal pour une raison inconnue. Il avait ensuite subtilisé sa clé et était venu l’enterrer dans mon jardin avant de retourner à Paris.

Il me restait à éclaircir le mobile du meurtre, à cerner l’usage qu’il avait fait du journal, à expliquer comment il avait réussi à convaincre Nolwenn d’aller dans son lit pour se laisser tuer et, le cas échéant, à découvrir l’artifice qu’il avait utilisé pour se trouver à l’autre bout du monde au moment du meurtre.

Ensuite, à déchiffrer les raisons pour lesquelles il avait lui-même été tué.

Comme l’aurait décrété Sac à main, si ce n’était pas Richard Block, il s’agissait de quelqu’un d’autre.

Deuxième option, l’assassin de Nolwenn avait pris le journal dans le seul but d’incriminer Block en le déposant dans son appartement.

Dans ce cas, d’autres éléments ne concordaient pas.

Comment l’assassin était-il entré chez Nolwenn puisqu’il n’y avait pas eu d’effraction ? Et pourquoi faire peser des soupçons sur ma personne avec cette clé s’il souhaitait faire porter la responsabilité du meurtre à Block ?

Par ailleurs, la concierge de Block m’avait déclaré qu’elle ne possédait pas la clé, ce qui avait obligé la police à forcer la porte.

Comment l’assassin était-il entré chez Block ?

Je pourrais en déduire qu’il détenait les clés des deux appartements, ce qui pointait du doigt un proche des deux compères, mais n’expliquait pas les raisons des meurtres.

D’autre part, l’assassin de Block était apparemment au fait de son voyage en Thaïlande. Pourquoi tenter de l’incriminer en déposant ce journal chez lui ?

Même si mes déductions me paraissaient logiques, je ne voyais pas où elles me menaient. J’étais certain d’avoir intercepté des pièces du puzzle, mais je ne parvenais pas à les assembler.

Je repliai le journal et décidai de laisser la nuit me porter conseil. Je fis ma toilette, enfilai mon pyjama, cirai mes chaussures et rangeai la chambre.

Le lit émit une longue plainte lorsque je m’allongeai et je revis le visage grimaçant de Lapierre.

J’éteignis, me couchai sur le dos, fixai le plafond, et me repassai le film de la journée.

Ma vie tranquille et ordonnée n’était qu’un lointain souvenir. J’étais un homme traqué, suspecté de meurtre.

En principe, ce 25 août, j’aurais dû aller voir une exposition sur l’art contemporain polonais aux Beaux-Arts en compagnie de Caroline. Nous aurions ensuite mangé un morceau au Vieux Saint Martin. Le repas terminé, nous serions allés chez moi et j’aurais conclu ma petite affaire.

Au lieu de ce programme réjouissant, j’étais seul dans un lit grinçant, en proie aux pires angoisses.

En plus de la perte de mon érection matinale, le bilan de ma journée se résumait à une rencontre avec un suspect qui n’en était plus un, à une chasse à l’homme menée par des policiers qui s’avéraient plus malins que je ne le pensais, à la mise à mort d’un témoin sous mes yeux et à la découverte d’un quotidien sud-africain qui tirait à plusieurs milliers d’exemplaires.

La vision d’une rotative traversa mon esprit.

Je m’assis dans le lit et rallumai.

Il existait une troisième piste. Plus simple. Plus rationnelle. Ce n’était pas le journal que je détenais qui avait fait le voyage de Bruxelles à Paris. Il s’agissait tout simplement d’un autre exemplaire du même quotidien.

Ce qui voulait dire que ce quotidien renfermait une information que Nolwenn et Block détenaient tous deux. Une information suffisamment sensible pour justifier la mort de deux personnes.

VENDREDI 26 AOÛT 2011

19

À BOUT DE SOUFFLE

L’appel de Raoul me sortit d’un sommeil hypnotique.

Je jetai un coup d’œil à ma montre.

Il était 7 h 10.

— Bonjour, Raoul, un appel aussi matinal ne présage rien de bon.

— En effet. Avouez que vous cherchez les ennuis. Richard Block a été abattu hier soir devant chez lui, aux environs de 20 h 30. Un taxi a déclaré vous avoir déposé à Boulogne vers cette heure-là. Une caméra de surveillance a enregistré votre entrée dans l’immeuble de Block à 20 h 52, vous en êtes ressorti onze minutes plus tard.

Les derniers résidus de sommeil s’évanouirent aussitôt.

— Mince !

— En conclusion, vous êtes activement recherché par la police française. Point positif, toujours à titre de témoin. Je tiens par ailleurs à vous renouveler ma confiance.

— Je te remercie. En tout cas, tes informateurs ne perdent pas de temps. Comment as-tu fait ?

Il se racla la gorge.

— Ce n’est pas comme ça que je le sais.

— C’est-à-dire ?

— J’ai vu ça au journal télévisé, il y a quelques minutes.

— Merde !

Cet écart de langage de ma part le laissa coi. Je raccrochai, bondis hors du lit et me précipitai dans la salle de bains. Je scrutai mon visage dans le miroir. Je ressemblais à un chanteur de hard rock. Pour la première fois depuis bien longtemps, je décidai de ne pas me raser.

J’empilai mes affaires dans ma valise et descendis en toute hâte à la réception. Dans le hall, la télévision diffusait Télématin. Il y était question des premiers dentiers en porcelaine qui dataient du dix-septième siècle.

La femme en rouge était toujours en faction derrière le comptoir, le chignon dépaqueté, les traits tirés, le tailleur défraîchi.

— Bonjour, monsieur.

— Bonjour, je souhaite régler mon addition.

Elle me dévisagea.

— Bien sûr. Vous ne voulez pas prendre le petit-déjeuner ?

— Non, je n’ai pas le temps, j’ai un rendez-vous urgent.

Elle était stressée, la nuit de service semblait l’avoir épuisée.

— Vous désirez une facture ?

— Non, ce n’est pas la peine.

— Je peux vous la faire, ça ne prendra qu’une minute.

Cette insistance à freiner mon départ me mit la puce à l’oreille.