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MERCREDI 31 AOÛT 2011

32

DUEL

Une sonnerie résonna au loin.

Des images se bousculèrent dans ma tête. J’étais chez moi. Nolwenn Blackwell était allongée à mes côtés, morte, tuée de deux balles dans la tête. Witmeur et Caroline s’impatientaient devant ma porte. Je devais en toute hâte trouver une solution pour dissimuler le cadavre et nettoyer le sang avant de les faire entrer.

J’ouvris les yeux.

Christelle Beauchamp dormait à mes côtés, ses jambes emmêlées dans les miennes.

La sonnerie reprit.

J’attrapai mon téléphone. Le numéro de Witmeur apparut sur l’écran.

Je pris l’appel.

— Monsieur Witmeur, j’attendais votre appel. Alors ?

— Alors ? Alors, vous êtes dans la merde, mon vieux.

Christelle Beauchamp ouvrit un œil.

Je lui fis signe de garder le silence.

— Pourquoi dites-vous cela ? Vous avez vérifié les informations que je vous ai données ?

— J’ai fait ça, en effet. Commençons par l’affaire Kuyper. Pendant la nuit du 27 au 28 juin 2010, Juan Tipo fêtait la victoire de son équipe contre le Mexique. La délégation argentine au grand complet s’est réunie dans un restaurant chic de Sandton. Après ça, ils se sont éparpillés par petits groupes pour faire la tournée des bars. Juan Tipo est rentré seul, à deux heures du matin, les caméras vidéo de l’hôtel sont là pour l’attester. De plus, il est redescendu au bar vers deux heures et demie et y est resté jusqu’à près de six heures. En plus du concierge et du barman, d’autres membres de l’équipe sont venus le rejoindre et peuvent en témoigner.

— Je ne comprends pas. Et la nuit de la mort de mademoiselle Blackwell, où se trouvait-il ?

— Dans son lit, je suppose. Je n’ai pas pris la liberté de le déranger pour l’interroger, je ne tiens pas à créer un incident diplomatique et passer pour un con. En revanche, je peux vous dire où il se trouvait ce jeudi 25 août, en fin d’après-midi, pendant que Richard Block se faisait descendre à Paris. Il participait à une séance d’entraînement pour les jeunes joueurs de son club, à Eindhoven.

Christelle Beauchamp dégagea ses jambes d’un mouvement brusque.

Elle se redressa dans le lit, l’air horrifié, et m’interpella à voix basse.

— On a baisé ?

Je lui désignai le téléphone et posai un doigt sur ma bouche pour lui intimer le silence.

Je repris mon dialogue avec Witmeur.

— Je ne comprends pas. Et l’arme du crime ?

— Joli tuyau crevé. Richard Block a été abattu de plusieurs balles de 9 mm tirées par un pistolet-mitrailleur Uzi, une arme d’origine israélienne. Au vu des éléments qui précèdent, j’en ai conclu que Juan Tipo n’a tué ni Shirley Kuyper ni Richard Block. Dans ce cas, pourquoi aurait-il tué Nolwenn Blackwell ?

Christelle Beauchamp continuait à m’interroger du regard, assise dans le lit, incrédule.

Je levai les sourcils en signe d’impuissance et repris le fil de la conversation.

— Il y a quelque chose qui ne colle pas dans cette histoire.

Il s’emporta.

— Ce sont vos boniments qui ne collent pas dans cette histoire, mon vieux. Vous truquez les cartes. Il faudra trouver une autre combinaison.

— Je ne truque rien du tout.

— Dans ce cas, quelqu’un d’autre truque les cartes. Trouvez qui, il vous reste moins de soixante heures.

Christelle Beauchamp sauta hors du lit et plongea dans la salle de bains.

— Attendez, monsieur Witmeur. Laissez-moi plus de temps. Je suis sûr de ce que j’avance.

— Attendre quoi ? Plus de temps pour quoi ? Pour que vous commettiez d’autres délits ? En vérifiant vos informations, mon collègue de la police de Johannesburg m’a signalé qu’un certain Willy Staquet s’était présenté chez lui muni d’une carte de police belge. Son signalement ressemble étrangement au vôtre et il vous a reconnu sur la photo que je lui ai fait parvenir. Usurpation d’identité, faux et usage de faux, abus de confiance, dissimulation de documents confidentiels, et j’en passe. Soixante heures. Pas une minute de plus.

Christelle Beauchamp sortit de la salle de bains. La confirmation de ce qu’elle craignait se lisait sur son visage.

— Salaud ! Vous m’avez baisée.

Witmeur réagit.

— Vous dites ?

— Rien, monsieur Witmeur, c’est la femme de ménage.

— La femme de ménage ?

— Je vous rappelle.

Je raccrochai et fis face à Christelle Beauchamp.

— J’étais en communication avec l’inspecteur de police dont je vous ai parlé hier.

Elle ne m’écouta pas.

— Vous avez profité d’un moment de faiblesse de ma part pour me baiser.

Elle lança dans ma direction quelques ustensiles de toilette qu’elle avait pris dans la salle de bains : savon, flacon de shampoing, verre à dents.

Elle ponctua chaque lancer d’une insulte.

— Goujat, connard, bouffon !

J’esquivai un pot de crème qui termina sa course sur le Baiser de Klimt.

Je n’étais pas d’humeur à calmer le jeu.

— Maintenant, ça suffit ! Vous dépassez les bornes. Je n’ai fait que répondre à votre demande. Je précise que j’ai tout d’abord repoussé vos avances, c’est vous qui avez insisté.

— Salaud ! Vous me le paierez. Vous avez abusé de moi, vous avez triché, vous avez enfreint les règles élémentaires de savoir-vivre, vous n’avez aucune éthique.

Je vis rouge et perdis mon calme.

— Vous vous êtes promenée nue devant moi pendant tout l’après-midi, vous comprendrez qu’un tel comportement puisse être interprété comme une invitation. Si cela peut vous rassurer, ce fut de courte durée et je n’en garde pas un souvenir impérissable.

Elle me crucifia du regard.

— Mufle !

Elle retourna dans la salle de bains et claqua la porte derrière elle.

Les nouvelles que m’avait données Witmeur m’inquiétaient davantage que la frustration affective de Christelle Beauchamp. Somme toute, je n’avais fait que donner suite à sa requête. J’étais en outre persuadé qu’elle n’en était pas à son coup d’essai, l’alcool avait un effet stimulant sur sa libido et je n’en étais pas responsable.

En me repassant la conversation que j’avais eue avec Witmeur, j’eus le sentiment qu’il s’était évertué à démonter les indices que je lui avais fournis, mais qu’il s’était gardé de confirmer ceux qui pouvaient coïncider avec mon scénario.

Avait-il envoyé la photo de Tipo à la police sud-africaine pour qu’ils la présentent aux témoins ? Si oui, pourquoi ne m’en avait-il rien dit ? Sinon, quelles en étaient les raisons ? Et pourquoi n’avait-il pas contrôlé l’alibi de l’Argentin pour la nuit où Nolwenn s’était fait assassiner ?

Il connaissait à présent ma nouvelle identité et saurait dans peu de temps que j’étais au Hilton d’Alger. Allait-il envoyer la police algérienne ou attendre mon hypothétique retour en Belgique ?

Une chose était sûre, le piège se refermait sur moi.

Selon lui, j’avais truqué les cartes. Selon moi, il avait menti par omission, pour une raison qui m’échappait, mais qui allait certainement au-delà de l’assouvissement d’une vengeance personnelle.

J’eus également l’impression diffuse qu’il m’avait transmis une information qui se trouvait sous mes yeux depuis le début, mais que j’avais jusqu’à présent négligée.

33

LE GRAND ALIBI